Grorr - The Unknown Citizens

Chronique CD album (47:31)

chronique Grorr - The Unknown Citizens

Cors sonnant le rappel des troupes, martellement de lames rougies par une batterie d’armuriers suant près de la forge, mouvements de troupes, étendards claquant dans le vent… Diantre, c’est avec l’emphase écrasante d’un péplum à gros budget que démarre ce nouvel album de Grorr! Les palois auraient-ils troqué le monde de Bernard Werber pour celui de « 300 »? D’autant que les trépidations djenteuses qui viennent ensuite nous claquer à la tronche, les orchestrations qui continuent d’enfler dans des proportions carrément Hollywoodiennes et la mécanique froide et inexorable de la machine cyclopéenne créée il y a maintenant près de 10 ans par le groupe, tout concourt à renforcer cette grandiose vision de champ de bataille sur laquelle nous accueille « Pandemonium ».

Et la pompe (enfin les pompes: celles – hydro-mécaniques – qui soufflent et crachent au fur et à mesure de l’avancée du cyclope mécanique djent, et celle – fastueuse – des orchestrations symphoniques) de se prolonger sur « Facing Myself », le résultat imposant à notre esprit l’image d’un hybride Gojira / Meshuggah / Septicflesh dernière mouture.

 

« Ouawh! », si vous me passez l’expression.  

 

Par contre, dès « Don’t Try To Fight », nous retrouvons les délicats et frétillants arrangements « World » que nous avions déjà dégustés avec gourmandise sur Anthill, l’excellent opus précédent. Et ce retour à la forêt, aux instruments exotiques et à un peu plus d’eau progressive dans le vin « saccade metal » de continuer jusqu’à « Alone At Last ». C’est que Grorr a organisé la tracklist de son 3e opus comme la fourmi de la fable de la Fontaine rangeait son garde-manger: en ne laissant rien au hasard. D’où une subdivision de The Unknown Citizens en 3 parties respectivement intitulées « The Fighter », « The Worker » et « The Dreamer » – les mêmes « catégories sociales » que celles dans lesquelles se rangent les personnages du film d’animation « Antz », c’est ça: quelle culture dites-moi! Quoiqu'en fait Grorr se soit finalement extrait des galeries souterraines pour nous causer cette fois du monde des fourmis humaines. Mais revenons-en d'abord au silotage précédemment évoqué de l'opus. Si sur le 1er pan des présentes aventures (autrement dit sur les 3 premiers morceaux) la fumée des champs de bataille s’accompagne donc d’élans symphoniques nouveaux et particulièrement bien amenés, les tribulations du travailleur de force et du doux rêveur s’épanouissent toujours dans une superbe fusion des répertoire de Meshuggah, Gojira (eh oui, encore et toujours) et Human Fate, la dimension « folk » de ces 2 derniers tiers atteignant des sommets particulièrement somptueux sur l’indissociable doublette « You Know You’re Trapped… » / « But Still Hope… » où s’invitent biniou des bois, flutiau à pied léger, ainsi que cordes et chants polyphoniques occitans aussi improbables que merveilleux.

 

« C’est français ce qui sort des enceintes là? Bordel ‘y a du lourd dans l’Hexagone dis! »

 

Il serait injuste de ne pas également passer un peu de temps à évoquer « Unique », qui est lui aussi une merveille de djent hyper tendu et de poussées de Ushuïa metal poignant, le tout enrobé dans du violon, des chœurs et des sonorités didjéridesques qui semblent vouloir tirer tout votre être vers le haut, par les oreilles. Et il est également de notre devoir de signaler que, quand il quitte occasionnellement le registre growls&grunts, Bertrand s’offre des passages en chant clair – "clair", mais viril et rugueux – dont la qualité a encore monté d’un cran depuis Anthill.

 

Mais arrêtons là cet éloge – mérité – qui colle l’album un peu trop au niveau de la tracklist, et – pelure que nous sommes – émettons quand même une microscopique réserve: la longueur des morceaux, l’aspect hypnotique de certaines trames répétitives ainsi que la densité et l’homogénéité extrêmes de ces 47 minutes provoquent quelques sensations passagères d’essoufflement sur un morceau comme « Oblivion »… En même temps je dis ça mais le morceau se termine sur une procession bringuebalante qui sent la débâcle militaire, mais qui – musicalement – est particulièrement captivante.

 

« ... On a vu plus convainquant comme reproche. Ah vraiment, ces chroniqueurs qui ont l'impression de ne pas exister s'ils ne critiquent pas un brin! »

 

Certes, on était au courant depuis un bail déjà que nos vertes contrées recèlent nombre de groupes pas seulement bons, mais innovants et carrément excellents. Et ce 3e album de Grorr – qui sort enfin sur un label! – de nous le confirmer via un grand coup de pied au cul modern-métallique. Alors ne restez pas cantonnés aux albums des têtes d’affiche de festivals, bousculez un peu vos habitudes, et donnez une chance à ce groupe qui mériterait de faire un gros bond vers le haut dans l’estime de la metalosphère internationale.

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: le djent/death progressif de Grorr s’était déjà paré d’audacieuses touches « World music » sur Anthill, l’opus précédent. Mais sur The Unknown Citizens, le groupe va encore plus loin en magnifiant ces fameuses touches exotiques et en apportant une dimension supplémentaire – symphonique cette fois – qui lui fait côtoyer les sommets Septicfleshiens. Impressionnant.

photo de Cglaume
le 17/11/2014

2 COMMENTAIRES

S1phonique

S1phonique le 01/12/2014 à 09:16:49

Ah ! tu vois quand tu veux...
Lapin Lapin entre et vient ...me serrer la main.
Excellent album ! et chronique inspirée.

cglaume

cglaume le 01/12/2014 à 09:42:20

Merci merci mon S1pho, t'es un vrai poto ! :)

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