Meshuggah - Koloss

Chronique CD album (54:31)

chronique Meshuggah - Koloss

Tressautements spasmodiques au sein du magma grésillant. Prêche apocalyptique, éraillé et monocorde. Décalages rythmiques, bouillonnement gras, bombardement syncopé, groove invertébré...

 

« I am Colossus! »

 

Ouawh, la baffe! Dès le premier titre de Koloss, Meshuggah pratique la politique de la terre brûlée. La machine aveugle est lancée, et elle écrase de ses chenilles désaxées la plaine de nos fragiles tympans. Et au cas improbable où cette première monstrueuse coulée de lave n’aurait pas complètement dévasté le paysage sonore environnant, avec « The Demon’s Name Is Surveillance », les suédois annihilent tout soupçon d'espoir d'en réchapper via un pilonnage implacable et ultra-dense. Et c'est peu dire que le champ de bataille est retourné millimètre par millimètre sous le feu nourri d’un tir de barrage cyclopéen. Les Orgues de Staline ont trouvé leur incarnation musicale.

 

Alors forcément, pas besoin de plus de 2 titres de cette trempe pour arriver au constat suivant: 2012 est définitivement l’année où les anciens du metal moderne (je vous laisse juger de la pertinence de la formule) tapent du poing sur la table, s’extraient de la nuée de leurs nombreux suiveurs et réclament leur dû. Devin Townsend avec EpicloudTextures avec Dualism, et maintenant Meshuggah avec Koloss, tous mettent à leur façon les choses au clair: « Eh la bleusaille: maintenant on range ses billes et on laisse les grands travailler! ». Et qu’est-ce que tu veux répondre à ça quand, au bout de 8 albums et 23 ans, la bande à Fredrik Thordendal déploie toujours une puissance aussi monumentale, mettant salement à l’amende la plupart des gentils geekounets de la scène djent qui se chatouillent l’instrument en oubliant ce qui fait la force du metal: faire sauter les têtes, raser les villes, bref mettre en musique l’apocalypse?

 

Sur Koloss, Meshuggah reste Meshuggah – bien qu’il ne soit plus sans cesse dans la technique pour la technique, ni dans la vitesse débridée. Monolithique (à ne pas confondre avec « linéaire », fausse impression que pourraient donner des écoutes superficielles), large d’épaules, martelant en dehors des platebandes rythmiques usuelles, en perpétuel mais savant déséquilibre, tissant de longs morceaux qu’il déroule comme autant d’expériences hypnotiques et dévastatrices, le groupe est imposant, impérial et dominateur. Les soli improbables de Fredrik provoquent les habituelles et vertigineuses migraines, renforçant l’impression de transe déstabilisante provoquée par le reste de la troupe. On retrouve également ce groove extra-terrestre né de schémas rythmiques improbables, captivant un auditeur qui, en toute logique, aurait dû être rebuté par tant de caresses à rebrousse-poil. Puis, au détour d’accalmies relatives, nous revient la lead, brumeuse, légère, spectrale presque, afin de déposer sur le lourd ruban rythmique une inexplicable couche de magie, comme sur la complainte cétacée concluant « The Hurt That Finds You First », lors du passage de la comète guitaristique, à 2:55 dans le ciel de « I Am Colossus », ou à 3:48 sur « Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion », quand se romp la chape de plomb qui lestait l’avancée du morceau.

 

« Do Not Look Down » s’avère plus directement groovy que la moyenne, et finit aéré par une lead prenant ses aises au fond de l’espace sonore. Mais malgré ce surplus relatif d’oxygène, le morceau se pluggue tout aussi insidieusement que ses petits camarades sur la prise femelle de notre cortex. « Behind The Sun » commence dans le spleen le plus profond pour se mettre finalement à tout écraser à mi-course. « The Hurt That Finds You First » prend quant à lui le chemin inverse, démarrant sur une course stroboscopique pour finalement décélérer progressivement jusqu’à l’abandon le plus absolu.

 

Première fausse note dans cette impressionnante démonstration de force, « Marrow » s’avère plus binaire, plus revêche, sans cette touche de magie paradoxale qui, habituellement, transforme l’agression maladive, lancinante et syncopée en un addictif shoot de décibels inhumains. Mais « Break Those Bones Whose Sinews Gave It Motion », chape de plomb percée d’un trille guitaristique palpitante se déployant en une longue guirlande à travers le vide de l’espace, nous rassure immédiatement. Et plus tripant encore, le tube définitif de l’album (si si), « Swarm », fait voler en éclats toute velléité contestataire. C’est LE morceau des seigneurs. LA séance de baffes qui nous fait dire humblement « Chef oui chef » en baissant les yeux. Mou-aaargh!!

 

Alors même si après ça « Demiurge » met 2 bonnes minutes avant de s’extraire d’une lancinance un peu pénible et lâcher un superbe break groovy, et si l’instrumental « The Last Vigil » – avec ses faux airs de rêverie à la lisière du sommeil – est plus une outro soporifique qu’un véritable morceau, on s’en fout. On garde des étoiles plein les yeux. Et on se dit que décidément, certains groupes ne sont pas arrivés là où ils sont par hasard.

 

Autant vous faire tout de suite à l'idée que, que ce soit votre trip habituel ou non, vous allez adorer vous prendre une vilaine fessée par ce colosse d’impressionnant calibre…

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Koloss, c’est l’annihilation de la concurrence – enfin: de l’armée de suiveurs plutôt – djent. Koloss, c’est l’affirmation de la toute-puissance Meshugghienne. C’est une machine de guerre, hypnotique, sans pitié, inhumaine, paradoxale, séduisante, titanesque. C’est peut-être bien le diable, d’ailleurs, tiens…

photo de Cglaume
le 02/01/2013

5 COMMENTAIRES

Ander

Ander le 02/01/2013 à 14:10:37

Très bonne kro, pour un très bon skeud de mes chouchous Suédois. Par contre t'es le premier que je vois encensé Swarm, très standard pour du Meshu' à l'image de Marrow qui décolle pas vraiment. Bizarrement les titres plus simples d'approches comme Demiurge ou Do Not Look Down marchent du feu de dieu alors que d'habitude je suis pas très client de ce groove sans fioriture technique. Mais le vrai hit on le doit à Kidman, c'est bien Behind The Sun et son riff dintro planant irrésistible!

Ad vitam aeternum Meshuggah!

cglaume

cglaume le 02/01/2013 à 22:35:40

'chais pô, "Swarm" parle vraiment à mes tripes...

Tookie

Tookie le 03/01/2013 à 08:59:15

Un excellent album pour ma part également ! D'ailleurs je crois que c'est bien la première fois que je lis une de tes chros qui reprend tous les adjectifs que j'ai pu utiliser pour cet album !

cglaume

cglaume le 03/01/2013 à 13:31:35

C'est l'inconvénient avec les chros longues: on les lit rarement jusqu'au bout ! :)))))))))

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 04/01/2013 à 21:28:38

Dure d'apprivoiser la bête (sourire carnassier)

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