Crime And The City Solution - American Twilight

Chronique Vinyle 12" (41:00)

chronique Crime And The City Solution - American Twilight

La musique dans notre monde contemporain obéit la plupart du temps à des codes. Chaque note, le moindre groove, les mots et les émotions qu'ils véhiculent, sont destinés à un public précis. Du pur entertainment, récemment la K-Pop, à la plus séminale et autiste, la musique touchera invariablement son public. Si vous lisez ces lignes habituellement, ça cause blast, growls et riffing, et c'est fort bien comme ça. Dans ce florilège, on cherche des auteurs qui écrivent de la musique qui parle à tout le monde, ceux-là sont très rares. Les Pixies pour les plus notables, The Fall, pour les plus connaisseurs. Avant eux certainement les Beatles et les Stones. Et si, on se penche du côté des connaisseurs, on rencontre immanquablement Crime and The City Solution.

 

Né en 1977 à Sydney, dans le chef de Simon Bonney, tout juste âgé de 16 ans. Le groupe, l'entité va rapidement connaître une destinée toute particulière, à l'envie de Bonney qui va recréer plusieurs fois le groupe !

 

La mouture initiale va vivre 15 mois, avant que Bonney aille vivre à Melbourne en réactivant son groupe avec des musiciens différents. Musicalement, on oscille entre le punk froid de Wire et une pop difficile enrichie de cuivres. Une période active en prestations scéniques et en visibilité, la presse de l'époque est sur le coup. Aucune sortie discographique ne viendra confirmer, la belle mise en route du combo. Contre toute attente, Bonney va dissoudre le groupe. Nous sommes en 1979, il se passe quelque chose autour d'eux et d'un certain Nick Cave...

 

On retrouve Bonney à Londres en 1983 dans l'entourage de The Birthday Party, groupe en plein essor, sur la route du culte. Crime and The City Solution vie toujours dans un coin de la tête de son mentor qui finit par le réactiver en 1985. On y retrouve Mick Harvey à la batterie, aux claviers, le regretté Rowland S. Howard à la guitare et son petit frère Harry à la basse. Il se passe quelque chose avec l'alchimie créée entre le maîtrisé Harvey, le flamboyant Howard et le dictateur en puissance qu'est Bonney. Le groupe entre dans une ère bien plus mystique qu'auparavant, Bonney se décide à enregistrer. Un premier 4-titres, The Dangling man qui lorgne ouvertement du côté du Gun Club, avant le passage si évident à un authentique chef-d’œuvre, Just South of Heaven, 6 titres imparables pour lesquels ils s'adjoignent les services d'un certain Kevin Godfrey (ex-Swell Maps) à la batterie. La machine est lancée ! Room of lights, le premier album voit le jour à Berlin le 27 octobre 1986. Bronwyn Adams, la petite amie de Bonney, qui s'occupe des visuels, y participe aussi en tant que violoniste. Le culte se construit.
L'intensité contenue dans cette pièce et les dissensions qui apparaissent plus marquées entre les protagonistes, poussent les frères Howard à quitter le groupe. Avec néanmoins, 2 chefs-d’œuvre au compteur.

 

En 1987, le groupe entame sa dixième année de vie, sous la figure tutélaire de Bonney et Adams qui a pris une place prépondérante dans le groupe. Pas de split à l'horizon, mais une nouvelle mise en place qui accueille Alexander Hacke, bassiste d'Einstürzende Neubauten, et Chrislo Haas membre du groupe Liaisons Dangereuses et de D.A.F. Une réédition du premier album et des premiers EP est organisée dans la foulée, un nouveau point de départ que le groupe ira défendre sur scène. Avec le recul, si on prend en compte la somme des individualités qui ont composés le groupe, on se rend compte davantage de l'importance et de la force de Crime and The City Solution, dans un registre aussi orienté post-punk, on évite de parler de new-wave, que soul américaine... qui reste à venir.

 

Shine et The Bride Ship sont rapidement enregistrés, le blues y est plus présent et plus globalement ce que l'on appellera, 20 ans plus tard l'Americana. En septembre 1990, C and The CS publie Paradise Discotheque, un album moins inspiré qui inévitablement pousse Bonney vers sa marotte préférée, le split ! Il part vivre à Los Angeles avec Adams et va enregistrer 2 albums solos, Forever en 1992 et Everyman en 1994.

 

Fin 2011, Bonney qui vie à Détroit, annonce la reformation (ben tiens) du groupe. Autour du trio qu'il compose avec sa femme Bronwyn Adams et le fidèle Alexander Hacke, on retrouve Jim White (Dirty Three), Danielle de Picciotto (la femme de Hacke), David Eugene Edwards (16 Horsepower, Wovenhand) et Troy Gregory de Prong. Sur les tablettes, un album, American Twilight, qui nous occupe aujourd'hui.

American Twilight sort le 26 mars 2013, soit près de 23 ans après le dernier opus. Que peut-on attendre d'un groupe déjà culte, alors que tout semblait être dit ? 8 titres et 41 minutes peuvent-ils donner le change ?

 

« Goddess » qui ouvre l'album rend hommage à ses auteurs, la voix plus chaude de Bonney, les parties de grattes façon desert-sessions d'Edwards, et la classe... la classe tout bonnement de l'ensemble. Clouant Nick Cave et ses palots Bad Seeds (façon 2010's)  sur place, même si ce n'est pas le but, ils sont potes. Entre fougue et dandysme.
Cette impression se vérifie dès l'entame de « My love takes me there » on y retrouve les effluves d'un Just South of Heaven. « Riven Man » marque la touche blues qui prévalait sur les 2 opus précédents. Un titre à la Stones, mieux que les Stones. Arrive « Domina », le titre le plus Lynchien de la plaque, une ré-écriture en mode soul fantomatique de la descente au Oneyed Jack (et aux portes de la folie) de Laura Palmer. Un titre intemporel, le genre de titre qui parle à tout le monde, impressionnant morceau-choral.

 

La deuxième partie propose « The Colonel » en ouverture, on reste sur le mode lynchien et on touche encore plus près la mélancolie froide d'un Joy Division. « Beyond Good and Evil » est plus anecdotique, plus américain aussi. « American Twilight », le titre éponyme rappelle un riff du ZZ Top (hé ouais) et aussi... The Fall ! Le terminus « Streets of west Memphis » montre un groupe apaisé au service du mentor qui s'en va tutoyer Johnny Cash sur son propre terrain.

 

Magistral !

 

photo de Eric D-Toorop
le 07/09/2013

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