Azure Emote - The Gravity of Impermanence

Chronique CD album (60:30)

chronique Azure Emote - The Gravity of Impermanence

« Azure et Mote, t’es sûr? Tu ‘voulais pas plutôt parler d'Azur et Asmar des fois? »

 

Là c’est carton rouge. Direct en prison sans toucher les 20000 francs. Un coup de pied au derche, plus un mot du dirlo dans le Carnet de Liaison. Non, c'est vrai: vous ne pouvez décemment pas laisser impuni le pote qui vous balance une telle énormité à l’évocation du projet de Mike Hrubovcak – hyper actif officiant au chant chez Divine Rapture, Vile ou encore Monstrosity, et aux pinceaux sur les pochettes de nombreux artistes, donc le présent projet, Sinister, Grave, Mortician et autre Decrepit Birth Quand même!

 

D’autant qu’on vous avait déjà parlé du très bon Chronicles of an Aging Mammal, qui proposait largement de quoi contenter les plus exigeants des amateurs de metal velu mais néanmoins sophistiqué. Ce 1er album, sorti en 2007, affichait déjà des ambitions démesurées et une personnalité affirmée, et évoquait autant la véhémence technicosmique de Mithras que le SF technodeath de Nocturnus ou l’audacieuse liberté de ton d’un Disharmonic Orchestra, voire d’un Sadist. Alors 2013 verrait-il Azure Emote continuer à expérimenter à tout va, quitte à s’aventurer dans les terres du dubstep drone/grind, ou retrouverait-on à nouveau ce foisonnement intelligent qui nous avait charmé précédemment?

 

Bonne nouvelle, les américains ont gardé leur inimitable marque de fabrique. Et pourtant il y a du neuf dans les rangs de la formation. Aux côtés de Mike H. et du guitariste Ryan Moll (Divine Rapture, Rumpelstiltskin Grinder, Total Fucking Destruction), on trouve dorénavant Mike Heller (Malignancy, Fear Factory) à la batterie, Kelly Conlon (Death, Monstrosity) à la basse, Jonah Weingarten (Pyramaze) au clavier, mais également Bruce Lamont (Yakuza) au saxophone, Pete Johansen (Tristania, Sins of Thy Beloveed, Sirenia) au violon ainsi que 2 demoiselles au chant lyrique. Bon alors c’est vrai: le metal extrême à saxo commence à ne plus surprendre grand monde vu que c’est le « gimmick original » le plus pratiqué ces derniers temps (cf. In Vain, Whourkr, Napalm Death, Vulture Indistries, Sigh… sans parler bien sûr de Shining!). Mais si les américains en font un usage assez bateau sur « The Living Spiral », il en va par contre tout autrement sur « Obsessive Time Directive » où celui-ci, rampant, groovy et catchy à la fois, réussit à transporter le death cosmique du groupe dans une dimension parallèle – aidé en cela par une rythmique metal-indus taillée sur mesure.

 

Non, les éléments qui viennent légèrement altérer la personnalité du Azure Emote que l’on connaissait jusque-là, ce sont ces chants lyriques et ce violon qui s'incrustent dorénavant sur au moins une bonne moitié des morceaux, ainsi que ces chœurs monastiques et cet orgue d’église qui – parfois – font franchir au groupe la ligne de l’avant-gardisme ambitieux pour tomber dans le piège du metal boursouflé de prétention. Les presque 8 minutes de « Carpe Diem » en sont un malheureux et flagrant exemple. Too much, trop ampoulé, trop théâtral – et corollaire logique: trop long – ce morceau est la douche froide qui tempère un peu l’enthousiasme par ailleurs provoqué par le foisonnement de technicité inventive à l'œuvre. Et c’est un peu la même chose sur la première moitié de « The Living Spiral », ces tristes moments nous donnant un peu l’impression de subir les assauts d’un Septic Flesh-wannabe aux orchestrations démesurées et mal canalisées.

 

Heureusement, la grande majorité des titres réussissent à éviter ce travers. Certes le gain d’exposition des gorges féminines (dit comme ça ce serait plutôt alléchant!) et de l’archet de M. Johansen apporte une touche plus « baroque » au death futuriste du groupe. Certes, certaines touches de synthé ainsi que certaines sonorités de guitare synthétiques pouvant rappeler Lex Talionis verront les râleurs patentés donner libre cours à leur art. Mais pourtant c'est avec plaisir que l'on retrouve ces morceaux de death tourmenté à la fois puissants et osés. « Epoch of De-Evolution » est un bon représentant de l’excellence et de la singularité du groupe, ce petit bijou d’orfèvrerie regorgeant d’idées, de touches électro et de décalages judicieux, le tout servi dans un écrin « evil cosmic opera » tout en démesure contrôlée et en riffs bien sentis. On est d'abord saisi, puis séduit par ces atmosphères faites d’amples nappes de clavier, de samples (extraits de « Fight Club », de « The Mist »...), de death chaotique et de visions tourmentées. « Dissent », « Obsessive Time Directive », « Destroyer of Suffering » ou « The Color of Blood » sont d’autres exemples de l’exceptionnelle aptitude du groupe à bâtir de monumentales pyramides musicales, imposantes, majestueuses et inspiratrices d’un profond respect devant le travail titanesque abattu, la dextérité à l’œuvre et plus généralement les dimensions imposantes de l’œuvre. Aventureuse par nature, la musique d’Azure Emote surprend plus particulièrement sur « Annunaki Illuminati » – où son death maléfique se fait tout à coup plus robotique –, ou encore sur l’interlude « Sunrise Slaughter » qui nous fait pénétrer dans une volière porcine (si si) afin d’y assister à un massacre rituel perpétré sur fond d’harmonica funèbre. Dérangeant, mais excitant.

 

Vous aurez peut-être constaté, en lecteurs vigilants à qui on ne la fait pas, que la note attribuée à The Gravity Of Impermanence est un peu en deçà de celle obtenue par Chronicles of an Aging Mammal. C’est que, au moment de la comparaison, la surenchère emphatique évoquée ci-dessus et l’absence de tubes de la trempe de « Cosmic Tears », « Justified End » ou encore « March Of Chemical Pessimism » jouent un peu en la défaveur de ce nouvel opus. Mais pour autant, vous seriez mal avisés de négliger cette sortie bien plus intelligente et innovante que la majorité de ce qui sort en matière de metal extrême ambitieux.

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courteThe Gravity Of Impermanence est mis en avant comme un album d’Avant-garde death metal – ce qui est tout à fait justifié –, mais il est tout autant un album de technodeath foisonnant et fastueux développant des ambiances mystico-SF assez prenantes. Pour fans de Nocturnus, Mithras et Septic Flesh n’ayant pas peur de voir l’œuvre de leurs idoles retouchée par Disharmonic Orchestra et augmentée de violon et de chant lyrique.

photo de Cglaume
le 04/07/2013

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