Exivious - Liminal

Chronique CD album (45:25)

chronique Exivious - Liminal

Attends, laisse-moi deviner, en général je suis assez physionomiste… Ces cheveux longs et délicatement bouclés, cette retenue délicate qui confine au maniérisme, ce Tshirt qui m’a tout l’air d’être repassé, ces doigts de pianiste: toi, tu es amateur de metal « Cristal & Porcelaine », pas vrai? Tatata, j’ai bien compris que ce sweat « Consuming Impulse » n’est qu’un leurre: chez Pestilence, ce que tu apprécies vraiment, c’est Spheres. Et au-delà, tout là-haut, l’album qui fait la loi dans ton Panthéon du Metal personnel, c’est le Focus de Cynic. Mais cet iPad Air et cet exemplaire de « Hacker Magazine » que j'aperçois dans ta besace m’apprennent également que tu as dû succomber aux sirènes du djent, hein, avoue… Eh bien sache que j’ai ici de quoi illuminer tes prochaines séances de Wii-Yoga. Ouaip. Zen, délicatement complexe, subtilement moderne, sur Liminal les hollandais de Exivious fusionnent l’esthétisme instrumental cyber-organique d’Animals As Leaders avec la basse et la sereine dextérité jazzy du Cynic dernière mouture.

 

Mais plantons l'ambiance en quelques coups de pinceau: coussins moelleux, mojito à bulles légères et Macbook Pro, le tout lové dans un recoin discret du « Andy Warhol Jazz Bar ». Smart & classe. En effet, Exivious ne va pas te souffler violemment dans les bronches, ni t'apprendre à taillader le bourgeois au tesson de bouteille, ça non. Le créneau des 4 mousquetaires d’Utrecht, c’est plutôt la promenade légère et virtuose dans les quartiers bobo de Metal City. Ici la basse est un félin ronronnant doucement sur son matelas Bultex, le batteur joue sur des toms recouverts de velours, et les guitares virevoltent follement mais sagement (si si, ça se peut) dans un ballet mimant l’activité d’une ruche où le miel coule à flots sans que l’apiculteur ne subisse le stress de la piqure sauvage.

 

Avec Exivious, son 1er album sorti en 2009, la formation avait déjà sacrément fait parler d’elle dans les milieux metal prog BAC+10. Mais avec dans ses rangs un membre de Textures (Stef Broks) et 2 zicos (Robin et Timon) partis cachetonner outre-Atlantique au sein du line-up de Cynic (...ça te donne une idée du niveau des loulous), pas facile de maintenir une activité régulière. C'est donc une fois nos 2 expatriés rentrés au bercail que ceux-ci reprennent les choses là où elles avaient été abandonnées, qu'ils lèvent des fonds auprès de leurs fans, et arrivent avec ce 2e album tout chaud tout beau dans le bureau de Mr Season of Mist qui – pas bête – signe ces petits prodiges à la réputation déjà bien établie. Là, comme ça tu sais tout.

 

Liminal est donc taillé sur mesure pour les fans de la face la plus douce et la plus « jazz fusion » de la bande à Paulo Masvidal et Sean Reinert. Car écouter cette galette, c’est observer l’étonnante chorégraphie du colibri butinant une capucine, c’est se perdre dans la complexité des courants naissant entre les rochers au pied d’une cascade, c’est goûter les nuances de bleu-gris et d'indigo d’un crépuscule alpin. Bref, c’est déguster du metal raffiné la serviette sagement dépliée sur les genoux, sans chercher la mandale, la fièvre de l’excès de vitesse ou les secousses sismiques d’un groove adipeux. Si ce préalable ne t'effraie pas, il faudra encore tolérer la présence de quelques contrepieds et autres riffs syncopés qui, occasionnellement, attestent de l’ouverture du groupe sur les musiques les plus modernes de la grande famille Metal. Enfin il faudra ne pas être rebuté par ces épisodes où la guitare se fait égocentrique et s’épanche en jouant carrément perso' (cf. « Triguna » par exemple). Si le groupe ne tombe pas trop fréquemment dans ce travers, c’est néanmoins l’un des éléments qui freinent le plus mon enthousiasme, ça ainsi qu’un manque certain de mordant (« Movement ») et des débuts de morceaux se complaisant fréquemment dans une délicatesse excessive. M’enfin les bataves ne passent pas non plus l’ensemble de l’album à soupirer distraitement dans les bras de Morphée, et ils injectent suffisamment de tension et de cohérence au cours de ces 3 quarts d'heure pour rendre un « One ‘s Glow » ou un « Immanent » particulièrement goûteux.

 

Je mentirais si je disais que Liminal a comblé mes attentes de fan inconditionnel d’Infectious Carnival in Corpse. Et même en tant qu’amateur d’Animals As Leaders, Joe Satriani, Scale The Summit et Focus, je peine à prendre un méga-panard lors de mes immersions dans cet océan de dentelle musicale. Mais je n’ai aucun doute là-dessus: en tant que fan de metal composé avec des gants blancs sur papier millimétré, tu vas tomber raide-dingue de ce 2e album. Car bien que cette chronique ne fleure pas l'enthousiasme débridé – non, c'est vrai –, don't worry: Liminal, li pas minable, loin de là. (hum)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: mélangez 75% de Cynic millésime XXIe siècle à 15% d’Animals As Leaders / Scale The Summit. Arrosez de jazz fusion, laissez mijoter à feu très doux, et vous pouvez déguster Liminal sur toasts accompagné d’un champagne bien frais ou d’un petit Jurançon des familles. Attention toutefois: une écoute prolongée de l’album risque de vous coincer le petit doigt en position haute…

photo de Cglaume
le 28/01/2014

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