Moron Police - A Boat on the Sea

Chronique CD album (35:33)

chronique Moron Police - A Boat on the Sea

Quels sont les meilleurs groupes de Fusion apparus depuis le début du millénaire nouveau?

 

A cette question, il y a encore un an, je répondais systématiquement – de manière spontanée, sans tenter d’être exhaustif – Osaka Punch et Moron Police. Parce que, même s’ils ne pratiquent pas stricto sensu ce Funk / Rap / Ragga Metal qui a été fortement à la mode aux US à la fin du siècle dernier, les deux formations répondent complètement au cahier des charges de la bonne humeur et du métissage musical qui sont les fondements de ce genre à la croisée des styles – ou de ce style à la croisée des genres, si vous préférez. Et c’est peu dire que l’écoute de Voodoo Love Machine, Death Monster Super Squad ou Defenders of The Small Yard collent une banane format plantain!

 

Vous imaginez donc l’effervescence du lapin à l’annonce de la sortie de A Boat on the Sea, le tant attendu 3e album des Norvégiens. D’autant que l’artwork annonçait haut et fort que les Nawakeries bondissantes allaient encore être de la partie!

 

… Mouais, j’aurais dû me méfier et réaliser que la palette utilisée pour la pochette était un peu trop bleu-rose pastel, et les monstres y figurant un peu trop gentiment naïfs pour que ça pétille à la hauteur de mes attentes. En même temps il faut reconnaître que la page Bandcamp du groupe annonce clairement la couleur:

 

« This time they've eschewed their metal origins and focused on a progressive rock/pop sound… »

Autrement dit:

« Cette fois ils ont abandonné leurs racines Metal pour une musique plus Rock/Pop … »

 

Voilà voilà voilà…

 

En même temps cela pourrait ne pas être bien grave. Après tout pas besoin que ça beugle et que ça blaste pour que la musique soit bonne: le dernier Leprous nous l’a brillamment démontré. Le problème c’est que la dimension Youpi-Youpla-Taratatsoin, qui passe très bien chez les groupes de Fusion/Nawak qui riffent dur et se la jouent psycho/cartoon, transforme vite les meilleures intentions en soupe au sucre s'il n’y a pas d’élément solide en face pour faire jouer l’effet de contraste. Sans crocs ni griffes, le Moron Police 2019 propose l’équivalent de la B.O. d’une prod Walt Dis-niais – pas les cartoons farfelus et trépidants qui ont fleuri après la sortie de Shrek, non. Plutôt les beignets tièdes et gnangnans qui sentent fort l’écœurante morale catho-ricaine, avec la gentille princesse qui tricote à la maison tandis que le beau prince brave courageusement le danger. Quoique les Norvégiens ayant gardé des ressorts sous leurs chaussures, il serait plus juste de comparer A Boat on the Sea avec un Qui veut la peau de Roger Rabbit où Panpan (cf. Bambi) tiendrait le rôle principal. Bref: ça manque sacrément de mordant.

 

La chaude coulée « Hocus Pocus » annonce d’entrée la couleur: l’édredon est épais, les peluches duveteuses… Pas le moindre coin saillant pour que ça pique la curiosité, que ça gratouille la nuque ou chatouille les zygomatiques. Et si le début de « The Phantom Below » voit le groupe tenter de nous réveiller via une magnifique floraison lead en forme de généreuse corne d’abondance, l’élan est vite brisé – dès la 13eme seconde – par un synthé qui donne l’impression que défile le générique de Mon Petit Poney couplé à des ambiances La Croisière s’amuse. Et que dire de « The Invisible King »? Tout mignon, tout concon…

 

Mais qui a chouravé la colonne vertébrale du groupe nom de dieu?

 

De fréquents faux airs de Toehider béat nous permettent cependant de voir d’un œil bienveillant un certain nombre de morceaux. Comme ce « The Phantom Below » dont le côté épique et merveilleux rappelle un peu les cartooneries de Children of the Sun. Comme l’ambitieux et fourmillant « Isn’t It Easy ». Ou comme « Captain Awkward », qui constitue un bon trait d’union entre cet album et le précédent en remontant un peu le niveau de folie. Mais la bonne humeur et les quelques moments plus vitaminés n’arrivent pas à faire oublier cette overdose de chamallow rosâtre. Ni cette désagréable impression d’avoir déjà entendu le début de « Beware The Blue Sky » sur l’opus de 2014. Du coup j’ai à peine le courage de vous parler des petits plus, comme ce saxo, cet accordéon (dirait-on), ces arrangements touffus, et le titre bonus « Sugar Tits (on the Radio) »…

 

Alors ne vous méprenez pas: l’album n’est pas mauvais du tout si l'on est fan de Pop / Prog rose et joyeuse. Mais pour quelqu’un qui plaçait le groupe dans la même division que les Osaka Punch et 6:33, le ton dorénavant adopté est bien trop roudoudou et inodore. Et la déception, logiquement, amère.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: sur Defenders of The Small Yard, Moron Police n’était que gouaille bondissante, espièglerie patonnienne et truculence riffée. Sur A Boat on the Sea, le groupe a vidé un grand sac de sucre dans ses Chocapics, a raboté tout ce qui dépassait sur ses guitares et a fini par obtenir le tampon « Tous publics ». On retrouve certes la patte joviale typique du groupe, mais le net virage Pop rose-bonbon nouveau donne l’impression que la direction artistique a été déléguée au staff de Disney. Nom d’un chien, je suis en deuil…

 

photo de Cglaume
le 06/12/2019

3 COMMENTAIRES

8oris

8oris le 06/12/2019 à 10:49:12

J'ai eu l'impression d'écouter un compilation "Le Top des Tout Petits", ce choc nostalgique.
Acidulé à souhait, clairement mais pas mal foutu pour autant. The Dog Song sonne à mort comme un générique de séries des années 90!
Mention spéciale pour la pochette, ca doit être le double "bénéfique de Paul Romano, le type responsable des pochettes de Mastodon.

nipalvek

nipalvek le 09/12/2019 à 09:01:22

Émotionnellement parlant, il est compliqué d'expliquer le ressenti que j'ai avec l'album. Si je dois faire un parallèle, c'est un peu comme avec Noël, les rues sont belles et éclairées, ça sent la sucre,avec en main une christmas beer le sourire aux lèvres. Et d'un coup, quelqu'un te bouscule, renverse ta bière et en perdant l'équilibre ton pied fini dans une bouse de rennes. À ce moment là tu chies sur Noël et la seule envie qui te vient à l'esprit est de rentrer chez soi d'aller lire l'intégralité des romans de Thomas Harris.

cglaume

cglaume le 09/12/2019 à 17:29:41

Haha, excellente métaphore :D

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