Entombed A.d. - Hollowman

Chronique Maxi-cd / EP (21:43)

chronique Entombed A.d. - Hollowman

1993. En voilà une année qui a vu vaciller quelques certitudes. Ce fut l'année de la sortie d'Odium, sur lequel Morgoth abandonnait le death de tradition pour expérimenter aux frontières du genre. Plus à l'ouest, mais tout aussi avide de sensations nouvelles, Pestilence s’envolait aux confins de la galaxie techno-death synthétique sur son 4e album, Spheres. De l'autre côté de la Manche, Carcass abandonnait le tablier de boucher pour celui de grand chef pâtissier suédois sur Heartwork. Et plus près de nous, Massacra ruminait dans son coin, attendant l’année suivante pour nous balancer un Sick qui allait faire pleurer des larmes amères aux fans de Signs of the Decline. Bref, ça sentait la transition à plein nez. D’ailleurs le label Earache, pionnier parmi les dénicheurs de talents grind&death, n’avait-il pas lui-même sorti la compil’ Naive – pleine de Fudge Tunnel, Sleep et autre Scorn – l’année auparavant? Heureusement que la plupart de ces sorties, bien que « différentes », restaient de qualité, parce qu’en ces temps de doutes existantialo-artistiques, on aurait sinon été tenté de céder à l'appel de Mme Neurasthénie…

 

Entombed n’échappa pas à cette vague de remise en question, même si son évolution se fit sans doute plus dans la continuité logique de ce qu’il avait semé sur ses 2 premiers albums. N’empêche, on fut un peu surpris, en découvrant les premières minutes de l’EP Hollowman, d’entendre nos fossoyeurs préférés délaisser les alentours des vieux cimetières pour aller s’embourber de plus en plus profond dans les marécages du Grand Sud américain, laissant leur death perdre un peu de « spectralité »  au profit d’un supplément de boue stoner/sludgy. Non parce qu’on nous agite souvent sous le nez le terme « death’n’roll » pour qualifier le virage entrepris à l’époque par les suédois – et c’est ma foi vrai que cette tendance à laisser les leads se faire plus crasseusement bluesy et à laisser le tempo décélérer au fur et à mesure que la bouteille de whiskey se vide pourrait le justifier. M’enfin cette épaisseur fangeuse, ce noir cambouis, ces tempos de plus en plus indolents et ces poussées leads de plus en plus psyché évoquent autant un Motörhead death que de vieux hippies cracra dont les chakras doomy seraient tombés dans le goudron et les plumes. Ouais, « hippie », parfaitement. D’ailleurs on pense parfois à The Ethereal Mirror de leurs collègues de label Cathedral – qui, justement, sortait la même année. J'exagère? Bordel, écoutez voir « Wolverine Blues »: c’est pas un putain de tambourin qu’on entend là, sur le refrain, au milieu de cette ronde sautillante de vieux babas cools zombifiés?

 

Sauf que tout ça est magnifiquement cuisiné. De la boue, de la crasse, des guitares vrombissant dans la fange, des reste de morts-vivants pourrissant dans les coins, des lambeaux de brume, et une putain de grosse ambiance prenante: Hollowman prolonge la promenade magnifiquement lugubre entamée il y a 3 ans de cela en la développant de manière moins conventionnelle (...pour l’époque!), mais tout aussi affriolante. D’autant plus affriolante d'ailleurs que Lars-Göran Petrov profite de l'occasion pour effectuer son grand retour.

 

L’EP commence donc sur un morceau-titre gras, pesant, laissant d’emblée échapper une lead psyché/dissonante en même temps que des grimaces d’incompréhension sur le faciès des amateurs de sauvagerie musicale. Heureusement nos amis sont experts en retournement de situation, et avant même que la barre des 2 minutes ne soit franchie, ils nous balancent l’un de ces riffs mammouthesques dont ils ont le secret, et qui est d’ores et déjà inscrit au panthéon de leurs moments les plus mouaaargl. Le morceau sera d’ailleurs repris sur Wolverine Blues – la guitare arrivant par contre plus vite sur le tic-tac initial. Gage de bonne volonté vis-à-vis de leurs fans les plus intransigeants, « Serpent Speech » sort les peintures de guerre crust pour foncer dans le tas et nous achever, après 2:20 de cavalcade, sur un bon gros tir de sulfateuse. Deuxième et dernier aperçu de ce que sera le 3e album longue durée "à venir", « Wolverine Blues » est sans doute ce que le groupe propose ici de plus « stoner » et de plus dansant, cette version instrumentale du titre étant par ailleurs relevée de samples relativement efficaces. Plus virulents mais moins immédiatement marquants, « Bonehouse » et « Put Off The Scent » sont pourtant tout aussi bons que les autres compos de l’EP. Assez symétriques, les 2 titres commencent de manière relativement rugueuse pour se révéler au sommet de leur forme en 2e partie de parcours, lors de passages déchaînant toute la grandeur Entombienne à grande renfort d’ambiances ténébreuses et de soli de folie. Et pour finir avec classe, les 5 de Stockholm s’en vont revisiter les univers conjugués de Clive Barker et Christoffer Young sur une adaptation maison du thème de Hellraiser.

« What's your pleasure Mr Cotton? »

Aargh, cette entame me refile instantanément la chair de poule! Bruits de chaînes, gémissements spectro-maso, maîtrise impressionnante de  la trame narrativo-musicale, avec ce titre Entombed nous livre ce qui – pour moi – est non seulement l’une des meilleures réappropriations d’un morceau existant (le terme de « cover » me parait bien réducteur ici), mais également un mètre étalon en matière d’incorporation osmotique de samples extraits de films au sein d’un morceau de metal.

 

En 6 titres, Entombed réussi donc à négocier un virage stylistique majeur, à expérimenter avec succès dans des voies instrumentales où on ne l’attendait pas forcément, ainsi qu’à continuer à faire parler la poudre death metal, pour au final mettre tout le monde d'accord, la bave aux lèvres à l’idée de l’arrivée imminente de Wolverine  Blues. Manifestement, même en sortant de sa zone de confort, c’est dur de se planter quand on a autant de talent…

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: en seulement 6 titres, Hollowman permet à Entombed de glisser imperceptiblement de son death natal vers un stoner death’n’roll crasseux fleurant – heureusement – encore bon la vieille stèle funéraire. Avec 2 instrumentaux, 2 aperçus de l’album à venir, un morceau crusty, du bon vieux death rageur et un final fabuleux au royaume des cénobites, la bande à messieurs Andersson et Hellid continue d’aller de l’avant tout en faisant du sur-place sur le trône du death suédois.

photo de Cglaume
le 18/05/2014

2 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 18/05/2014 à 18:41:22

SERPENT SPEECH , le terrible Bonehouse et Hellraiser nom d'un petit Wolvie !!

korbendallas

korbendallas le 19/05/2014 à 11:47:00

M'en vais me réécouter ça tiens car c'est pas le prochain A.D. qui va le titiller ...

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