Solefald - World Metal. Kosmopolis Sud

Chronique CD album (50:15)

chronique Solefald - World Metal. Kosmopolis Sud

Martellement binaire sur les extrémités aigues d’un piano guilleret.

Accords ténus mais lumineux d’une guitare complice.

Chœurs enjoués de hippies distribuant des « Yeah-i-yeah » à la ronde, fleurs dans les cheveux, senteurs de patchouli...

 

… Euh: Solefald c’était pas censé être un groupe catalogué Black metal? OK, « avant-gardiste » le black, mais quand même! Parce que sur World Metal. Kosmopolis Sud – 8e album annoncé dès 2014 par l’EP Norrønasongen. Kosmopolis Nord –, on se promène plus souvent dans la Tour de Babel de Secret Chiefs 3 que dans les sous-bois malfamés de Carpathian Forest.

 

Ah, une gorge vertement raclée vient rapidement faire son trou au milieu de la mêlée, sur fond de gros riffs metal plombés. Là, c'est déjà plus conforme à l'emballage. M’enfin cela ne fait en rien fuir l’armée de zazous qui s’escriment joyeusement dans le campement communautaire servant de théâtre à ce 1er titre, et où arrivent rapidement – plus on est de fous, plus on s’poile! – une bonne grosse lichette de pur techno, du piano rock, des élans symphoniques, des percus excitées, ainsi que des parties de metal/indus martialement teutonnes à la Rammstein / Die Krupps. Ou disons plutôt "à la Die Apokalyptischen Reiter" histoire de mieux coller à la touche euphorique et (très) lointainement black metal de la chose.

 

Le truc c’est que cette joyeuse foire d’empoigne n’est pas qu’une Auberge Espanorvégienne désorganisée: « World Music with Black Edges » est un monument de presque 8 minutes qui s'avère aussi excitant que puissant, aussi catchy que funny. Mais oui.

 

Bon, si l’on élude l’interlude ethnique ouvrant « The Germanic Entity », on pourrait un temps croire que sur le 2nd morceau, le groupe redonne un coup de barre à droite afin de retrouver le cap d’un metal extrême scandinave qui se contente d'être raisonnablement aventureux. Sauf qu’au milieu d’arabesques mélodico-épico-prog particulièrement chiadées (des membres de Borknagar et In Vain sont venus épauler Cornelius et Lazare le temps de ce nouvel album) ressurgissent à nouveau des parenthèses tribalo-what-the-fuck ainsi que des breaks limite dubstep pas piqués des hannetons. Et attention les yeux: le coup du lapin « Bububu Bad Beuys » va bientôt assommer les derniers traditionnalistes restés accrochés jusqu’ici.

 

Bordel le choc!

 

C’est qu’autour d’un pur riff black majestueux, Solefald y balance les cris primaux d’un Zavata ayant perdu ses esprits et dansant nu autour d’une marmite dans laquelle un missionnaire médusé cuit à feu doux. Et c’est bientôt toute la tribu qui vient soutenir de ses « Bubu Bad Beuys » et de ses « Hey Hey! » un metal acéré mais sautillant aussi enthousiasmant qu’une version sévèrement couillue du « Good Bye Sober Day » de Mr Bungle. Attendez que je vérifie. Si si, c’est bien le nouvel album de Solefald. Mais je vois que nos loustics ont été en partie enregistrer ce nouvel album en… Tanzanie! Et qu’un artiste renommé de Zanzibar y joue de la kalimba! Tout se tient, donc… Et nom de nom: que c’est bon! C'est cool du coup: on va pouvoir ressortir l’appellation « Nawak Black » du fond de notre chapeau – que cette trop rare étiquette n'avait pas quitté depuis la sortie du In Somniphobia de Sigh et, plus loin encore, du « The Lady And The Dormant Sponge » de Carnival In Coal. Puis, de pop dark électro-goth en épopées théâtrales afro-franco-scandinaves, le groupe continue d’affirmer sa différence pendant encore au moins 2 titres, ceci avec bonhommie, pertinence et éclat (si si: à la fois avec bonhommie et éclat!).

 

Par contre, grisé par l’euphorie d’une telle échappée frapadingue à l’extrême limite des frontières du metal extrême d’obédience scandinave, on se sent un peu trahi quand, sur les 3 derniers morceaux, le groupe s’en retourne progressivement vers les brumes héroïco-expérimentalo-mélancolique à travers lesquelles on a l’habitude d’admirer les fjords de l’école « post-blablah» / avant-garde / prog norvégienne. C’est qu’on ne sait pas trop comment interpréter ce revirement final: ultime sursaut visant à ne pas définitivement perdre des fans salement malmenés? Prise de conscience d’avoir été trop loin? Pied de nez final à la logique et aux auditeurs qui pensaient avoir compris la direction prise par ces artistes sans limites? Grille de lecture alternative permettant de rechausser les lunettes de l’analyste sérieux et de balayer d’un revers de main le nez rouge arboré en début de tracklist?

 

Il nous faudra attendre interviews et albums suivants pour espérer trouver des réponses à ces questions. En attendant on éliminera rapidement toute trace d’amertume en se repassant ce World Metal. Kosmopolis Sud surgi de nulle part alliant le meilleur de la fusion-pétage-de-plomb et du metal extrême majestueux à la scandinave. Parce qu’un coup de Bububu ça fait du bien-bien-bien par où ça pa-pa-passe, crénom!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courteWorld Metal. Kosmopolis Sud allie l'enthousiasme frais d’influences africaines, des langueurs mélancoliques aussi folk que prog, l’efficacité d’une électro déteignant sur les parties metal jusqu’à les indus-sifier profondément, et la puissance épique de réminiscences black metal glacées, pour s’aventurer aux confins du « Nawak Black ». Quoiqu'on hésitera à dégainer cette appellation, la fin d’album s'en retournant finalement sous la couette brumeuse des fjords éternels…

photo de Cglaume
le 24/02/2015

5 COMMENTAIRES

Margoth

Margoth le 24/02/2015 à 11:05:56

Haha, Solefald. Rarement un groupe ne m'aura valdingué vers autant de sentiments contradictoires durant la phase d'apprivoisement avant qu'elle ne finisse par l'adhération totale. Découvrir un de leurs albums, c'est toujours une grande épreuve pour nos pauvres petites tripes imbibées, la phase de montagnes russes émotionnelles est telle qu'il y a intérêt de ne pas avoir de base le mal des transports. Et même lorsqu'on connaît, c'est toujours le même processus tant les bougres arrivent à aller encore plus loin dans leurs trips à chaque nouvelle galette... Ce qui encore le cas ici. A chaque fois, on se dit qu'ils ont été au bout de leurs délires et à chaque fois, ils arrivent à tirer d'autant plus la corde, au point où l'on se demande s'ils n'arriveront pas à toucher un burn-out de folie nawakienne schizoïde sans retour. Mais non, ils ne font que le caresser du bout des doigts. Bref, bien que l'effort est conséquent, se pencher sur Solefald vaut franchement le coup. Et ce n'est pas mes pattes qui prennent des allures de spaghettis à chaque fois qu'elles entendent le riff jazzico-cirquesque irrésistible du refrain de "Vitets Vidd I Verdi" du précédent album long format qui diront le contraire.

Xuaterc

Xuaterc le 29/03/2016 à 19:39:36

La kro que je me suit fait chiper... Et bien d'accord avec toi Margoth. sur tout, et surtout ta dernière phrase

cglaume

cglaume le 30/03/2016 à 07:01:28

Chronique-nous le reste de la disco pour compenser mon Xuxu !

Xuaterc

Xuaterc le 30/03/2016 à 09:04:55

Ne me tente pas...

Xuaterc

Xuaterc le 22/08/2016 à 10:51:04

Et voilà ce que j'écrivais, avant de connaître la chro de Lapinou

Cela fait bien longtemps que le trve black-metalleux, quand il apprend la sortie d'un nouvel
album de Solefald, court se réfugier au plus profond de sa grotte pour n'en ressortir qu'au son de
Carpathian Forest. Pourtant certains indices pourraient laisser un (maigre) espoir (origine du groupe,
année de fondation, pedigree des musiciens...). Mais être fan de Solefald, relève presque de l'emploi à
plein temps, avec une fiche de poste rigoureuse et très précise. Parmi les qualités requises, on trouve
en vrac l'ouverture d'esprit, la patience, l'oreille musicale, l'humour (oui, oui), la passion et un côté
arty prononcé. De sortie en sortie, l'auditeur est brinquebalé de tous côtés, ne sachant jamais sur quel
pied danser dès qu'un nouvel opus est en gestation. Et World Metal Kosmopolis Sud ne déroge pas à
la règle. Loin s'en faut.
Pour ce millésime 2015, Cornelius et Lars ont fait plus que repousser les barrières d'un genre
dont ils ont toujours été parmi les fleurons, ce metal d'avant-garde dont beaucoup se réclament sans
en avoir toujours compris les tenants et aboutissants. Il ne suffit pas de placer des nappes de claviers
grandiloquentes ou décalées, de mélanger avec plus ou moins de bonheur les genres, d'alterner les
plans les plus incongrus les uns que les autres ou balancer des pouët-pouët à qui mieux-mieux. Ça, les
deux norvégiens l'ont bien compris et nous le prouvent une fois de plus. L'appellation « World
Metal » est ici sans conteste, amplement justifiée. Tout au long de l'album, au sein d'une même
chanson, on retrouve des éléments aussi divers que des riffs typés BM, des choeurs wagnériens, des
vocaux arrachés, des beats techno, des passages dubstep, des ambiances orientalisantes, des percussions
du Zanzibar, et j'en passe.
Le parfait exemple est le morceau qui ouvre l'album, World Music with Black Edges, dont le
titre est une référence à la manière dont le groupe décrivait sa musique à la sortie de son premier
album en 1997 « red music with black edges ». A lui seul il synthétise la presque totalité des éléments
qui vont faire la richesse musicale de cet opus, tout en montrant la maîtrise des deux musiciens.
Loin de juxtaposer bêtement les plans, ils nous livrent des morceaux rondement ficelés, cohérents et
qui finissent par rester dans la tête et que l'on se retrouve à siffler sous la douche après plusieurs
écoutes. A mesure qu'avancent les morceaux, on prend conscience du travail minutieux apporté à la
musicalité du tout, de la richesse des harmonies, vocales et musicales, et du degré d’expérimentation.
A ce niveau, World Metal se rapproche, dans l'esprit, de Neonism., si on veut trouver un point de
comparaison avec la discographie des Norvégiens. Mais, si on tend bien l'oreille, on peut retrouver
nombreux détails rappelant aux autres albums du duo, voire même certains projets parallèles (Age of
Silence ou Sturmgeist). Seul manque à l'appel (et je le regrette) le saxo, présent depuis In Harmonia
Universali, et qui apportait une touche rock prog 70's.
Les paroles de l'album sont en parfaite adéquation avec la musique, un vrai melting-pot en
anglais, norvégien, français, allemand et une sorte de version abâtardie de langue de Shakespeare sur
Bububu Bad Beuys (du gringoism?). Le concept, comme l'a indiqué Cornelius et comme cela est
déclaré dansWorld Music with Black Edges, est largement inspiré du Third Rebel Regiment, « a grey
think tank », un forum de discussion visant à « explorer des nouvelles frontières esthétiques et
conceptuelles en matière de metal depuis novembre 2010 ». En terme sujets abordés, on retrouve donc
une affirmation de cette volonté constante d'exploser les dogmes étriqué du metal traditionnel, mais
aussi des thèmes beaucoup plus personnels ainsi que des poèmes écrits par Cornelius.
En terme de son, l'album a été enregistré dans divers studios à travers le monde (dont le
fameux épisode au Tanzanie avec les poulets). Jamais un album de Solefald n'a si peu sonné BM, mais
ce qu'il a perdu en agressivité, le groupe l'a gagné en majesté et puissance.
Comme je l'écrivais par ailleurs pour décrire World Metal Kosmopolis Sud, on a là une
grande dose de "Fuck you attitude" et de rien-à-branler dans un costard queue-de-pie / noeud pap'.

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