Bright Ophidia - Set Your Madness Free

Chronique CD album (54:54)

chronique Bright Ophidia - Set Your Madness Free

Noires fumées apocalyptiques et morne plaine en guise de 1er contact visuel. Passeport polonais en poche et passage par le bunker Hertz Studio. Là au moins on ne peut pas se tromper: Bright Ophidia évolue dans la droite lignée des Hate, Devilyn, Trauma et autre Vader en proposant un death brutal mais néanm… Pardon? Metal Archives catalogue nos zoziaux dans la catégorie « Metal progressif »? On ne peut donc plus se fier aux signes extérieurs de Gros-Bras-Gros-Beuhââritude? Ah Madame Michu, j’vous jure: tout fout l’camp!

 

D’autant qu’à peine assimilé ce revirement brutal d’étiquette, paf, 2e claque: Set Your Madness Free s’avère non pas faire dans l'esthétisme chiadé comme le clamait Metal Archives, mais se trouve plutôt avoir les pieds profondément plantés dans les terres artistiquement arides (ceci est une allégation odieusement partiale, j’en conviens…) du néo metal, entre l’instabilité psychologique des premiers Korn et le boucan vénère des affreux jojos de Slipknot. Joie, sourires crispés et pensées suicidaires…

 

Sauf que la conception que ces polonais ont de leur musique révèle une approche qu’on pourrait en effet qualifier de « progressive ». Voire d’« avant-garde » même, pourrait-on dire, si l'on se laissait aller à un excès d’enthousiasme qui gommerait d'un coup d'un seul la relative incompatibilité d’une tel qualificatif avec l’étiquette « néo ». Non, vraiment: Bright Ophidia sait faire preuve de bon goût dans son domaine, bien plus qu’un Headkase par exemple, dont le The Worm County Circus nageait dans des eaux Nawak-Slipknot-core pas bien éloignées finalement – en peut-être un poil plus loufdingue, mais surtout bien moins maîtrisé. Alors, c'est quoi le secret permettant d'arracher plus qu’un 5-6/10 maigrichon au chroniqueur pas franchement acquis à la cause « Nü metal »? Eh bien les polonais font preuve 1) d’expérience, le groupe ayant déjà 11 ans de pratique dans le milieu au moment de la sortie de ce 3e album, 2) et d’audace. Et ce dernier point méritant d’être un peu développé, je vous propose de passer à la ligne…

 

Pour commencer, plutôt que de balancer des « If you’re 5-5-5… » acnéiques, Bright Ophidia plante un décor thématique cohérent – qu’on résumera en « J’ai un petit vélo dans la tête et je vais te rouler sur la colonne avec » – qu’il visite au cours de 10 morceaux conséquents construits comme autant de scènes d’un même film. Certes, ces considérations restent cantonnées à un niveau assez superficiel, loin de là où bat le cœur musical de l'œuvre, mais cela souligne une certaine sophistication qui, pour le coup, n’est pas forcément fréquente dans le genre pratiqué. M’enfin recentrons-nous à présent sur les conséquences de l’audace que nous évoquions ci-dessus sur la musique elle-même. Après tout c’est bien là que se trouve l’explication du pourquoi de cette note qui, ma foi, n’est pas mauvaise. L’audace en question consiste donc à déborder largement du cadre de ces riffs simplistes plaqués sur des grattes sous-accordées qu'on associe habituellement avec les néo-eries. Sur « Magma » par exemple, nos amis nous expliquent qu’ils n’ont plus 14 ans depuis longtemps, et qu’ils maîtrisent clairement le registre Meshugghien (rendez-vous à 3:45). Puis de ci de là tombent subrepticement quelques incartades nawak, qui forcément m’allèchent (contrepèterie? Non). L’exemple ultime de cette démarche s’appelle « Brain Scar », morceau qui commence avec un synthé rappelant le « Cathedral » de Van Halen, puis enchaîne sur une pure pièce jazzy avec basse dodue et saxo. Les affaires reprennent ensuite plus classiquement jusqu’à l’arrivée d’un merveilleux passage flamenco, tout ceci pour nous amener vers un final subtilement teinté de World music et un pétage de câble dans la grande tradition Pattonienne. En plus d’être tout simplement jouissif, ce titre nous confirme ce que ces divers soli, cette utilisation tout en maîtrise de la batterie et – plus globalement – l’ambition évidente de la démarche laissaient sous-entendre: les gars touchent méchamment leur bille.

 

Et pour se démarquer encore un peu plus de la famille Adidas Metal, les polonais adjoignent un clavier à leur line-up, celui-ci contribuant largement, et de diverses manières – incrustations électro parasitaires, lead de piano, ambiances – à la richesse de l’œuvre. Mais comme certains exigent des gages de sérieux encore plus solides, Set Your Madness Free réactive régulièrement son module « Rock’n’roll », voire carrément le plug-in « blues », ceci étant particulièrement sensible sur la complainte psycho-néo-bluesy « Holes ».

 

Bon, c'est vrai, on l'a déjà dit et on le répète: la colonne vertébrale de ce 3e album demeure indubitablement néo metal. Et qui plus est (… ou plutôt « qui moins est ») « Die And Become… » et « Homunculus » – qui ferment la marche – ne sont pas de grosses bombasses de tubes hyper sexys… Donc non, pas d’épanchements laudatifs exagérés en vue au sein de cette conclusion. N’empêche que l’expérience est franchement sympa à tenter. Comme quoi il y a vraiment du bon à prendre dans toutes les chapelles ("… comme dit le prêtre pédophile", ah ah, arrête t’es con Roger!).

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: quand le Korn des 90s s’allie à Slipknot pour créer un album ambitieux débordant largement des frontières du Metal tête-à-claques pour aller expérimenter un peu dans tous les coins, ça donne quoi? De l’Avant-garde nü metal? Du néo barré? En tous cas ce Set Your Madness Free est bien meilleur que ce que l’on aurait pu craindre…

photo de Cglaume
le 23/01/2014

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