Toehider - To Hide Her

Chronique CD album (47:20)

chronique Toehider - To Hide Her

Avec le tour de force 12in12 qui aura vu le groupe sortir 67 morceaux en l’espace d’un an, ceci au rythme d'un EP par mois, la cocotte-minute Mike Mills – omniprésent leader de Toehider – aura réussi à évacuer suffisamment de vapeur créatrice pour aborder son 1er album avec la tête froide et une réputation déjà bien assise. Plus besoin d’en mettre plein la vue. Plus besoin de s’arracher les cheveux pour établir une tracklist qui réussisse à proposer un ensemble cohérent définissant clairement la personnalité du groupe. Bref, plus besoin de chercher désespérément à s'affirmer: le train Toehider file déjà à bonne allure sur des rails menant sa traine de fumée et son sifflet espiègle vers des horizons joliment ensoleillés.

 

D’où un opus moins tape-à-l’œil, moins over the top que les EPs les plus jubilatoires du dodécalogue achevé l’année précédente. D’où, en cascade, une petite déception lors de la 1ere écoute. Mais légère, hein, la déception. Car dans des sphères metal / rock prog un peu différentes de celles où s’active Devin Townsend, Mister Mills possède la même qualité: que ce soit au sein d'un univers bondissant et follement survolté, ou dans la contemplation de vastes paysages musicaux respirant la sérénité, l’homme jouit d’une inspiration apparemment intarissable, qu'il emploie à écrire tube sur tube. Ce qui fait que, même si nos attentes stylistiques initiales ne sont pas comblées, pauvres bougres que nous sommes, nous nous retrouvons bien vite convertis de force par des morceaux à l’accroche incroyable.

 

Mais lançons-nous dans un tour du propriétaire, histoire de mieux cerner en quoi ce nouvel édifice demeure un sacré bon sang de monument (tu le sens, dis, mon champ lexical de l’immobilier?) – et ce malgré des choix moins extravagants qu’à l’accoutumée, ainsi que quelques rares vices cachés justifiant la relative tiédeur de la note figurant juste là, sur la gauche.

 

Commençons par les mauvaises nouvelles: si vous serez sans doute contents d’apprendre que Mike garde ici certains des automatismes qui constituent sa marque de fabrique, ce n’est malheureusement pas toujours pour le meilleur. Ainsi, si la traditionnelle intro répond bien présent à l’appel sur les 30 premières secondes de « Oh My God, He’s An Idiot », cette morne complainte électro-acoustique n’évoque rien d’autre que neurasthénie et matin humidement gris. Nul réveil en mode Merinos / Zest Citron / Benco pour démarrer l’album sur un trampoline. Pire encore, à l’autre bout de ces 3 gros quarts d’heure, Mike nous rejoue une sale blague à la 9 /  « I Can’t Help But Follow It » (Do You Believe In Monsters?) en balançant quasiment 7 minutes ambiantes constituées d’interférences stridentes et autres nuisances inconfortablement noisy. Non mais pourquoi tant de haine, hein? Autre source de frustration (moindre), « There’s A Ghost In The Lake » est une longue plage mélancolique pas fondamentalement mauvaise – non non –, mais globalement trop chamallow pour mériter d’être étirée sur une telle longueur. D’autant que ce manque de vigueur se prolonge sur les 4 minutes de « Giants Who Walk With Men » qui, malgré de légers accents Queeniens, reste un peu trop apathique.

 

Pour le reste, c’est surtout du bonheur, même si le feu qui brûle dans cet album est plus proche de celui d’une cheminée au coin de laquelle on se réchauffe le cœur et les pieds, que de celui – d’artifice – qui allume un incendie coloré au firmament d'une nuit d'été. « Oh My God, He’s An Idiot » en est un bon exemple, ce morceau particulièrement dépouillé brillant surtout par la prestation vocale de Mike, tout en puissants trémolos. « The Most Popular Girl In School », nous vous en avions déjà parlé lors de la sortie de Smash It Out!: la facette « Hollywood High School Rock » du groupe s’y mêle à de sympathiques emprunts à l’héritage de feu Queen. Miam. Mais le meilleur reste à venir, et ceci dans un registre "Sérénité et Plénitude" provoquant chez l’auditeur des émotions proches de celles ressenties à l’écoute de Terria ou Synchestra (du père Devin). Comme sur « Daddy Issues », qui marie metal / rock prog et caresses au piano à la – attention, ça va surprendre – Elton John / James Blunt. Dit comme ça, je sais, ça fait peur. Mais le résultat est fabuleux.

 

D’autant que l’enchaînement sur « In This Time » finit tout à fait de nous faire fondre. En effet ce dernier morceau nous promène en mode électro-acoustique à travers les clairières lumineuses et les vastes espaces sauvages, avant de bifurquer par les Andes lors d’un virage imprimé par des percussions légères et un flutiau sud-américain. On plane… Puis le morceau-titre déploie un hard rock proggy hyper accrocheur et légèrement teinté de sonorités synthétiques. On récupère ensuite le fil des compos enthousiasmantes sur « Fireside », compo acoustique fredonnée au coin du feu dont les parfums évoquent la country et le Ufych de All Stars. Dernière pièce justifiant la fébrilité habitant le présent chroniqueur, « Everybody Knows Amy » est un pur morceau de punk rock hyper enthousiaste en forme de clin d’œil à la bassiste du groupe.

 

To Hide Her n’est peut-être pas le chef d’œuvre inattaquable qu’on aurait pu attendre après l’effervescence créatrice et le génie développés sur les 13 EPs précédents. Moins foufous, plus sereins, les australiens nous proposent un album qui, finalement, rappelle un peu In All Honesty – EP qui reflétait fidèlement la personnalité du groupe, mais sous son jour le plus ensoleillé, le plus insouciant. Au final, la seule information importante qu’il faut vraiment retenir, c’est que la « Mike Mills touch » – inventivité & accroche démentielle inclues – est bien ici au rendez-vous. D’où joie. D’ailleurs il aurait sans doute fallu commencer par là.

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Sur To Hide Her, Toehider apparait plus serein et apaisé que ce à quoi la saga 12in12 nous avait habitués. Le metal / punk rock / prog des australiens prend ici une couleur qui en fait  – si l’on procède à une comparaison Devin Townsendesque osée – le Synchestra de leur discographie.

photo de Cglaume
le 06/12/2013

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