Muchos Backflips! - Curtains i Tell You

Chronique CD album (36:22)

chronique Muchos Backflips! - Curtains i Tell You

Mais dites-moi, c'est que ça commençait à faire un bail qu'on n'était pas allé scanner les fins fonds de Bandcamp pour y dénicher notre dose d'improbables gourmandises zarbo-métalliques! Soumis aux incessantes injonctions de l'actualité, on a parfois un peu tendance à oublier que c'est en enfilant notre combinaison de spéléologue musical et en se rendant dans les grottes les plus underground qu'on fait certaines des plus belles rencontres. Tiens, par exemple: c'est lors de l'une de ces expéditions avec lampe frontale et baudrier que l'on s'est finalement retrouvé à faire des saltos arrières d'allégresse suite à la découverte de Muchos Backflips!. Car figurez-vous que la formation texane a décidé de ruiner ses chances de remporter un Grammy Award en composant une musique aux prétentions clairement cinématographiques mêlant Metal et Jazz cuivré dans un mode majoritairement instrumental qui n'est pas sans évoquer Secret Chiefs 3 et Shanghai. Parmi les influences revendiquées par ces joyeux lurons, nombre de compositeurs de B.O., ainsi que Frank Zappa, Ween et Mr. Bungle... Bah oui, forcément: si l'on se lance dans ce genre d'explorations souterraines, ce n'est pas pour vous ramener le Post-Djent Progcore que n'importe qui peut dénicher en se baissant au coin de la rue!

 

En bons farfelus nawakophones qu'ils sont, les Muchos Backflips! commencent leur récit en brouillant délibérément les pistes, les trente premières secondes de « El Zilcho » sonnant comme du bon vieux Punk Rock de l'école Epitaph tout juste tempéré par un peu de saxo discret. Mais le morceau retombe vite en territoire bunglien en faisant se succéder épisode lounge jazzy, Metal venteux, Rockabilly et vastes décors de western tarantinesque. Et l'on sent que c'est véritablement ce dernier aspect qui fascine le plus le groupe, ses compos – bien qu'instrumentales – ayant cet indéniable aptitude à raconter des histoires. On file donc à travers le désert en décapotable avec de pleines valises de billets verts dans le coffre, on boit des Martini en compagnie de James Bond, on se tape des trips 80s rétro sur les génériques des grand succès de Gérard Oury et Philippe de Broca... C'est la fête au petit comme au grand écran! Les ambiances varient notamment en fonction de l'usage qui est fait des cuivres, les trompettes mariachi faisant jaillir des cactus, les saxo bluesy laissant des cigarettes se consumer dans de vieux cendriers, tandis que les chromes brillent et les costumes blancs resplendissent quand jouent les fastueuses formations de Broadway.

 

Néanmoins les Américains ne se laissent pas empaqueter aussi facilement dans une formule prête-à-porter, et partent parfois sur des trames musicales plus tressautantes, plus fiévreuses: d'où parfois de faux airs de Kong – sur le court « Night Blaster », ou à 5:11 sur « Fortress of The Frogs ». Par ailleurs ceux-ci ne s'interdisent pas complètement l'utilisation de leurs cordes vocales. Et sur le début du morceau-titre c'est un chant féminin vaporeux qui nous ramène au cœur du The Ultraviolent de Shanghai, avant de laisser le micro à un petit-frère très convainquant de Mike Patton. Mais c'est encore sur « Bullridin' » que ce dernier parallèle est le plus flagrant, le morceau n'étant ni plus ni moins qu'un véritable tube, à la fois lancinant et envoûtant, qui aurait toute sa place sur la setlist d'un concert de Faith No More.

 

Et à vrai dire on ne serait que béatitude et excitation frétillante à l'écoute de Curtains i Tell You – 2e album du groupe, damned, je ne vous l'avais pas encore dit – si l'album ne se terminait pas sur un « Afta Afta » long et brumeux, au va-et-vient bien peu énergique. Il est un peu dommage que la formation ait décidé de clore son récit sur pareille douce léthargie: on aurait préféré de ces accents épiques qui prennent aux tripes et font regretter de devoir quitter l'univers du film, ou un final pétillant en forme de feu d'artifice, genre De Funès et Travolta hilares s'enfuyant en hélicoptère, à l'horizon, vers de nouvelles aventures. Mais malgré ce petit coup de mou de fin de bobine, je ne peux que vous inviter à dépasser l’appréhension naturelle causée par cette drôle de pochette pour vous faire une « dernière séance » en compagnie de Muchos Backflips!: vous verrez que les sièges rouges sont incroyablement confortables et le pop-corn idéalement caramélisé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: si vous vibrez pour le Secret Chief 3 le plus cinématographique ou le Shanghai de The Ultraviolent, le 2e album de Muchos Backflips! va se sentir comme chez lui au creux de vos oreilles. Surtout qu'il recèle en ses Nawak recoins un délicieux « Bullridin' », véritable petit tube que la muse de Faith No More a dû faire tomber ici par inadvertance.

 

 

photo de Cglaume
le 16/12/2019

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