Melvins - Stoner witch

Chronique CD album (50:16)

chronique Melvins - Stoner witch

CANADA BUZZ HAS A WAY TO SEE THROUGH MY EYES

 

Pour une vraie-fausse discographie des MELVINS. - Chapitre 21 -

 

Pour comprendre le pourquoi de la démarche boiteuse, se référer à l'introduction du chapitre 1...

 

Épais et graisseux comme un énorme steak gonflé aux hormones, jeté dans une poêle brûlante. Voilà un peu comment sonne cet album qui réussit l'impossible conciliation du bourru et du céleste. La tête posée sur l'épaule de Dieu, les pieds dans le sable ou le fumier, terre des rustres.

Le rapport avec le steak? C'était un steak céleste, voilà tout.

Chaque instrument sonne distinctement, avec une largeur enveloppante rare, GGGarth, Joe Barresi et les Melvins eux-mêmes ont fait un sacré travail sur la production et l'enregistrement de ce disque. Bon, OK, ils bénéficiaient d'un budget Atlantiqué, mais le son est tout simplement génial.

Et là, faut entendre pour le croire les compos qu'il sert : c'est du grand-œuvre cosmique, c'est pas humain et pourtant ça l'est tellement.

Hem.

 

Cependant, ça commence dans le total destroy. « Skweetis » sature un peu de partout, les cymbales chinese de Crover te dézinguent les tympans, les plans sont sauvages et noisy, tu te prends direct un coup au menton, tes molaires font crac-crac les unes contre les autres, bienvenue dans le Rock jusqu'au boutiste.

Car oui les Melvins, avec Stoner Witch, sont bien allés au bout de quelque chose, là où le parfois pataud « Houdini » n'avait servi que d'amorce.

 

Ça, c'était juste la mise en bouche dégommeuse. Un véritable tube (si on vivait dans un autre monde que ce monde de merde) déboule, « Queen », une des pierres de voûte de l'ensemble, composition complètement folle, qui déroute une fois que tu crois tenir les rênes, mélodique et pesante. Un catcheur danse un ballet gracieux et tu n'arrives même pas à te foutre de sa gueule tellement c'est beau. Oublie les idées reçues et prends-toi une leçon, frangin.

 

Une autre pierre de taille, bourrée de trouvailles, détours, têtes-à-queues, serpentins, montagnes russes de la créativité: c'est « Revolve » qui sonne comme si Metallica avait été touché par le génie (comment ça c'est impossible?) et étaient repris par les Snvilem sous extasy. Oui, y'a des riff thrashy, Buzzo singe Hetfield avec classe, mais ça sent le Rock sudiste derrière, de façon inexplicable (comme tout le reste du disque, d'ailleurs, qui porte cette teinte redneck irrésistible). Chœurs conquérants, breaks à suspense, tout y est. Ça part dans tous les sens, certes, mais tout est là pour te porter haut, loin, tout là-haut.

L'extase, certainement. Extase d'un morceau tellement épique, une aventure démente de 4 minutes 44 secondes, où, jusqu'à la dernière note, tu ne seras pas au bout de ta surprise. Les Melvins font leur loi, loin des conventions, loin des complexes, libres comme le putain de vent.

Pfffuit.

 

« Goose Freight Train » est un Blues psychédélique retenu qui résume bien l'harmonie dans la dualité céleste-terrienne, évoquée dans mon introduction. Ça commence sous le porche en tapant du pied assis dans le rocking-chair, avant que la chose ne se gonfle tranquillement comme une baudruche qui partirait en reconnaissance vers les extra-terrestriens. On y trouvera des instants de rêveries où les passagers de la baudruche géante, drogués sans leur consentement, commencent à trouver très désirables les femelles aliens dotées de quatre vagins dentés. With teeth... si t'es détendu, tu ne risques rien. Là, je te donne le secret de la pratique du vagina dentata, dis merci.

Baudruche toujours, « Shevil » est une planerie cotonneuse avec des petits sons étoilés en arrière du mix, fais de beaux rêves et enchaîne, à l'occasion, avec « Skin Horse » sur l'album « Stag » [Atlantic/1996], ça sera parfait pour mourir en paix.

 

Les explosions Thrash punky parsèment l'album comme des teignes jubilatoires, à l'image de ce « Sweet Willy Rollbar » conduit par des riffs tueurs et un Buzzo qui chante comme un pitbull. Dans une autre nuance de teinte coléreuse, la Noise porcine de « Magic Pig Detective » cache derrière elle un de ces morceaux outrés que les Melvins affectionnent tant, entre Rock, Punk et Metal de Texans mutants.

 

Je n'ai pas encore parlé de mon petit précieux, mon favori, mon morceau-gigolo qui est toujours d'accord, cette douce douceur qui possède assez d'amertume et d'épices pour  rester stimulante. Une gorgée de bourbon sec, deux de bière fraîche, un grand snif de poppers et c'est parti pour « Roadbull ». L'assaut basse-batterie-chant, double pédale en ventilateur avant la fin héroïque sur le champ de bataille, l'homme-tambour marche au milieu des morts et les infirmiers s'agitent comme des mouches autour des plaies. Nous avons combattu et nous avons gagné, nous avons souffert mais la guerre est à nous, mes frères. Oui, ça se termine effectivement en marche militaire (ce n'est pas une image), avec sifflements en chœur. Beau comme un coucher de soleil en pleine guerre de sécession.

Crover fini seul en decrescendo à la caisse claire puis « At The Stake » commence l'air de rien, avant de te faire sombrer sous l'effet d'une pesanteur venue d'ailleurs: larsens tournoyants, basses qui te retournent le bide. A écouter vraiment fort pour ramper dans ton appartement, la tête dans une bassine, la queue à l'air. Perversité suintante, malaise profond, ce titre est une chose caoutchouteuse qui tient autant de la pieuvre que du serpent constricteur.

 

Rayon de soleil dans ta torpeur, « June Bug » est un bel instrumental qui avance vite, basse-batterie super Rock'n'Roll, vivace et lourde, alors qu'une guitare aérienne vient se poser dessus comme une fleur. Bon, ça repartira dans le pseudo refrain, sans chant mais avec énervement de la gratte, qui foutra un coup de pied au cul supplémentaire au galop plombé.

Petit concours: trouve la définition de « galop plombé » et gagne mon admiration temporaire (je suis amnésique).

 

Le groupe en superbe forme t'achèvera avec neuf minutes de lignes de basse paresseuses, parsemées de quelques coups percussifs aléatoires, à la Crover minimaliste (encore plus de silence que d'habitude), et de quelques sons fantomatiques, voix beuguées dans l'écho et la réverbération, nappes mononotes, crissements et bourdonnements.

Bonne nuit avec « Lividity » (si tu n'as pas picolé, sinon tu seras malade, tu es prévenu)!  Gare aux mauvaises surprises si tu t'endors avant la fin, car ces musiciens sont farceurs...

 

Voilà, écoute ce disque, écoute-le bien, ne t'arrête pas à son apparente brutalité épaisse, tout est finesse ET sauvagerie, ici: entre le cygne de la pochette et l 'anaconda de « Bullhead ». C'est un modèle de l'art de la composition Rock (mouah-ha!, les GRANDS mots!), avec une approche à la fois Pop (mélodies, arrangements subtils) et avant-gardiste. Un grand-écart improbable, mais cela reste un modèle d'équilibre. C'est une fresque opulente et généreuse, fourmillant de détails et d'inventions, de contre-sens et de champs lexicaux multiples. Les sous-entendus sont légions et honneurs, et la poésie réside dans la fleur sur le fumier.

 

De la grande musique, en somme.

 


 

photo de El Gep
le 09/10/2011

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