Old Man Gloom - NO

Chronique Vinyle 12" (56:27)

chronique Old Man Gloom - NO

Huit ans c’est long. Très long. Juste assez long pour que l’on oublie un side project en silence discographique et scénique, même si ce dernier se trouve être un de nos groupes préférés. C’est à l’occasion des rares interviews qu’Aaron Turner donne en aval de quelques concerts du Gloom en 2012 que tout commence : alors qu'on lui pose la fameuse question « Allez vous ressortir un disque d'Old Man Gloom ? », ce grand rigolard a la bonne idée de réponde un énigmatique « NO ». S’ensuit la publication d’un teaser aussi court que percutant (soniquement comme visuellement). Puis c’est la débandade : on apprend que le groupe part en tournée avec des vinyles sous le bras mais que nous, pauvres européens allons devoir poireauter presque deux mois pour se jeter sur la rondelle. Personnellement, à ce stade de l’histoire, j’avais le choix entre manger mes propres pieds (par pure frustration) ou sonder inlassablement mes internet à la recherche d’une quelconque trace d’un rip mp3. Bref, j’ai toujours mes pieds et maintenant, j’ai aussi le disque. Tout va mieux, mon psychiatre me dit que je suis sur la voie de la guérison. Il faut dire aussi que le plaisir que j’ai pu avoir à retrouver la bande à Turner, Newton et Scofield sur ma platine a failli me pousser à grignoter mes pieds une seconde fois.

 

Cela dit, je me doute bien que vous n'en avez probablement pas grand chose à carer de ma petite vie et comme, à cet instant précis, la simple idée de pondre une chronique dosée, rédigée et articulée de ce disque me donne une fois de plus une folle envie de croquer mes orteils, je vais tenter le track by track, Ok ? Vous avez pas le choix de toute manière.

 

NB ::: vous pouvez aussi directement sauter au dernier paragraphe de mon pavé si vous préférez juste avoir la synthèse, garantie sans spoil.

 

Commençons donc...

 

Après un Grand Inversion introductif, ambiant mais aussi plus dispensable qu’à l’accoutumée, les guitares lofi et palmutées de Common Species se déroulent gentiment et annoncent très discrètement l’explosion de ce premier véritable morceau. « Explosion » est bien le mot tant la mornifle absolue que procure ce premier riff résout d’un coup toute la frustration occasionnée par ces huit années d’attente. Habitués aux compos extrêmement courtes au long de leurs quatre précédents disques, le Gloom dénote ici avec ces 8 minutes mais c’est pour mieux noyer cette explosion introductive dans un long amas sludgy, martial et bruitiste qui n’est pas sans rappeler la seconde partie de Zozobra (chroniqué ici par mes soins).

 

Une petite minute ambiancée à coup de harpes planantes et de crissements de gratte étouffée et voilà que déboule Regain / Rejoy. On retrouve ici les principales caractéristiques du combo : format court, dissonances, efficacité toute frontale. Cette frontalité se résume avec l’alternance de breaks monstrueux au milieu d’un riff ultra répétitif mais qui viendra s’enrichir de guitares aériennes et bizarrement lumineuses. Tout se termine très vite et très abruptement comme pour préparer le séisme suivant.

 

Et c’est une nouvelle explosion qui secoue les premières mesures de To Carry The Flame. Ce troisième véritable morceau ne s’appesantit en aucune manière avec une quelconque introduction mais se révèlera être pourtant un des morceaux les plus riches et les plus épiques de cet album. En effet, après les secousses salvatrices du début, le morceau s’interrompt en un break tout en progression qui n’est que l’annonciateur de l’éclosion de la composition, toute en mélodies épiques, en chœurs virils et en phrasés assassins. Le retour au riff introductif en fin de composition m’arrache un sourire de plaisir à chaque fois. Une chanson bien nommée pour une des meilleures pistes du disque.

 

The Forking path porte très bien son titre lui aussi tant les riffs se montrent tortueux. A la fois mélodique et tordue, cette nouvelle composition débouche  sur un nouveau riff ultra basique qui se répète à l’envi jusqu’à devenir un amas de distorsion inquiétante (celui là même qui avait servi au teasing de l’album). Ce même amas finira par se perdre à son tour dans des envolées planantes de guitares calées à l’envers (ouais, ça fait toujours super expérimental de faire ça). Morceau intéressant mais peut être trop conforme à la recette habituelle du groupe ; assez décevant quand on sort des claques précédentes.

 

Shadowed hand renoue avec une tradition de longue introduction bruitiste assez chère au groupe sauf que, cette fois, le quintet s’est décidé à joindre ces plages ambiantes avec une véritable compo sur la même piste. Une guitare esseulée, imprégnée d’un Americana minimaliste et post apocalyptique, se voit surplombée par une infrabasse tellurique qui finit par prendre ponctuellement l’ascendant dans une nouvelle explosion épique de mélodie et de distorsion. C’est alors qu’un riff syncopé et patibulaire rompt le cycle et lance le départ d’une nouvelle compo ultra rythmique et efficace. Juste le temps de se manger une nouvelle mandale et les instruments retournent au chaos qui finit lui même par s’enterrer dans le silence… Un vrai silence…

 

Le silence introductif de Rats, ce silence inquiétant car traversé par de nouvelles infrabasses qui pourraient bien se révéler être le gémissement de quelques gigantesques monstruosités, certes lointaines, mais qui tendent visiblement à se rapprocher. Leur fréquence grandissante ainsi que l’apparition de larsens bidouillés à l’extrême semblent d’ailleurs bien aller dans ce sens. Ce n’est qu’au bout de 3’30’’ que retentit finalement une batterie tribale traversée de larsens divers à travers lesquels on commence à voir poindre un début de riff tout aussi monstrueux que les créatures que l’on imaginait quelques minutes auparavant (et que l’on entend encore). Comme d’habitude la compo finit par exploser en évacuant subitement toute texture et tout larsen. Cette fois, le Gloom nous sert un riff pachydermique comme jamais pour partir sur des parties bien plus rapides et bruitistes. Le riff introductif reviendra conclure la piste, mais avec une armée de larsens suffisante pour confirmer ce second titre-phare de No.

 

Comme il en faut souvent une sur les albums d’Old Man Gloom, voici LA piste folk et planante de No. Partagée entre une gratte sèche comme un crâne de taureau mangé par le désert, un bottleneck tout en reverb céleste et une voix pleine d’un feeling très « fin du monde dans la Vallée de la Mort », Crescent se révèle être un excellent morceau qui, si il dénote clairement sur un disque aussi monolythique, ne sort pas trop du cadre et nous prépare gentiment à la dernière secousse du disque.

 

 

En effet, le disque s’achève en grande pompe et c’est sur un hardcore chaotique et d’une violence assez rare chez le groupe que la fin commence... Mais l'explosion est de courte durée : ces premiers riffs replongent très vite dans les réflexions vaporeuses de la guitare esseulée qu’on entendait déjà sur Shadowed Hand. Comme la recette de ce disque est tout de même un peu répétitive (et comme vous vous en doutez) toute cette désolation sonique va exploser une toute dernière fois dans un ultime panthéon de guitare, de toms et de hurlements désespérés qui se perdront, à leur tour, dans l'océan conclusif de distorsion stridentes qui ensevelira ce Shuddering Earth

 

Boum ! Le disque est fini... Et même s'il m'a effectivement fallu un nombre d'écoutes assez indécent pour en arriver à ce pavé, je crois bien que ma toute première réaction à l'occasion de ma toute première écoute de NO était la bonne : le groupe signe ici un disque aussi important que Christmas l'avait été huit ans auparavant.  Il est déjà assez rafraîchissant de réaliser que les ricains ont enfin délaissé les pures plages ambiantes afin de les intégerer voire de les diluer dans de véritables compositions. Tout dans ce disque est en tout cas plus fluide et plus cohérent que sur les efforts précédent sans que l'on perde pour autant cette fameuse dualité qui fait l'identité même de la musique du Gloom. Les chansons sont plus longues aussi mais du coup, c'est vrai, il y en a moins et on perd un peu cette richesse quasi abusive qui faisait le charme des premiers disques. C'est peut être donc le meilleur album d’Old Man Gloom  dont il est ici question avec un bon stock de passages anthologiques et suffisamment de fils rouges pour rendre les écoutes successives de plus en plus passionnantes. Ce peut être aussi un des pires à cause de cette fameuse recette qui, même si elle est encore réinventée et améliorée, semble de plus en plus transparente et tend, par là même, à faire passer les cinq responsables pour des connards pédants et imbus de leur personne, Turner en tête... Surtout quand il nous vend ça comme de l’expérimentation de haute voltige. Mais c’est aussi l’affaire de chacun de se positionner devant ce bloc monolithique qu’est No. Certains mangeront leur pied, d’autres chieront allègrement dessus et d’autres encore, se prosterneront.

 

 

photo de Swarm
le 06/08/2012

1 COMMENTAIRE

Jull

Jull le 06/08/2012 à 09:34:49

Putain faut vraiment que je me le mette dans les oreilles!

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