The Drones - I See Seaweed

Chronique Vinyle 12" (52:21)

chronique The Drones - I See Seaweed

A l'heure où Nick Cave And The Bad Seeds nous gonflent sérieusement en sortant des albums inintéressants et poussifs (à la limite, Abattoir Blues, y'avait du bon... et je n'ai toujours pas écouté le dernier, en même temps, ahahahah!) - ou Blixa reviens-nous vite foutre le bordel avec ta gratte fracassée! - ça fait du bien de tomber sur un - très bon - nouvel album de The Drones. Oh oui. Car le groupe est en forme.

Y'a qu'à se taper le très Rock'N'Roll et passionné "A Moat you Can Stand In". La forme. Gareth Liddiard nous pousse même quelques jappements Hillbilly aigus dans ses fins de salves.

Cependant, vous orienter directement sur ce morceau serait une joyeuse mauvaise piste, car le reste n'est pas exactement du même acabit.

 

Et pourtant, j'écrivais « passionné », juste avant. Adjectif parfait pour définir l'album, le groupe, même.

Le bon Gareth, si il n'a pas spécialement une belle voix, comme caquetante par moments, excessive, surjouée, limitée, étranglée, il envoie énormément d'énergie, de verve, de sentiments, de folie. Passionné, le gaillard. Pas feignant pour un rond. Pas tiède une seconde. Chaud bouillant.

Du coup, ça en devient beau.

Ouaip.

Et heureusement car de la voix, il en fout partout. Partout. Des textes interminables, il raconte ses petites histoires. C'est une honte de ne pas avoir les paroles sous les yeux tant elles semblent importantes – et intéressantes, vu ce que j'en saisis, mais j'en comprends de plus en plus à chaque écoute et c'est plutôt agréable, cette découverte progressive de l'univers textuel du groupe.

Et les guitares ! Les guitares ! Comme si Neil Young And Crazy Horse se voyaient autant rassérénés que violentés par une forme de Rock'N'Roll noisy et barré : coups de tremolo bar et de whammy, sursaturations, jeux de mains droites bien bourrins, tirés de cordes abusés, faussetés volontaires, solos emportés antijoliesse ; en somme, une forme de virtuosité déglinguée antivirtuosité, du caviar pour nos oreilles avides de grandes gerbes sur toiles blanches!. Je parie qu'il doit souvent y avoir du sang sur les cordes...

 

Bon, tout ça, on le retrouve à chaque fois que les The Drones sont en forme.

Mais ici, les compos sont folles. Longues (faut bien caser tout le texte et délirer un peu avec ces quelques solos qui partent dans le décor), excessives, passionnées, lyriques, grandiloquentes aussi. "Laika" est une sorte d'opéra-rock complètement géniale, tragique sans jamais verser dans le grotesque. Une marche funèbre qui finit dans la détresse démente, grâce à des arrangements de chœurs, piano et cordes qui se rejoignent dans le théâtre du cruel.

Du lyrisme, crénom ! Avec un chanteur qui grésille du trolley (Brunhild copyright) !

Sans complexe, le groupe créée, essaie, invente. Comme ces parties totalement mystérieuses dans "I See Seaweed", où guitares et piano s'emmêlent dans une harmonie sinueuse révélant la beauté de l'instable. Et quand l'explosion surgit, tous accords grands ouverts en avant, c'est jouissif, les amis. Secouons la tête ensemble, le poing serré en l'air. C'est beau.

 

Nick Cave, disais-je, pas par hasard, qu'on entend un peu dans le croonisant et narratif "Why Write A Letter That You'll Never Send", pourrait être fier de ses compatriotes australiens, dont certains officiaient auparavant dans les non-moins excellents The Gutterville Splendour Six. Il ferait bien, même, de prendre des notes...

Car sans être plan-plan une seconde, The Drones, eux, savent toujours sublimer un certain classicisme - "How To See Through Fog", classique mid-tempo, oui, seulement si on oublie ces incroyables solos de guitare discordants. J'insiste.

Une folie qui manque un peu, par contre, à "They'll Kill You", malgré de beaux passages presque comédie musicale amère, qui d'ailleurs peuplent à plusieurs reprises cet étrange disque très fin et enluminé.

Dingue comme on passe pas loin de la dégoulinade sans tomber dans la mayonnaise roborative. Le final de "Nine Eyes" étant une bonne illustration. Les chœurs innocents de Fiona Kitschin - assez souvent sollicitée au micro - font place à une montagne russe d'arrangements grandioses qui tournent désaxés dans une boucle tourbillonnante. Ça pourrait presque être un peu saoulant, toute cette verve... En tous cas, ne vous attendez pas à de la musique-tapisserie, là, c'est clair.

Rien ne leur fait peur, pas même les crissements Noise à la fin de "The Grey Leader".

 

Alors comprenez bien la difficulté d'isoler les titres sans se vautrer dans la dissection hors-sujet. Désolé, j'essaie de vanter les qualités de ce disque qui ne veut qu'être écouté, senti, vécu.

Point.

 

Alors je profiterai de cette interminable chronique pour remercier au passage le très sympathique Hazam, qui m'a fait découvrir ce groupe via son excellent webzine Heavy Mental. Salut bonhomme, à un de ces jours, j'espère !

Et je m'arrête là. Place à la musique, Satan sait qu'elle est rare, égarée dans tous ces bruitages sans intérêt, sans identité et sans vie.

photo de El Gep
le 28/03/2013

4 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 28/03/2013 à 12:39:15

J'ai écouté ce matin, et j'avoue être motivé pour le réécouter. Même si au départ ce n'est pas forcément ma tasse de thé, j'ai l'impression qu'en écoutant plusieurs fois je risque de beaucoup apprécier.

el gep

el gep le 28/03/2013 à 19:51:56

Ah bah si tu aimes bien, je te conseille fortement aussi l'album "Wait Long By The River And The Bodies Of Your Enemies Will Float By" (sic!).

pidji

pidji le 29/03/2013 à 08:51:08

je vais déjà m'imprégner de celui ci, et après je testerai cet autre là ;)

cyrod

cyrod le 27/04/2013 à 16:50:00

rien à dire, l'album parfait.

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