Joe 4 - Njegov Sin

Après un premier EP enthousiasmant, les croates poursuivent leur chemin avec la même bonhomie pour ce premier album full length. L'effet de surprise, la pince crantée à la gorge, est passé ; on se doute que l'on va entrer dans un monde bien connu, bien accueillant. Et effectivement, revenir chez Joe 4 lorsque l'on est fan du genre noise-rock du milieu des années nonante (je le fais exprès, je suis belge) ; c'est comme revenir chez Mamie après quelques semaines. Ça sent la soupe aux poireaux, le poêle est rougeoyant, le chat ronronne et les biscuits salés sont déjà sur la table. Quelques T.. dans la soupe, c'est bon, hein !

Njegov Sin -son fils- en croate, accuse 34 minutes à la pesée et une farouche volonté de chausser les gants, pour aller cogner un ordre bien établi. Si on s'attarde un peu sur le contexte géopolitique croate, on se rend compte que plus de vingt ans après la déclaration d'indépendance, le contexte de vie n'a que peu évolué. Avec moins de 14 000 euros brut annuels par habitants, un fort taux de chômage et une économie qui repose sur les services et un peu d'industrie, ils n'ont pas les armes nécessaires pour prendre place dans le grand cirque libéral. Ils s'en fichent un peu et Joe 4 est déjà en place pour nous indiquer que la riposte anti-capitaliste campe bien sur ses positions. Europe, Europe, cours après moi que je t'attrape... « Vatra » -Feu en titre d'ouverture montre de quel bois alpin, ils sont prêt à se chauffer.

Steve Albini se charge de la mise en boîte de ces titres, avec une sobriété toute albinienne... tant mieux, ça laisse de la place à la basse, ça appuie bien les vocaux, un rien enragés, et la gratte peux tricoter bien à l'aise pendant que la batterie continue à baver sur les cymbales un peu trop. Enfin d'après les notes de la pochette, le Steve était fort à son affaire avec Facebook ! Le summum est atteint avec le neuvième titre « Almost a boy » à placer d'urgence dans toutes les bonnes playlists de radio encore férocement rock dans l'âme. Ne vous arrêtez pas à cet effet -single- ; ce très bon album est plein de ressources.

La force de Joe 4 dans ce premier album est de s'éloigner un peu des figures tutélaires de Jesus Lizard, Unsane ou Cop Shoot Cop en respectant toutefois le même canevas historique. Forcément, si on aime le genre, on se sent comme chez soi... ou chez Mamie...

Eric D-Toorop

le 19/06/2013