The Wounded Kings - Consolamentum

Chronique Vinyle 12" (46:32)

chronique The Wounded Kings - Consolamentum

Cette année commence fort, avec un album très attendu, le dernier des Anglais, The wounded kings. Après l'excellent In the chapel of the black hand, le line up du groupe se maintient enfin, malgré le départ du bassiste Jim Wilumsen (à retrouver dans son autre groupe de Sludge black Ishmael, qui a hélas splitté) et son remplacement par Al Eliadis. Mis à part cela, on sent qu'avec cet album l'identité du groupe est à présent consolidée. La couverture de l'album ne représente rien de plus qu'un nuage de fumée, et effectivement c'est assez évocateur, mais esthétiquement on aurait pu s'attendre à mieux. Vous ne trouvez pas ?

 

Dans un premier temps l'on constate que cet album est en connexion directe avec le précédent In the chapel of the black hand, reprenant à son compte un jeu de batterie dynamique, rempli de roulements de toms, un superbe son de cymbales; on retrouve aussi un son de basse et de guitare lourd, comme le veut le style. On verra cependant moins d'orgue, ce qui est je pense un point positif compte tenu du fait que le groupe n'utilise pas cet instrument sur scène lors des concerts ; on fera ainsi plus facilement le lien entre l'enregistrement et le live.

 

L'album est si bien produit que l'on retrouve le couple lead/accompagnement tout aussi bien que dans l'album précédent, alors que le couple Gibson / Telecaster semble avoir été remplacé par un couple Gibson / Gibson. L'on retrouve aussi la voix de Sharie Neyland, envoûtante, toute en puissance, qui ne se ménage pas pour appuyer de longs phrasés. Mais la nouveauté réside dans le premier morceau, "Gnosis", qui débute l'album en reprenant à sa manière un magnifique thème typique de ces musiques de films de Western Spaghettis ; l'idée est tout à fait pertinente, car le jouer en Doom donne énormément de pesanteur à ce type de musique, qui rappelons le est fait pour les films western, donc avec de longues scènes où l'on se regarde dans le blanc des yeux avant de dégainer.

 

Consolamentum n'est pas une route qui mène droit du début à la fin. Elle est en réalité comme un jardin à l'anglaise, remplie de détours, de mystères ; l'on joue aussi sur des dissonances dérangeantes. Cela peut au premier abord rebuter, mais une fois qu'on s'approprie cet aspect, on se rend compte que cela apporte beaucoup à la personnalité du groupe et à son propos, qui est tout de même celui d'un parcours initiatique, décrit par un langage ésotérique. Je propose d'ailleurs le paragraphe à suivre expliquant brièvement en quoi cela consiste, cela pourra être considéré comme hors-sujet par ceux qui ne se focalisent que dans la musique et s'en font leur propre idée. Ceux là peuvent donc arrêter là leur lecture, et passer au paragraphe d'après.

 

Chaque morceau traduit un concept, et l'ordre suivi décrit une ascension par l'initiation. En premier lieu, la gnose, le savoir caché donc, permet de lire entre les lignes. Puis vient la découverte et la connexion avec le féminin divin (qui a dit Isis ?). Reste à trouver son maître à penser, pour ensuite rentrer dans le vif du sujet, le Consolamentum, qui est une pratique rituelle pratiquée notamment (mais pas que) chez les hérétiques cathares : il s'agissait d'initier le prétendant, et de le baptiser selon l'imposition des mains afin de faire de lui un "parfait", c'est à dire un ascète adepte de la méditation. L'on peut aisément comparer ces prêtres occidentaux à leurs homologues bouddhistes de par leurs pratiques. Mais ce que symbolise plus précisément ce Consolamentum, et notamment dans l'interprétation de cet album, c'est la récupération par l'église cathare d'un rituel autrement plus important que l'on pratiquait avant que l'église chrétienne ne domine l'Europe, et certains occultistes d'aujourd'hui suspectent fortement l'église cathare d'avoir cachée en son sein, et ce malgré les apparences, un relent de pratiques païennes remontant au culte d'Isis. Il s'agissait de provoquer une mort symbolique du prétendant, et donc de le purifier de ses désirs matériels, afin de le faire renaître en tant qu'être spirituel, ce qui lui donnait donc l'accès au statut de prêtre. Les épreuves mises en place pour l'occasion sont mal connues, mais elles sont réputées terribles et psychologiquement très dangereuses. La vie spirituelle qui suit est faite d'ascèse et de méditation, sans doute de voyage éthérique, et il ne reste alors plus que l'ascension de l'être à un état supra-conscient, éternellement relié au cosmos. Le groupe termine enfin ce voyage par l'inquiétant "Sacrifice", qui est en réalité un avertissement sur les malheurs à venir si l'initié abandonnait sa nouvelle spiritualité.

 

Cela n'est pas tout à fait réjouissant, en réalité. La musique retranscrit justement par ses dissonances ambiguës le malaise de cette ascension douloureuse, la séparation de ce que l'on était et de ce que l'on aimait, pour accéder à quelque chose de divin, oui, mais qui dépasse l'entendement humain justement. Le chemin semble pavé d’embûches et de tentations, et c'est une lutte éternelle que de réveiller la spiritualité chez l'homme, car tant d'erreurs, tant de perversions sont commises au nom de croyances qu'il en devient très difficile de s'approprier le bon du mauvais sans tomber dans le piège humain.

 

Cet album qui sacralise le règne des rois maudits, d'une part accessible; cela est dû au fait que les quatres principales pistes sont entrecoupées d'interludes, donnant une respiration au rythme de l'album; le fait est aussi qu'il est finallement assez rare de trouver des groupes de Doom qui daignent aligner plus de 4 riffs différents par morceaux, or c'est bien agréable parfois. D'autre part, cet album est dissonant et donc complexe, de par ses arrangements et sa thématique. Leur musique en ressort donc puissante et profonde, et l'aspect occulte y donne en plus une aura de mystère.

 

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photo de Carcinos
le 21/01/2014

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