Power Trip - Manifest Decimation

Chronique CD album (34:38)

chronique Power Trip - Manifest Decimation

Powertrip? Ah mais oui, je connais: il s’agit du 2nd album de Ludichrist, groupe de crossover new-yorkais sur les cendres duquel se formera le beaucoup plus loufdingue (avec un "f", pas avec un "r"!Scatterbrain. Sauf que là, en l'occurrence, non. Car pour le jeune lycéen de 2013 qui enlumine avec patience sa hotte à classeurs des logos de ses troubadours préférés, Power Trip est un groupe de crossover – certes, là t’avais bon Coco – texan ayant sorti sa 1ere profession de foi longue durée en juin, chez Southern Lord. Bref, j'ai l'air malin avec mes références poussiéreuses...

 

Mais plutôt que de brandir le fanion « crossover » comme si on était en terrain conquis, éclairons donc un peu la lanterne des moins de 20 ans qui ne peu-veuh pas connaîîîîî-treuuuh. Alors non, « crossover » n’est pas l’exclamation poussée par le gynécoloque allemand s’extasiant devant la taille phénoménale des gonades de sa patiente. C’est plutôt le nom donné à ce sous-genre du thrash qui fait revenir le tchouka-tchouka usuel dans le hardcore et le punk le plus urbain. Ce courant fit brièvement fureur dans les 80s, et Suicidal Tendencies, Cro-Mags, D.R.I. ou encore Ratos de Porão en sont certains des plus fiers représentants. C’est de la musique qui bourrine, cogne et sue quoi. Le genre qui vous vient naturellement à l’esprit quand vous imaginez Crom-Cruach portant un bermuda Anthrax (cglaume, tu me copieras 50 fois « il faut cesser les clins d’œil à ses collègues en cours de chronique » pour demain !).

 

On se rappelle qu’au début du nouveau millénaire, c’est justement dans ce genre que s’est illustré Municipal Waste, le groupe initiant plus ou moins malgré lui la vague revival thrash dans la foulée de son sacré Hazardous Mutation. Sauf que la décharge décibellique balancée par la Décharge Municipale faisait dans le fun street thrash, alors qu’avec Power Trip, ce qu’on entend c’est plutôt un thrash pouilleux et méchant joué au fond d’un caveau par des coreux livides. Manifest Decimation sent le malaise, la poussière et l’agressivité postmortem (?? Si si…). A écouter les éructations de scrofuleux à casquette émanant de Riley Gale – éructations qui évoquent autant le Patrick Mameli (Pestilence) jeune, thrasheur et tatoué que les gangsta-prêcheurs from Bwooklyn – et ces vieilles guitares acérées bien que tâchées de rouille, on a un peu l’impression d’entendre une version de Cro-Mags qui aurait grandi dans les marécages des prémices de la scène death de Stockholm, à l’époque où les Nihilist et Carnage ne s’étaient pas encore débarrassés de leurs influences punk et hardcore. Il fait froid, on respire mal, et on exprime sa rage primale en criant tout seul au fond du cimetière. Cette impression doit bien sûr beaucoup à une prod’ d’époque qu’on se demande comment ça peut encore se faire aujourd’hui. A un tel point qu'en se passant Manifest Decimation, on retrouve les sensations de l’écoute de K7 au walkman, on respire les odeurs de garage, et derrière ce son voilé et plein d’écho, on replonge dans cette lointaine époque où sortaient les chefs d’œuvre de Cro-Mags (décidément…), Exodus et Dark Angel.

 

Maintenant extirpons-nous du trip purement nostalgique pour essayer de donner des informations plus factuelles. Alors tout d'abord, bon point: en s’inscrivant dans une veine crossover thrash assez peu exploitée, Power Trip réussit à impressionner favorablement, et à sortir la tête et les épaules au-dessus du flot des revivalistes patchés. Mauvais point par contre: bien que court (35 minutes), l’album s’essouffle sur la longueur, un gros creux plombant l’album de « Murder’s Row » à « Drown » (voire « Power Trip ») – « Crossbreaker » s’avérant même carrément lourdaud et poussif. Point plus descriptif: si le chant, la courte durée des morceaux et de bons gros plans bien moshy (Mmmmmh, la 2nde moitié de « Power Trip ») marquent nettement l’identitié "–core" du combo, l’utilisation systématique des solos, les ambiances sombres et le son des grattes ancrent définitivement le groupe dans le thrash des 80s. Point subjectif – parce que quand même, hein, bon: le début de l’album est vraiment mortel, notamment « Heretic’s Fork » qui va voir les épaules et les nuques se disloquer dans les pits – bordel cette hargne, cette vitesse, cette abrasivité… This is THRASH the way it should be!!! Point « on ne me la fait pas à moi »: conscient que la dernière impression est souvent celle qui reste – et donc compte –, les texans nous laissent sur un « The Hammer Of Doubt » plus long, plus riche, et parfaitement équilibré, entre ambiances prenantes, sprints fiévreux, mélodies planantes et accrocheuses, guitares enlevées et mosheries hardcore. Futé et juteux!

 

Alors au final? Eh bien Manifest Decimation n’est pas tout à fait le mythique Graal qui fera des texans les nouveaux Municipal Waste ou Vektor, crânement assis sur le trône du renouveau thrash. Mais bordel les loustics n’arrivent quand même pas si loin que ça du sceptre, à quelques morceaux tiédasses près! On espère – un peu, sans trop y croire, j’ai plus 16 ans non plus – que le prochain album ne comportera aucun temps mort, et que l’on tombera à genoux devant le groupe, implorant leur pardon pour avoir osé douter. Mais en attendant cet horizon incertain, on se contentera de profiter du gros panard procuré par une bonne moitié de l’album, tout en espérant avoir l'occasion de jouir en live de la virulence de ces petites teignes intelligemment passéistes.

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: la musique des vieux Cro-Mags, les riffs acérés et le son de vos vieilles K7 de thrash, plus la poussière des bastons de fond de cimetière. Manifest Decimation, c’est le retour des petites teignes crossover des 80s – pas les fanfaronneries de Municipal Waste hein: là ça cogne. C’est texan, c'est costaud, c’est Power Trip.

photo de Cglaume
le 20/12/2013

7 COMMENTAIRES

sepulturastaman

sepulturastaman le 20/12/2013 à 10:44:29

J'ai trouvé ce disque long mais long, mou mais mou, j'ai l'impression que les mecs ils jouent du crossover par défaut.

daminoux

daminoux le 20/12/2013 à 13:52:58

grosse découvert de 2013 pour moi. j'en avais marre des crossover trop fun, cro-mags me manque avec leurs tatouage, le ST du début me manque. donc power trip c'est parfait pour moi c'est thrash , c'est hardcore , le son est crade et surtout c'est sale et pas fun.

Niktareum

Niktareum le 21/12/2013 à 11:30:37

Comme dam je préfère 100 fois Power Trip aux gus de Municipal Waste par exemple qui m'ennuient vite. Là ça riff d'une façon tellement efficace ! Avec plein de palm mute comme je l'adore. Bref excellent.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 21/12/2013 à 12:00:40

Tout pareil que Nikta'.

cglaume

cglaume le 21/12/2013 à 15:33:11

D'ailleurs va falloir qu'on se chronique un peu de Cro-Mags maintenant !!

daminoux

daminoux le 22/12/2013 à 17:59:04

comment ça c'est pas déjà fait...... au boulot mon lapin jaune

cglaume

cglaume le 22/12/2013 à 19:37:35

Je me lancerais bien dans "Best Wishes"... A creuser ! ;)

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