Coilguns - Watchwinders

Chronique CD album (42:00)

chronique Coilguns - Watchwinders

Alexander Pope disait : "Tout est incertain dans la vie; il n'y a de certain que la mort"
Ça en jette hein ? Citer comme ça, un poète classique anglais, ça fait intello non ? On passera sur l'arnaque d'avoir tronqué ce vers moyennement bien traduit pour tourner les choses de manière à ce qu'elles m'arrangent. 
Parce que moi je dirais plutôt que "Tout est incertain dans Coilguns, il n'y a de certain qu'il n'y a pas deux groupes dans le monde hardcore qui lui ressemble".
Je te l'accorde, c'est moins spirituel et pas super harmonieux. Puis c'est de la prose, ça ne marquera sûrement pas autant les esprits, mais moi aussi je sais étaler des vérités incontestables, un peu creuses !
Parce que depuis Millenials, c'est une évidence : y'en a pas deux comme Coilguns. D'ailleurs, tant mieux, parce qu'enchaîner deux albums comme Watchwinders, c'est un coup à péter un boulon. C'est bien simple, j'suis à la limite du burn-out après l'exercice usant qu'est l'écoute intensive de ce disque.
 

Haaaaa ça paraît un peu frivole comme ça Coilguns, peut-être même bordélique, mais que nenni mon bon (ou "ma bonne" ? Ça se dit ça, même au nom de l'égalité ?). Chez les Suisses, on fait les choses bien réglées. Si j'étais chroniqueur chez Télématin, je te dirais "Normal au pays de l'horlogerie lolilol !", si je l'étais chez Hanouna j'aurai fait une remarque sur les menstruations. À chacun son humour. Mais je m'égare. 
Non, ce qu'il y a de passionnant dans Coilguns c'est sa capacité à faire un bordel musical bien rangé. Une drôle d'organisation qui s'entend à chaque seconde, sur toutes les couches du mix.

Avec son style un peu bâtard à la rencontre de la noise, du hardcore, du rock psychédélique, chaque instrument / chaque bruit (parce que tout peut devenir instrument - et ça on l'avait déjà remarqué avec le projet solo de Jucker) vient te coller un malaise sous un déluge sonore. Je vais t'éviter une chose : du track by track, du descriptif ronflant.
Parce que s'il n'y a pas deux groupes comme Coilguns, il n'y a pas deux titres pareils chez Coilguns. T'as peut-être une ossature générale à dégager, t'as un concept musical : te bombarder les tympans. Mais dans le détail, chez Coilguns, on a à coeur de ne pas faire de "bis" artistiquement.

Alors, c'est certain, l'ambiance n'est pas à la franche pantalonnade.
Ce qui est certain encore, c'est que Coilguns ne peut se résumer à une énumération de qualités musicales, de qualifications de riffs, d'arrêts sémantiques sur le jeu du clavier, d'analyses sur le chant et ses slogans scandés à faire perdre la tête. On ne monte pas un dossier "data" dont on ressortira des stats sur Watchwinders.
Non. Watchwinders, on le vit. On le subit. On souffre. Ensemble. Parce qu'il ne faut pas avoir les idées nettes pour faire une musique pareille. Mais il faut les avoir claires pour la créer, la "cadrer", lui donner. Et puis, il vaut mieux être dans le même état pour l'apprécier. 
Tordu, tendu, pointu : Watchwinders est un objet parasitaire. Un Dicrocoelium dendriticum musical. Un truc qui te donne envie de te taper la tête contre un mur.
Tu ne sais pas ce qu'est que le Dicrocoelium dendriticum ? Bon app'.
 
Le sentiment qui peut ressortir suite à une écoute ressemble plus à l'étouffement, le sentiment d'oppression dans la cage thoracique, avec l'impression qu'on vient finir le travail qu'avait bien entamé Millenials. Ça suinte le malaise. C'est du Dali avec des instruments. Du surréalisme musical.
J'te donne la définition de ce mouvement : "Dictée de la pensée", "absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale". Ça ressemble pas mal à du Coilguns quand on tente de décomposer et qu'on se fait écarquiller les oreilles aux premières écoutes. Le profane comme le fan ressortira toujours le même vocabulaire qualificatif : étrange, bizarre, ou "malaisant" comme on dit depuis quelques années (au mépris du Robert et du Larousse). Paradoxalement, ce surréalisme pousse irrémédiablement à pousser / cliquer sur le bouton "play".

Watchwinders ne s'appréhende pas avec un titre pioché ça et là dans une playlist Spotify. C'est une oeuvre qui te met mal, qui te file le bourdon et qui est admirablement composée. Et tu vois Pope, tout ça, tout ce que je viens de dire au sujet de ce groupe, j'en suis certain.
 

photo de Tookie
le 02/12/2019

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