Kalte Lust - Somewhere outside the circle

Chronique Vinyle 12" (31:09)

chronique Kalte Lust - Somewhere outside the circle

Kalte Lust. Froide envie à l'allemande. Ou froide luxure à l'anglande. Jeu de mots aussi avec « keine lust », « pas envie » ? « Ich habe keine lust » : « je n'ai pas envie ». Froide envie de meurtre, désir bloqué de la femme frigide, panne de climatiseur ? Allez savoir, il y a des questions qu'il vaut mieux ne pas poser, de peur qu'on y réponde.
Deux titres sont d'ailleurs chantés totalement en allemand, si j'n'm'abuse : "Mist" et "Über Die Grenze". Ça fait plaisir. Que ceux qui croient que la langue germanique est forcément affreuse, je leur conseille de vivre un jour une idylle franco-allemande, et on en reparlera. Miracle de l'amour. En tout cas, ça sonne très bien dans les morceaux de Kalte Lust - groupe que je ne connaissais ni d’Ève ni de Kevin, heureux hasard du web - même si le contexte n'est parfois pas loin du cliché morbide - divisions de la joie, allô ? - et que je suis très surpris d'apprécier ce genre de délire.
J'aime être surpris. Sans être blasé, je ne m'emballe plus facilement, alors quand un disque parle à mon petit cœur tout sec, même en allemand pour me dire des saloperies, je suis ému.

Ça commence par la superbe de "Once Bitten Twice Shy", morceau parfait. Mélancolie immédiate, atmosphère posée en quelques mesures, voix et mélodies de chant ensorcelées, et peu importe si on nage en plein passéisme des quatre-vingt. J'en parlais dans la chronique de Aerôflôt, cette période révolue fait à nouveau partie du présent, encore une fois. Encore un cycle qui nous ramène vers ces années maudites qui ont vu le capitalisme conquérant se débarrasser à jamais de toute politesse et faux-semblants pour montrer les dents, étincelantes dans toute leur splendeur, mordant dans tous les aspects de notre civilisation, répandant plus encore le gâchis, le cynisme et le culte de l'individualisme creux.
Pouf, pouf, ouh comme je suis pompeux !
Bon, c'était le début de la fin. Mais on s'en fout, ça fait au moins 4000 ans que c'est la fin du monde, les gars, réveillez-vous.

Le Post-Punk (c'est eux qui le disent, moi j'ai jamais rien compris à cette étiquette), la Cold-New-Wave, la culbute airs martiaux et rythmiques tribales contre éther glacé mélodique, planent et dominent tout. On nage dans une dense brume teintée de bleu Ramsay et Travers.
Il y a du synthétiseur, avec parfois des sons absolument horribles, mais, et j'en suis le premier étonné, ça passe comme une gorgée de bière sur une lampée de whisky : tout seul.
Les plus faciles "Über Die Grenze" (clairement pas mon préféré) et "Into The Water" (grande classe malgré un synthé tout pourri ; et l'intro est juste... tombée du ciel) font le tampon entre les deux gros chocs émotionnels que constituent "Once Bitten Twice Shy", donc, et "The Path" où hurlent les banshees. Quelqu'un doit mourir avant la face B. Pas loin d'être terrifiant, « The Path ».
Très très belle idée qui me scotche encore à chaque écoute.

Face B. Ah oui, c'est un douze pouces, en vrai. Comme d'habitude, je vous rassure, je tripote ma nouille en n'ayant que de pauvres mp3ees comme support, je n'ai jamais reçu un seul disque pour mes petits écrits faussement prétentieux. Je ne me plains pas, le groupe ne nous a d'ailleurs pas contacté, je chronique de mon propre chef, là. Et puis, j'ai toujours pas assez de thunes pour m’acheter une bonne platine vinyle. De toutes manières, à quoi bon ?, je n'achète plus du tout de disques. Hé !, aboule la thune et on verra.
(Je lisais je ne sais plus où qu’une chronique nous en apprend plus sur le chroniqueur que sur le disque. Ma foi, peut-être. Qu'on le veuille ou non, en faisant de la musique, on s'expose, et en écrivant de la merde sur de la musique, on s'expose aussi un peu. Mais surtout n'en croyez pas un mot.)
Ça y'est j'ai perdu le fil.

Ah oui, face B, donc. Elle commence gentiment par le dansant mais tendu "Black And Red Obsession", qui me fait penser aux copains de Road To Fiasco, de façon assez incongrue. Cependant, ce genre de titre, plus dansant et accessible, sans réellement me déranger, ne me fait pas spécialement rêver. J'imagine que cela permet aussi de créer une respiration, un peu plus de légèreté entre deux oppressions... Je préfère le glauque.

J'ai déjà évoqué "Mist", en allemand dans le sextolet, et ma foi ce morceau est l'un des plus étranges du disque : instable, tout en tension sans explosion, synthé frigidaire et apparition fantomatique du "Dies Irae" en plein milieu du titre ! Cagoules dans la brume et auto-mutilation appliquée. Chouette (et hibou sous la lune). Accélération progressive du tempo pour retomber dans le délire névrosé du début, arpèges mortifères de gratte claire avec batterie en roue libre, puis question/réponses voix masculine autoritaire/voix féminine inquiète. Ce final pourra faire rire les moins romantiques d'entre nous, mais sachez bien qu'on vous emmerde.
Et la poésie, bordel ! Et la Mort, nom de dieu !

J'ai écrit « voix inquiète », juste avant. C'est ça que m'évoque ce disque. L'inquiétude.
Vraiment, s'il fallait résumer toutes ces impressions en un mot, ça serait peut-être bien celui-là.
Tension, anxiété, mélancolie, émotion... Vérité dans la vaste Église De La Froide Envie.

Les roulis de riffs sur "Overplayed" sont d'une classe folle, l’entrelacs de guitare et de basse des couplets installe le malaise dans les coussins sous les tentures. Je suis moins client du refrain, un peu agaçant. Mais les relances sont très belles, New-Wave tendance Trve Goth... j'ai bon sur les étiquettes ? Rien à battre.
Car tout ça, c'est rien.

C'est rien : l'agonie sera terrible, lente et douloureuse, avec ce nachtmahr de sept minutes nommé "Like A Broken Doll". C'est le morceau le plus dur du disque, sans hésitation. On n'est pas loin des Swans, avec la guitare qui taille dans la bidoche congelée sur une rythmique nazie répétitive ; des roulements de toms en guise de batterie, quelques nappes de synthés-reptiles et toujours cette belle voix dans l'angoisse.
Sacrée putain de fin.

Bref (non, encore raté), voilà une bien jolie découverte et je félicite l'aveugle fortune de m'avoir tourné vers l'envie froide. Je ne connaissais rien du groupe, je ne savais pas d'où ils viennent et, franchement, c'était pas plus mal comme ça. Je n'en attendais rien, ça m'a pété à la face. Boum.
Place à la musique, je ferme ma grande gueule de relou.

photo de El Gep
le 25/09/2012

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