Baaba Kulka - Baaba Kulka

Chronique CD album (43:39)

chronique Baaba Kulka - Baaba Kulka

Avertissement aux amateurs de fast-food easy listening: ce premier et improbable album de Baaba Kulka se déguste en au moins trois temps – oui c’est ça: un peu comme un bon vin. Au premier abord, son nez se révèle épicé et pétillant, la pochette d’excellent mauvais goût, le patronyme aux consonnances vénusiennes et le concept sympatoche (reprendre des titres d’Iron Maiden dans des versions extrêmement éloignées de leur berceau heavy metal) piquant la curiosité comme les narines. ‘Faut dire qu’en réunissant autour du totem-dieu Eddy les talents et la folie de Gabriela Kulka – star polonaise puisant aux sources de Kate Bush et de Tori Amos – et du groupe Baaba – formation manifestement bien ravagée du ciboulot –, il y avait de quoi développer des arômes inattendus…

 

Là, forcément, l’amateur de nectars auditifs singuliers ne peut s’empêcher de s’envoyer le contenu dudit disque direct’ au goulot. Et c'est à ce moment précis que, bam, arrive le deuxième temps de la dégustation...

« Bouôrf… Mais c’est tout plat-tout mou-tout fade dites!?? C’était pas censé nous exploser à la face ce résidu de fond d’éprouvette studio? »

Les écoutes qui suivent s'effectuent donc à reculons, et ne découlent plus que de la conscience professionnelle du chroniqueur tenace, ou bien de la rage de l’acquéreur ayant claqué sa thune dans un sacré bon sang de skeud hallucinofuture… Et puis finalement, progressivement – oh oui vas-y bouge encore tes orteils comme ça je sens que ça vient – débarque le 3e effet Kiss Cool. C’est en fin de bouche, sur les plus subtiles de nos papilles mélomanes, quand nos capteurs bucco-métallistiques les plus revêches ont fini de porter plainte auprès du bureau des réclamations sensoriel, que le talent de Baaba Kulka se révèle dans toute sa subtile finesse. On réalise alors que la pénible frustration des premières écoutes était de même nature que celle ressentie lors de la découverte de la cover de « Fucking Hostile » par Carnival in Coal, et combien tout cela, finalement, est à la fois croustillant et moelleux. 

 

En même temps nos polonais n’ont pas franchement joué la sécurité: ils entament en effet l’album sur une reprise proto-électro minimaliste de « The Number Of The Beast » particulièrement irritante (imaginez la légendaire mélodie jouée à 2 doigts sur un synthé Playschool), et ils truffent leur tracklist de morceaux qu'on n'attendait pas forcément – comme « The Ides Of March », « Prodigal Son » ou « Still Life ». Et puis bon, voir les parties vocales de Bruce Dickinson interprétées par une demoiselle dont la voix enfantine évolue entre Asphodel, Olivia Ruiz, Björk et Vanessa Paradis, c'est assez violent! Sauf que Ms Kulka sait varier intelligemment les plaisirs, tout comme le groupe qui change son fusil d'épaule quasiment à chaque morceau. C’est ainsi que sur « Wrathchild », la miss prend des accents à la Cindy Lauper / Liane Foly (si si) pour accompagner une version très « Deep Purple psyché » du titre, toute de fraîcheur et de flûte traversière vêtue. Pour « Aces High », le groupe nous propose une alternative excellement groovy entre electro soft et R’n’B (pensez Gorillaz et Jamiroquai – comment ça je dis n’importe quoi?), des effluves desert rock et Morcheeba-iennes finissant de transfigurer complètement le morceau. « To Tame A Land » sera l’occasion d’un solo de clarinette (ou de saxo droit?) au milieu d’un morceau synthétiquement oriental commençant comme le « Close To Me » de The Cure. Et je pourrais en noircir des lignes comme ça, le groupe passant encore par des chants polyphoniques, une version soul très Amy Whinehouse-ienne de « Prodigal Son », un « Flight Of The Icarus » façon musique d’ascenseur, un « Children Of The Damned » piano-bar jazzy et un « The Clairvoyant » à la mode samba soft / accordéon dans lequel aurait été indument greffé un passage de la « Lambada »...

 

Bon, on est d'accord: pour la plupart des poilus crouteux qui nous lisent, cet album aura un effet révulsif comparable à celui de l’écoute ininterrompue des albums de Deicide sur le système nerveux des barbus incarcérés à Guantanamo. Et pourtant, si Baaba Kulka nous titille l'épiderme à coups de caresses à rebrousse-poil, c’est pour mieux nous désarçonner afin que l’effet de ces reprises audacieuses soit maximal. J’aurais sans doute préféré un peu plus du chaleureux groove des excellentes interprétations de « Aces High », « Prodigal Son », « Children Of The Damned » et « The Clairvoyant », et un peu moins du chamallow de « Still Life » ou « Flight Of The Icarus ». N’empêche que chacun de ces 10 titres est un sacré challenge relevé avec brio, et que ça nous change des covers interprétées au papier-calque par des artistes paralysés entre révérence et manque de confiance en eux. Personnellement, je suis sous le charme, mais il aura fallu insister lourdement pour que la fleur éclose (eh oui) enfin… Alors si vous êtes de ces métalleux ouverts à d’autres horizons qui aiment les explorateurs audacieux et les cascades sans filet, ruez vous sur cet album de reprises, et vous aussi, insistez! Si par contre vous êtes un fan orthodoxe d’AC/DC, Motörhead, Manowar… ou Iron Maiden, lisez bien la notice avant de vous envoyer un shoot de cette came…

 

 

PS: A noter que les acquéreurs du CD recevront en sus un DVD que je n'ai pas pu voir mais qui m'a l'air avantageusement rempli.

 

 

 

La chronique, version courte:  un album de reprises de Maiden audacieuses qui commence en piquant bien fort au niveau des gencives, mais qui finit tout miel au fond de la gorge...

photo de Cglaume
le 16/09/2011

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements