Grorr - Anthill

Chronique CD album (46:21)

chronique Grorr - Anthill

Extérieur nuit, calme apparent. Cigales, bruissements légers, stridulations insistantes, activité fourmillante dans les herbes endormies. Tension sourde. Sur tout album de bleuargl-core qui se respecte, les secondes qui suivraient ce démarrage nocturno-bucolique seraient faites de bruits de pas précipités, d’un souffle féminin affolé, d’un rire sardonique, et enfin du bruit mat de la hache qui s’abat et pénètre laine angora, épiderme tanné aux UV et moiteur pancréatique. Mais pas sur Anthill. Car ce qui branche Grorr, ce ne sont pas les pérégrinations nécrophiles de quelques psychotiques célèbres, mais bien la multitude insectoïde qui vaque à ses occupations sous le ciel étoilé de cette intro ambiancée. Et à la place des échos glacés d’un drame humain, c’est une mélopée fragile et épicée qui se dévoile bientôt à nos oreilles via les voix d’instruments qu’on imaginerait assez mal utilisés au sein du grand orchestre de Radio France – flutiau sylvestre, cordes sèches et chevrotantes… Images d’orient.

 

Si vous suivez régulièrement les aventures trépidantes de CoreAndCo au pays des berceuses poilues, vous ne serez pas surpris par le parti-pris insectophile des palois, ce webzine vous ayant déjà rapporté le détail des activités musicales de ces récidivistes avérés. En effet, que ce soit lors de sa 1ere démo, ou plus récemment (il y a 2 ans) sur Pravda, son premier album, Grorr a de tout temps mâtiné son death moderne et progressif d’histoires de cigales, de fourmis et de toutes ces bébêtes qui nous répugnent quand on les retrouve sur notre traversin, dans notre sandwich ou dans la culotte de Madame… On avait bien constaté que Pravda était très bon, et que le potentiel était là pour aller encore plus loin… Et pour une fois, joie: cette constatation n’était pas qu’une pirouette conclusive pour chronique tièdement inspirée, mais bien un propos qui – à présent qu'Anthill tourne sur la platine – se révèle limite visionnaire (Pythie cglaume:  épargne nous ce genre de considération!).

 

Car non contents de continuer dans la voie du Meshug-core ultra-léché et sombrement nuancé – entre S.U.P. et les plus brillants élèves de l’école Klonospherienne –, nos frenchies aèrent dorénavant leur froid propos d’une multitude d’instruments « folkloriques » (Vielle à roue, Sitar, percus africaines et indiennes, flûtes japonaises) qui apportent à leur univers une touche « world music » véritablement excellente. On avait rarement vu une telle symbiose dans le genre, malgré la tentative pas complètement transformée de Human Fate. Porté par un son aux petits oignons, un artwork magnifique et une finesse de composition qui lui permet d’empiler les pistes musicales sans écraser l’auditeur, Grorr réussit à sortir un album innovant, rafraîchissant, hypnotisant, passionnant et – ça reste quand même le but des musiques dérivées du death – incroyablement puissant.

 

Anthill s’écoute comme une histoire en 4 mouvements s’étendant sur 3 gros quarts d’heure, les morceaux s’enchaînant quasiment sans temps mort. Après le court prélude nocturne précédemment évoqué, « Once Upon A Time » nous cueille direct’ sur un mélange idéalement dosé de musique « ethnique » et de modern death intelligent, l’apport d’une cornemuse (d’un biniou? d’une prostate de mouflon?) permettant au tout de décoller un peu plus haut encore. Et de là la saga s’élance sans que  l’on ne s’ennuie ni ne voie le temps passer, les chapitres se révélant tour à tour plus syncopés, plus caressants, plus mélancoliques ou plus growleux. On s'arrêtera quand même quelques instants sur certains morceaux encore plus savoureux que la moyenne, notamment « We – Legion », conquérant et inexorable, emmené par un nuage de cyber-sauterelles fans des saccades à la mode Decapitated et dévastant tout sur fond de complainte celtique. Plus loin, le titre jumeau « We – War » emmène un peu plus loin encore l’art du découpage de saucisson à la machette robotique, tout en conservant ce matelas grandiosement atmosphérique qui fait la force de ce chaud-froid musical complètement renversant. On pourrait encore citer « She – Worker » (décidément, je suis attiré par les titres à tiret) qui démarre sur de doux roucoulements évoquant des contrées à mi-chemin de l’extrême orient et du maghreb, et qui se développe en un modern death à la mélodie sombre et hyper accrocheuse. Bonheur. Finalement, pour faire de cet album un chef d’œuvre absolu, il ne reste qu'à conclure l'aventure par l'un de ces geysers orgasmiques qui laisse l'auditeur à genoux (ce qui manque un poil... dommage) avant de revenir à l’extérieur nuit initial histoire de boucler la boucle (de ce point de vue, contrat rempli... Bravo!). Là, comme ça j’ai réussi à placer un petit reproche, histoire de faire le mec-qui-ne-se-laisse-pas-non-plus-trop-emporter-par-son-enthousiasme.

 

Ca faisait un bail que je n’avais pas été autant emballé par un tel album, la scène où Grorr évolue proposant souvent du bon, certes, mais plus rarement de l’enthousiasmant – la faute à une production relativement abondante, et à la corne anesthésiante que nos capteurs auditifs ont fini par développer en réaction à cette profusion. L’album est en écoute intégrale sur le Bandcamp du groupe. Ne faites pas l’erreur grossière de finir la lecture de cette chronique sans aller vous abreuvez à cette source aussi généreuse que rafraîchissante.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Anthill c'est du death modern progressif avec beaucoup de Meshuggah et de S.U.P. dedans. C'est de la « world music » portée par toute une volée d’instruments plus improbables les uns que les autres. C'est l’histoire d’un fourmilière sur 3 saisons… Plus beaucoup d’intelligence et de puissance. Un petit bijou.

photo de Cglaume
le 28/03/2013

3 COMMENTAIRES

slipman

slipman le 29/03/2013 à 09:42:29

bon j'étais parti pour écouter 1 ou 2 morceaux et au final je me suis laissé entrainé par l'album entier , vraiment sympa

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 29/03/2013 à 12:28:03

Tes deux premiers paragraphes sont énormes Lapinou.

Pour le groupe : manque de Suédois, de cadavres et de grésillements.

cglaume

cglaume le 29/03/2013 à 12:40:06

Merci Cromy ! Pas de suédois parce que les insectes sont sans nation. Des cadavres, t'abuses: 'y en a tout plein vu comment ces insectes se mettent sur la gueule au sein de l'album ! Et des grésillements, 'y en a tout plein aussi, y compris d'autres bruits furtifs d'origine petitebette-ienne... (m'enfin en effet, ça ne sent pas les studios Sunlight, ni le Necromorbus...)

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