Drowningman - Rock n'roll killing machine

Chronique CD album (29:01)

chronique Drowningman - Rock n'roll killing machine

 

C'est marrant mais quand j'y pense, les seuls véritables moments où je me demande dans quelle case je vais bien pouvoir caser un artiste/groupe/album, c'est quand je dois coller un style clair sur une chronique. Le reste du temps, il est évident que l'exercice est suffisamment périlleux (ou inutile) pour définitivement me démotiver à catégoriser tel ou tel groupe. C'est pour cette raison que je n'ai pas classé mes disques par genre depuis pas mal d'années. C'est aussi pour cette raison que je ne m'étonne plus de voir des groupes de black et de death partager la même affiche... Ou des groupes de sludge et de hardcore... Ou des groupes de folk et de heavy... Bref, à force de fusionner, de mélanger, de s'inspirer, de combiner et de ressusciter les genres, on a bel et bien fini en plein brouillard dans le grand océan des musiques rock, au grand malheur des enculeurs de mouches (et des chroniqueurs mais c'est probablement la même chose au fond). Mais notez aussi que cela n'a pas toujours été comme ça. Il fut un temps où le simple fait d'être sur un festival multi-genre était déjà une petite aberration, un temps où le port du bracelet à clou te dispensait automatiquement d'écouter du punk-hardcore, un temps où tout ce charabia qui divise le rayon des disquaires en catégories distinctes signifiait encore quelque chose.

 

Il fut donc un temps où l'on pouvait légitimement se demander quel bon dieu de style Drowningman jouait en fait. Nous sommes au tout début des années 2000 et si les armées du metal et du hardcore ont déjà pactisé depuis longtemps, Rock'n'roll killing machine constitue en soi une jolie petite énigme pour l'époque. On y retrouve donc pêle mêle l'urgence et la déglingue d'un punk sur-boosté, la technicité et la complexité d'un math rock décomplexé ainsi que la violence et le goût de l'extrême du grindcore moderne. Alors ouais, cette triple association ne semble pas forcément très innovante vu des années 2013. De plus, vous seriez tout à fait en droit de me rappeler qu'Under The Running Board de Dillinger Escape Plan est déjà sorti depuis près de trois ans.

 

Oui...

 

… Mais non.

 

Non parce que là où les jean-foutres de DEP jouaient allègrement la carte d'une surenchère qui a fait revoir les critères d'ultra violence et de complexité de pas mal de monde, leurs compatriotes de Drowningman, eux, n'avaient pas oublié que les kids en mal de claques dans la gueule avaient aussi un petit coeur. Et c'est précisément sur ce point que cet album se démarque de tout ce qui pouvait exister à l'époque. Sans forcément se hisser au niveau des standards de l'indie rock et de l'emo 90's sur leur propre terrain, force est d'avouer que, quitte à être un peu naïfs dans leur propos, les Drowningman ontici réussi à adopter une démarche nettement plus humaine et sensible qu'une ribambelle d'autres groupes assoiffés de violence et de technicité parfois abusive. On a déjà parlé des mecs de Dillinger mais on forcément fait le tour non plus. Les gars de Converge par exemple, malgré un coté très émo, versaient déjà vers le coté obscur de la force. Coalesce nous torpillaient déjà la gueule à grand coup de salves bien plus dissonantes et bruyantes. Les mecs de Botch, quant à eux, collectionnaient déjà les pédales d'effet afin de nous pondre d'étranges compos hypnotiques à rallonge.

 

Comprenons nous bien ici : je ne suis en aucun cas en train de dire que Drowningman est un groupe supérieur aux demi dieux que je viens de citer. Loin de là. Avec le recul que l'on peut avoir en 2013, ils n'ont ni le palmarès, ni la longévité pour réellement souffrir la comparaison. Par contre, il est important de noter à quel point ce groupe (et cet album en particulier)  avait clairement quelque chose que les autres n'avaient pas. Par ailleurs, il est assez drôle de remarquer que lorsqu'on leur cherche une sorte de descendance, on tombe assez vite sur des choses pas forcément si réjouissantes que ça. En 2000, le fait de mélanger du metal, du hardcore et de l'émo n'entrainait pas encore cette inévitable dégringolade dans le metalcore de bas étage qui nous siphonne le cerveau depuis trop longtemps. Dans ce sens,  Rock'n'roll killing machine fait exception.

 

L'album est court, les titres aussi mais il n'en aurait surement pas fallu plus pour que tout cela devienne indigeste. Bien entendu, on tombe assez vite dans le déluge de riffs et de  breaks, le tout habité par une tension permanente. Mais on a également droit à pas mal d'éclaircies et de mélodies réellement accrocheuses. En effet, loin de se retrouver prisonniers d'un style mal défini et trop varié, les ricains réussissent avec cet album à écrire de vraies chansons dont certains entrelacs restent gravés dans nos têtes sans forcément se limiter à un pattern rythmique pour metalleux débile (non, il n'y a pas vraiment de mosh-part préhistorique ici, merci). De plus, le groupe arrive aussi ça et là à clairement freiner l'allure pour développer de véritables temps calmes qu'ils n'auront aucun mal à exploser de plus belle par la suite. En ce sens 'When People Become Numbers', 'My First Restraining Order' ou encore 'Angles and Defenses' auront vite fait de transformer un simple cocktail détonnant en véritable hymne de punk moderne comme seuls les plus grands ont su en écrire. Je ne parle même pas du refrain final du titre éponyme de ce disque, éblouissant et lumineux. Au final, on finit carrément par penser aux Blood Brothers, voire à l'At The Drive In de Relationship of Command dans une version quand même un peu plus fidèle aux poncifs dont nous avons l'habitude.

 

Une petite merveille. Le genre de truc que le XXIème siècle restera probablement incapable de nous offrir à nouveau. Écoutez voir la conclusion de ce foutu disque au moins une fois et osez dire que j'ai pas eu raison de revenir dessus.

photo de Swarm
le 14/04/2013

1 COMMENTAIRE

Crousti Boy

Crousti Boy le 14/04/2013 à 20:22:08

Yep, super album.
Découvert un peu sur le tard (2005, de mémoire) et qui m'a donc moins traumatisé que le big four cité plus haut, mais un bonne claquasse quand même !

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