Vicious Hairy Mary - Orchestra Phantasma

Chronique CD album (41:48)

chronique Vicious Hairy Mary - Orchestra Phantasma

Tout là-bas, de l’autre côté de la Grosse Baballe Terrestre, il n'est pas rare que l’on entende parler de « Circus Metal » quand sont évoqués ces groupes auxquels l’exécuteur testamentaire de feu Mr Bungle a légué une part de l’héritage stylistique parental. Vous qui parcourez ces lignes, il y a des chances que ce soit plutôt l’étiquette « Nawak Metal » (appellation pourtant aussi officielle que Shrek est roux) que vous dégainiez pour évoquer cette frange frapadingue de la famille metal. Sauf que pour le coup, dans le cas d’Orchestra Phantasma, 1er album des Australiens – tiens donc? – de Vicious Hairy Mary, « Circus Metal » décrit particulièrement bien le style pratiqué. C’est que, dans la grande tradition Bunglienne, c’te grosse vicieuse de Mary ne se sent vraiment à son aise que dans les ambiances foraines assaisonnées d’un soupçon de folie, de frissons horrifico-burlesques et de l’énergie bondissante des musiques traditionnelles d'Europe de l'est. Achille Zavatta main dans la main avec le Joker dans des décors d’un film de la Hammer revisités par Emir Kusturica: n’est-ce pas exactement l’image d’Epinal qui vient à l’esprit à l’évocation de l’intitulé « Circus Metal »? (Allez quoi, faites un effort…)

 

Maintenant attirons votre attention sur des considérations plus calendaires. Si vous êtes un lecteur coutumier de la maison, vous savez que sur CoreAndCo le jour du Saigneur (et du gigot-flageolets) est consacré au dépoussiérage d’antiquité. Et c’est en effet (plus ou moins) de ça dont il s’agit ici vu qu’Orchestra Phantasma est sorti en 1999, la même année que California – oui, c’est bien ça: vos associations d'idées sont tout à fait pertinentes. A vrai dire c’est toute l’activité discographique (relativement restreinte, il est vrai) de Vicious Hairy Mary qui date du siècle dernier, en des temps où Mike Patton, Trey Spruance et Trevor Dunn foulaient encore ensemble les planches. Qui plus est, outre le fait d’être sans doute l’un des tous premiers groupes ouvertement bunglophiles (vu qu'il existe depuis 1990), Vicious Hairy Mary peut quasiment être considéré comme l’ancêtre de Darth Vegas – le trait d’union entre ces 2 formations étant Michael Lira, multi-instrumentiste, compositeur et vocaliste barré récompensé à de maintes reprises pour son travail dans le domaine du cinéma et de la télé (plus d’info ici). C'est donc bien à un vénérable précurseur que nous avons affaire aujourd'hui.

 

Mais revenons-en plutôt à la nature précise des exactions musicales de cette sacrée coquinette de Marie. Si vous êtes capables de combiner mentalement le son et les ambiances de Mr Bungle et de Darth Vegas – les 2 premiers albums éponymes des groupes du même nom – avec un brin de Stolen Babies, ceci en insistant plus lourdement sur le côté « frissons dans le dos » que sur l’aspect « fusion youpi funky », vous saurez exactement là où Orchestra Phantasma se propose de vous emmener. Car parmi les 13 morceaux ici proposés, quel que soit celui que vous déciderez d’écouter, vous pouvez être quasiment certains d'y retrouver ces voix cartoonesquement fêlées, cet orgue kitch à la Charlie Oleg, ce Glockenspiel (… Xylophone? Marimba?) mutin, ce violon virevoltant, cette guitare metal pleine d’aspérités brulantes, cet accordéon décalé et ces cuivres pleins d’allant qui, quand ils font ainsi front commun, nous ramènent immanquablement sur les gais sentiers de la folie musicale. Et comme chez toute formation « sérieuse » évoluant dans ce genre à la fois foutraque et incroyablement précis, ce foisonnement instrumental étonnant est agencé avec une maîtrise impressionnante. A vrai dire la seule explication vraisemblable que l’on peut formuler pour expliquer la relative confidentialité de ces zigs par chez nous – outre leur situation géographique quelque peu excentrée –, c’est l’absence d’un ou deux titres plus évidemment accrocheurs à même de jouer les ambassadeurs auprès du « grand public ». Ainsi pas vraiment de trace d'un « Atlas Face » ici, d'un « Ha Cha Cha » ni d'un « So Close » (sur le superbe 1er album des Stolen Babies). Orchestra Phantasma offre un fourmillement musical uniformément virtuose, sans véritable tube qui vienne vous travailler l’hypothalamus sous la douche, entre le décrassage des orteils et le frottage du fessier. C’est que l’accent est ici mis sur le développement d’ambiances cinématographiques à la « Amélie Poulain dans le train fantôme » plutôt que sur l’écriture de hit singles matraquant en boucle un refrain calibré. En même temps je dis ça mais on se surprend tout de même à fredonner le « Noone knows where the puppet goes » de l’inquiétant « The Puppet », tout comme le « Pleaaaaase: watch your step » du ténébreux « The Stairs That Stare ». Et puis on retrouve chaque fois avec un plaisir non feint la piste étoilée de « Spyro », la presqu’insouciance funky de « Moon Tune », la course-poursuite cuivrée de « Big Brother » ou la fiesta hispano-balkanique de « Cuidado ».

 

Même excessivement longue et relativement claire quant au style et à la qualité de l’album abordé, une chronique se doit de finir sur une conclusion... Sinon ça fait franchement "travail de sagouin". Concluons donc: tu es fan de Mr Bungle, Stolen Babies et Darth Vegas? Banco, Orchestra Phantasma sera ton nouveau credo! L’hyperactivité musicale te fatigue et pour toi, hors du format couplet-refrain-couplet point de salut? Là par contre adios, sur Orchestra Phantasma tu vas te briser les os (ces rimes riches, à la limite de la luxuriance, vous sont offertes gracieusement, sans supplément aucun...). Alors choisis ta route Biloute!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courteOrchestra Phantasma peut être considéré comme la réponse australienne au 1er album de Mr Bungle, cette riposte émanant d'un proche parent de Darth Vegas développant par ailleurs des atmosphères « train fantôme grotesque » assez proche de l’univers des Stolen Babies. Mais c'est encore Francis qui en parle le mieux: "Petite Marie, je parle de toi, parc'qu'avec tous ces petits poils, ces petits vices aussi, tu as versé sur ma vie, du nawak qui me rend tout chose..."

photo de Cglaume
le 02/02/2014

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