Chelsea Wolfe - Live At Roadburn

Chronique Vinyle 12" (38:46)

chronique Chelsea Wolfe - Live At Roadburn

Ça en serait presque écœurant. Fascinante, en tous cas, cette apparente facilité qu'a Chelsea Wolfe (prononcer « wolf ») à fissurer le cœur de la brute, du lâche et du blasé. Quelques notes de guitare et surtout une voix magique qui, si elle est pétrie de fragilité sensible, est toujours juste, assurée, fichée comme une serpette dans le talon d’Achille des sales enfoirés romantiques de mon genre. Juste, disais-je, dans ses intervalles mélodiques, ça va sans dire, mais juste aussi dans son intention et sa place artistique. En bref, mon cher, une vraie putain de chanteuse. Et on sait combien il est casse-gueule de lancer sa voix dans des torrents torturés mélodiques quand l'arrangement est à poil.
Même si, ici, elle est accompagnée d'un groupe très Rock (à la fois roots et gothique, voire même trip-hop sur "Movie Screen") : un autre guitariste, un batteur et un bassiste/claviériste/bidouilleur. On l'a connue plus courtement vêtue (The Grime And the Glow, plus ou moins en solo avec même une boîte à rythme lo-fi ; ou sur son EP hommage à Rudimentary Peni). Cela dit, c'était déjà cette formation sur le terriblement héroïnisant Ἀποκάλυψις. Voici donc logiquement un témoignage bouleversant de ce qui pouvait se passer sur les concerts qui suivirent sa sortie.
Pour preuve amusante que la belle a su également toucher le cœur des gros barbus bourrins, voilà ce live enregistré... au Roadburn Festival, sorti exclusivement en vinyle sur... Roadburn Records.

Plus qu'un concert, là on a affaire à une véritable messe païenne, une déraison funèbre, une procession noire au bout de la nuit avec un cortège de hululements et psalmodies lancinantes. La prêtresse shamane mène la spirale sans se poser en chef de tribu ou matrone autoritaire. Non, sa présence physique discrète, voire effacée – en tous cas dissimulée – lègue les rennes à sa seule incarnation psychique, paranormale, transcrite à travers cette voix d'outre-monde et quelques arpèges de guitare morbide. Et le groupe n'est pas en reste.
Ici on touche à la profanation du Divin. La beauté blafarde règne sur des champs de cendre. Non, pas cool, l'ambiance. A tel point que les grincheux pourraient regretter un certain manque de recul, du moins, de distanciation, un peu d'humour, peut-être, fût-il noir et cassant, une dose acide de nihilisme au milieu du glauque romantisme ?
Là n'est pas le propos. Car, en même temps, c'est ce qu'on aime dans cette musique pénétrante : elle est investie, sérieuse, grave, oui. Excessive. C'est pas pour les tièdes ou ces enculés de joyeux drilles.
Il fait froid, t'as mal et t'es au fond des chiottes. Mais tu la vois la beauté, là-bas, là-haut, loin, très loin. Tu la vois, hein ? Jamais tu ne l’atteindras, jamais tu ne l'étreindras. Prosterne-toi autour de tes petites couilles.

Rock vénéneux – "Demons", "Noorus" et ses cors synthétiques maléfiques – Drone, Doom-Folk – lugubre "Pale On Pale", parfait pour ton enterrement – airs traditionnels du Domaine du Rêve – l'hymne introductif "Halfsleeper" – éther sans sommeil (c'est jamais chiant) mais avec ses visions colorées et son mal de crâne terrible. Donc psychédélique, aussi, ouaip. Après la dose, il reste le manque, la perte, des traces de copuline entre les draps qui ne sentent plus rien ni personne – "Tracks" – et encore ces foutus fantômes – danse avec la noyée sur la "Mer". Parfois, on se croirait perdu dans le désert hanté des Terres Molles, cher à Neil Gaiman (lisez ou relisez Sandman, c'est grand!). Souvent, la tristesse et le désespoir emportent tout. Clairement pas conseillé aux grands dépressifs.
Bon, c'est vrai, c'est vrai, "Moses" sonne de façon assez surprenante comme PJ Harvey ("Demons" aussi, tiens) mais l'univers de Chelsea Wolfe reste unique.

Pfffff... C'est une honte d'écrire pareille chronique sur de la musique aussi belle. Les chroniqueurs sont de prétentieux connards inutiles, c'est bien connu.
Allez, trêve de plaisanteries, écoute tout de suite ce disque magnifique ou j'te défonce.

Notabum Bonbonum : En parlant de connards prétentieux, un grand merci à ce cher Buddy Satan, qui m'a fait découvrir cette artiste (entre autres) via son blog Records Are Better Than People.
C'est bien de citer ses sources de temps en temps.

photo de El Gep
le 18/12/2012

6 COMMENTAIRES

Crousti Boy

Crousti Boy le 18/12/2012 à 11:30:18

Rien à voir avec la chronique, quoi que :

- J'ai jamais lu Sandman de Nail Gaiman mais j'ai trouvé American Gods très moyen, et Anansi Boys juste symapthique. Peut-être que j'ai simplement pas lu le bon ?

- Le dernier Pj Harvey (Let England Shake - 2011) est une tuerie sans nom, c'était pourtant pas gagné d'avance.

Sinon, concernant Chelsea Wolfe, je sais pas pourquoi, j'avais dans l'idée que ça lorgnait du coté d'un Zola Jesus un peu cheap (Pléonasme...), peut -être est-ce la pochette du premier album qui m'avait induit en erreur, du coup je vais y jeter une oreille attentive.

el gep

el gep le 18/12/2012 à 13:48:20

Alors déjà, pour ce que je connais de Zola Jesus: RIEN A VOIR.
Ici, il s'agit de quelque chose de Folk, à l'os, pas du tout électronique (à peine deux-trois conneries de temps en temps), avec des racines Country et Blues.
Mais vues ses différentes sorties, elle tape large.

Neil Gaiman, c'est surtout la BD (comics, même) Sandman qui l'a révélé. J'ai lu certains de ses romans: clairement pas à la hauteur. Sandman, les dessins ont parfois vieilli, l'histoire est juste magnifique.

PJ Harvey me saoulait mais le petit dernier, j'adore aussi.

Et sinon, Crousti, par hasard, on ne te surnommerait pas Buzz, aussi, dans la vraie vie?

Tookie

Tookie le 18/12/2012 à 14:04:53

De belles découvertes également sur Records Are Better Than People, comme celle-ci. Je ne connais pas ce live (snif, platine tout ça) mais son album acoustique est fort agréable...
Une voix, surtout, ou plus quasiment tout.

Crousti Boy

Crousti Boy le 19/12/2012 à 13:56:59

@ El Gep : Non, on ne me surnomme pas Buzz dans la vie, la vraie. C'est ton obsession pour les Melvins qui déteint ?

el gep

el gep le 19/12/2012 à 16:11:38

Ahah, non, non, pas du tout. J'aurais dû écrire "Beuze", tiens... Bon, OK, tu n'es pas "lui" mais un autre, c'était juste au cas-où...

Crousti Boy

Crousti Boy le 25/03/2013 à 21:21:23

Yep, toujours pas écouté celui là, mais je me suis bien entiché de "Apokalypsis".
Bien envoûtant, avec un petit coté Beth Gibbons aussi.

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