Rage - Black in Mind

Chronique CD album (1:08:33)

chronique Rage - Black in Mind

En 1995, la Gaule métallique (… tout comme la majorité de la planète Metal) ploie sous le joug d’un envahisseur à la technique et à l’hygiène également approximatives. Ce tyran, qui a mouché d’un coup d’un seul le death, le thrash ainsi que la plupart de nos héros d’antan, se fait appeler le Grunge (vade retro Nirvanas …). Heureusement, celui-ci n'est plus. Et si l’on a tendance à penser – sans doute à raison – que c’est une réaction de franc ras-le-bol qui a provoqué sa chute, ainsi que la propulsion soudaine du heavy des Angra et autres Hammerfall sous les feux de la rampe, il ne faut pas pour autant diminuer le mérite de notre voisine la Teutonnie qui a vaillamment résisté à l’occupant (pour une fois que c’est dans ce sens-là...). En effet, en cette même année, celle-ci a brillamment préparé le terrain avec les très bons Masquerade (Running Wild), Heart Of Darkness (Grave Digger), le superbe Imaginations From The Other Side (Blind Guardian)… Et ce Black in Mind à l’"étincelante noirceur".

 

Pourtant il est étrange de constater à quel point on élude souvent Rage lorsqu’il est question de la crème du power/heavy/speed d’Outre-Rhin. Il n’y en a toujours que pour Helloween, Accept, Gamma Ray, Bling Guardian, voire Running Wild, tandis que la bande à Peavy Wagner passe régulièrement à l’as. Peut-être est-ce parce que le groupe évolue un poil trop près des terres du thrash, dans le no man’s land situé à mi-chemin entre les formations précédemment évoquées et les mercenaires à patches rangés en rangs serrés derrière Sodom, Destruction et Kreator? Ou alors est-ce dû à cette coquetterie qui, dès 1996, les a poussés à aller conter fleurette aux orchestres symphoniques, montrant ainsi la voie à nombre d’artistes – dernièrement encore: Devin Townsend, pour Deconstruction – qui eux aussi auront recours à l’Orchestre Philarmonique de Prague?

 

Mais revenons en 1995. C’est avec la qualité et la régularité d’un moteur d’Audi que nos allemands sortent leur 9e album, Black in Mind, cette fois encore illustré par leur compatriote Andreas Marshall – fidèle du groupe, et plus généralement de la scène dans son ensemble. Le guitariste Manni Schmidt a alors claqué la porte il n’y a pas si longtemps que ça, et Peavy a dû embaucher pas moins de 2 remplaçants pour le faire oublier. C’est qu’en ces temps difficiles, il ne faut pas faiblir! D’autant que depuis Trapped! (1992), puis The Missing Link (1993), le groupe a gagné un supplément notable d’exposition et de popularité, et on sent qu’il a à cœur de pérenniser cet état – voire, pourquoi pas, de passer à la vitesse supérieure, le bilan / tremplin 10 years in Rage étant le point de départ idéal pour démarrer une nouvelle ère. Pour l’occasion, Rage voit les choses en grand: ce sont plus de 68 minutes de musique, réparties sur 14 morceaux, qui attendent l’auditeur. La tonalité générale, bien que ne tirant pas un trait définitif sur le côté « gaillard » typique du metal germain, se veut plus sombre – les textes allant régulièrement faire des tours du côté des Entités Innommables de Lovecraft –, et plus grandiose également – le groupe faisant par deux fois (sur « In a Nameless Time » et « All This Time ») appel à des musiciens classiques afin d'enrichir sa musique de parties orchestrales qui mèneront logiquement à Lingua Mortis l’année suivante.

 

« Tout ça c’est bien beau, mais pourquoi 9/10? Et moi qui suis allergique aux blagounettes sucrées des citrouilles de Helloween, est-ce que Black in Mind est vraiment susceptible de me parler? »

 

Yes my dear! Car sur Black in MindRage pratique un heavy/speed virilement thrashy qu’on pourrait comparer à du Blind Guardian – pour les quelques pulsions épiques et ce côté mâlement mélodique – dans une version plus sombre, plus thrash (donc), et sans la grandiloquence, les hobbits et les chœurs ultra-théâtraux de leur compatriote aveugle. Et puis Peavy possède un grain de voix chaleureusement rocailleux de vieux baroudeur-qu’en-a-vu, loin des excès aigus de nombre de ses collègues. En fait le groupe prend le meilleur du heavy et du thrash, et en tire des morceaux ambitieux mais finalement assez directs, incroyablement accrocheurs et mélodiques tout en restant rugueux juste ce qu’il faut. De plus – et c’est en fait le plus important – l’album s’avère une impressionnante source de méchants tubes devenus pour beaucoup des classiques d’une discographie pourtant sacrément fournie (bordel, 21 albums!). On pourrait même dire qu’il n’y a rien à jeter ici – tout juste « My Rage » aurait-il pu passer à la trappe sans qu’on en souffre outre mesure. Chacun aura bien sûr ses titres préférés, qui telle fière chevauchée, qui telle forte charge émotionnelle, qui telle histoire magnifiquement mise en musique. Pour ma part, je retiens la puissance mélodique et l’atmosphère captivante de « Sent By The Devil » qui – pourtant – cavale à fond de train. « Shadow Out Of Time » est lui un brin plus posé, plus orienté « course de fond », mais terriblement accrocheur. Le monument « In A Nameless Time » est bien entendu incontournable; d’ailleurs il s’écoute comme on s’assoit dans son canapé pour regarder "Le Seigneur des Anneaux" – pas parce qu’il déborde d’heroic fantasy à trois sous, non, mais plutôt qu’il coupe le souffle de par l’ampleur de sa vision et de son univers. Pour me restreindre, je me forcerai à ne plus citer que « Start! » au sein de cette sélection du « Best of the Best », ce morceau étant joyeusement fonceur et doté d’un excellent refrain. M’enfin cela ne doit pas diminuer le mérite de « Black in Mind », dont les guitares thrash claquent comme des fouets, ni celui de « The Price of War » avec son refrain fédérateur, ou encore celui d’un « All This Time » plus doux, mais porté par des orchestrations grandioses.

En vérité tous les titres mériteraient qu’on s’y arrête…

 

Même si untel vous affirmera que tel ou tel album est le meilleur de Rage, ce Black in Mind n’en reste pas moins un point d’entrée de choix dans l’univers du groupe, et une articulation vitale dans son imposant parcours discographique. Et puis merde: moi je l’adore, alors si ce n’est pas un gage de qualité, je ne sais pas ce qu’il vous faut! :)

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courteBlack in Mind, c’est l’aspect fédérateur des mélodies du heavy, les sprints du speed, la rugosité et la noirceur du thrash, plus quelques orchestrations grandioses et des poussées épiques qui ouvriront bientôt la voie à l’expérience réussie Lingua Mortis. Un (gros!) morceau de choix, parmi les meilleurs d’une discographie qui comporte (pour l’instant) pas moins de 21 albums longue durée!

photo de Cglaume
le 21/04/2013

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