Human Vacuum - Interview du 27/04/2015

Human Vacuum (interview)
 

Dites-moi les zaspis : cette marelle sur la pochette, cette sonnerie de fin de récré au début de « Enter The Playground »… Ce nouvel album n’est ni plus ni moins qu’un trip régressif et ludique au cœur de la musique de vos années « Sauvés par le Gong », on est d’accord ?

Aurel : Tu as absolument tout compris à deux nuances près. Premièrement, ma référence absolue n'est pas "Sauvés par le Gong" mais bien "Parker Lewis ne perd jamais", série supérieure à tous points de vue. Tous les soirs avant de monter sur scène nous procédons à une synchronisation des montres. Deuxièmement, Baptiste est né en 1998 et n'a donc jamais connu "Sauvés par le gong". C'est d'ailleurs un problème dans le groupe : parfois nous faisons des références au Club Dorothée et il ne les capte pas car il n'a découvert les Musclés qu'à la mort de Framboisier. Sinon le sens des références à l'école se trouve dans les paroles de la chanson-titre.

 

Baptiste : Deux petites corrections, tout d'abord je suis né en 1988 et ensuite j'ai très bien connu “Sauvés par le Gong". On me la fait pas à moi. Par contre, j'étais en primaire. Et pour être honnête, c'est surtout ma grande sœur qui regardait vu qu'elle avait la télécommande, mais du coup je regardais parce que c'était la télé. Mais Parker Lewis c'était de toutes façons bien mieux.

 

On sait que certains d’entre vous ont écrit dans le webzine Les Eternels. On sait également que Baptiste est en train de nous mitonner un chouette cocon musical au sein de Chenille (aux côtés d’Asphodel). M’enfin côté background, vous devez avoir un peu plus que ça pour nous avoir sorti un si chouette premier album, non ?

Aurel : Je laisse Baptiste parler de öOoOoOoOoOo... Sache juste qu'à chaque fois que quelqu'un écrit le nom du groupe "Chenille" un chaton se fait violer, donc ce que tu viens de faire est très, très mal. Niveau background j'ai une culture musicale plutôt éclectique dans le sens où je viens de plein d'horizons différents. Mes parents écoutaient du classique, de la chanson française et du gospel. Au collège j'étais fan de MC Solaar et Ace of Base (je connais tout l'album Happy Nation par cœur, je prends n'importe qui dessus au karaoké), j'ai découvert le metal sur le tard. Et même dans le metal j'ai exploré plein de styles vu qu'à la base j'étais fan de power-speed-mélodico-gay avant de découvrir Korn, Machine Head, SOAD, Psykup et autres Black Bomb A. Mais j'écoute vraiment de tout, d'ailleurs j'ai été bassiste de One Last Shot qui est groupe de dust metal qui lorgne sur Motörhead et autres trucs pour bikers, c'est dire. Je pense que c'est d'ailleurs un trait commun à tous les membres de Human Vacuum, cette ouverture d'esprit musicale... Il n'y a aucun genre que nous rejetons par principe. Il n'y a que Wojtek (notre batteur) qui est à part : quand il ne joue pas du HV il n'écoute que de la musique traditionnelle polonaise. Mais c'est culturel.

 

Baptiste : Au niveau de mon background personnel, je compose depuis quelque chose comme treize ans, dès le départ dans des genres assez variés, ayant eu la chance de découvrir assez tôt plein de styles musicaux différents. Mon premier instrument est le violon que j'ai commencé à 6 ans et vers mes onze ans j'ai commencé à apprendre la guitare tout seul parce que. À côté de Human Vacuum j'ai effectivement öOoOoOoOoOo, dont l'album avance bien, j'ai aussi mes projets personnels plus orientés musique électronique voire musique 8-bit et sinon j'ai participé à quelques trucs comme l'album Ave Maria du projet de drone-doom Yhdarl, dont j'ai co-composé la première version avec Déhà avant que celui-ci ne l'étoffe et la réarrange par la suite et sur lequel je fais des chœurs, la compilation Time & Dust d'Herrschaft où deux de mes remixes apparaissent, puis d'autres trucs où je suis pas crédité parce que j'ai l'habitude qu'on me la fasse à l'envers.

(Et sinon c'est très gentil de dire que t'as trouvé l'album chouette)

 

Aurel : En termes de compo j'ai passé un temps infernal à composer des morceaux seul sur Guitar Pro, des années durant. D'ailleurs je ne désespère pas d'en faire quelque chose un jour. Après j'ai un énorme handicap par rapport à Baptiste par exemple : je ne sais pas jouer de la guitare ! Même s'il a eu la bonté de me former un minimum sur Logic histoire que je puisse mettre des idées en boîte, je ne peux pas donner de forme à un riff qui me vient tant que je n'ai pas un gratteux sous la main pour lui dire "ça fait lalalala" et tenter maladroitement de lui expliquer le truc basse en main. En termes de projets passés j'ai sorti un album autoproduit introuvable avec un groupe de hard-rock qui s'appelait Tombstone il y a quinze ans, le groupe existe toujours d'ailleurs et s'appelle désormais Alchemic Dreams. C'était à Besançon, j'étais à la basse et aux chœurs et j'avais écrit la chanson-titre de l'album, "Electric Death Frequency". J'ai été chanteur d'un groupe nivernais de néo qui s'appelait Krawn et qui n'a jamais rien sorti, mais on peut trouver du live sur Youtube en cherchant bien. Là aussi j'étais co-compositeur. En fait le seul truc officiel où on peut m'entendre pour l'instant à part Enter The Playground c'est l'EP de One Last Shot, First Gear. J'y ai pondu des plans un peu partout - le compositeur principal restant Shelby, un des gratteux - et j'ai écrit la majorité des paroles. Il y aura aussi le prochain album de Helioss, One With The Sun, où j'apparais en tant que guest au chant sur deux titres. Nicolas qui est le mastermind du groupe (et le gratteux de l'enfer qui fait le solo sur "Unicorns Represent" de HV) avait déjà écrit les textes et défini quand je devais intervenir, mais m'a laissé carte blanche pour les mélodies vocales. J'avais d'ailleurs déjà chanté (très mal) sur un de ses projets de metal extrême néoclassique prog qui s'appelait Arkness. C'était le même principe : tout était écrit sauf les mélodies vocales. Il m'avait néanmoins laissé écrire les paroles d'un titre, "Architecture of Madness". 

 

Baptiste : Ah oui et j'ai aussi parmi d'autres un projet atroce d'italo-disco avec un ami qui écrit les textes et pose des spoken words révoltants, intitulé Seme Divino. C'est plutôt infâme, langoureux et ça parle d'amour cosmique, de robots de l'amour, de cyber-computer pour retrouver l'amour dans l'espace infini du cosmos de l'amour et des Forces de l'Axe de l'amour. Enfin, j'interviens comme violoniste aux côtés d'un duo de chanson française qui se prénomme Rhuméo & Gin'ette, qui compte d'ailleurs en son sein la bassiste historique de Human Vacuum. Et ça doit être à peu près tout.

 

Étonné je suis: tout à l'heure Aurélien, tu ne citais Psykup qu'en passant, au détour d'une liste, sans poser d'offrande sur leur autel. Parce que certes, on s'est rencontré à un concert des toulousains, ce qui pourrait m'induire en RER. Mais quand même: ces gueulantes de sale môme, ces jumperies furieusement joyeuses, ces passages loufdingues... J'aurais juré que la bande de Vidda, Julien Cassarino & co était l'une de vos influences majeures... Nein ?    

Aurel : Pas vraiment en fait, même si on adore clairement Psykup avec Baptiste, en fait on adore globalement les projets de Ju et MiLKa. Manimal, Rufus Bellefleur, MOPA, la totale. J'ai un énorme faible pour Simone Choule et Baptiste overkiffe Agora Fidelio. Perso je considère Psykup comme une influence majeure de mon chant, en particulier mon chant hurlé et mes suraigus saturés... Mais c'est vocal, basta. J'ai découvert Psykup et Black Bomb A littéralement en même temps, ce sont les gars de Krawn qui m'ont initié. C'est chez Ju et Poun que j'ai chopé cette idée de hurler dans les aigus, même si fondamentalement ils font deux trucs très différents en termes de technique. Ensuite Ju a réussi à balancer des suraigus à la Townsend à partir du Temps de la Réflexion, et je me suis dit que s'il y arrivait je devais pouvoir le faire aussi. D'ailleurs au final la première fois que j'en ai sorti ce n'était pas en tentant de faire du Psykup ou du Manimal mais du Strapping Young Lad, lors d'un cours de chant où Asphodel a réussi à me faire attendre la note finale de "Bring on the Young".  Mais au niveau des riffs, des ambiances, de tout le côté musical, Psykup n'est pas du tout une influence pour HV, du moins pas consciente en tous cas. Le côté jumpy c'est parce qu'on aime le néo et le groove, les quelques rares brisures de ton c'est parce qu'on avait envie de faire du lol et qu'on s'est autorisé un ou deux passages barrés alors que ce n'est pas notre genre musical à la base. Je considère Psykup comme un groupe de barré et HV comme un groupe de fusion, et la différence est très claire dans mon esprit, mais ça c'est la question suivante. :D

 

Baptiste : Perso j'ai connu Psykup et le restant des groupes Antistatic à partir de l'album We Love You All, soit assez tardivement et grosso merdo un an seulement avant que Human Vacuum ne naisse. Mais Psykup n'entrait pas dans le "cahier des charges" qu'on s'était imposé à l'époque, à savoir de la fusion groove/gros riffs. Lorsque nous avons commencé à répéter ensemble nous jouions des reprises, afin de nous familiariser entre musiciens, de System Of A Down, Cake, Limp Bizkit et même Muse. Du jumpy, assurément pour certains, mais rien de bien loufoque. Puis il fallait apprivoiser Wojtek (notre batteur) et ne pas sortir de trucs trop beuglants tout de suite sous peine de le voir s'enfuir (il faut dire que de nous tous, c'est le moins amateur de bourrin).

 

Puisqu'on aborde votre côté loufdingue: pourquoi n'assumez-vous que du bout des lèvres votre dimension Nawak (... mais là ce n'est peut-être qu'Aurel que "j'attaque"), alors que cela fait tout autant partie de votre personnalité que le côté Nü, voire le côté Emo ? Parce que vous cherchez à vous rassurer quant au fait que la face öOoOoOoOoOo de Baptiste ne transpire pas trop sur Human Vacuum, et que tout ça ne va pas finir tout mélangé comme chez Devin T. à l'époque de PhysicistSYL commençait à déborder sur le projet solo ? On est d'accord: "HV InDaHouse", le mélange metôl/ragga, la traduction comme un pied de la lettre du titre de Limp B., la fin de "The Grain", le bordel nommé "Outro", vos photos... C'est quand même franchement nawak, au moins dans l'esprit, non ?

Aurel : Toi et moi n'avons visiblement pas la même définition du nawak/barré ! Perso pour moi l'essence même du barré c'est la rupture de ton musicale, pas l'humour. Je considère Carnival In Coal et Crotchduster (groupe fortement mésestimé, leur album Big Fat Box Of Shit est fabuleux, écoutez-le) comme du barré par exemple et c'est vrai que c'est ultra drôle... Mais les Fatals Picards c'est ultra drôle et ce n'est pas du barré, alors que Pin-Up Went Down c'est du barré et ce n'est pas drôle du tout. C'est juste ma définition hein, mais à mon sens l'essence du barré/nawak c'est l'art de la juxtaposition. C'est le talent d'enchaîner des plans n'ayant rien à voir musicalement parlant, sans fil rouge évident, et que ça colle quand même. Et ce n'est pas ce que fait HV qui n'est pas un groupe de juxtaposition mais un groupe de synthèse. L'idée n'est pas d'enchaîner des styles improbables mais de les mélanger ensemble, de prendre des éléments musicaux a priori pas compatibles et de faire un mix qui s'appelle du Vacuum. Les fins de "The Grain" et "Bienvenue" sont pour moi les deux seuls passages de l'album où nous sommes partis dans le barré, justement parce que ça n'a ni queue ni tête et que c'est fait pour. Pour tout le reste du disque on est dans la fusion à mon sens. Typiquement si tu prends l'enchaînement drum n' bass / reggae / ska de "The Grain", ce qui fait le liant c'est la ligne de basse qui ne varie pas d'un poil alors que tout le reste change. Si on écoute la progression des trois couplets de "Enter the Playground" on se rend compte qu'il y a toujours un instrument qui fait la rustine pendant que les autres bougent autour, et c'est complètement volontaire. C'est de l'exercice de style, domaine que je préfère en tant que compositeur, d'ailleurs si tu veux tout savoir en ce moment j'essaye de pondre un titre avec du tango dedans parce que fuck you. Faire des plans ragga metal perso je ne considère pas que c'est du barré/nawak, c'est juste un sous-genre. C'est une recherche stylistique, déjà explorée par Dubwar ou Skindred par exemple (ou même Lofo dans "Weedo") qui ne sont pas des groupes barrés. Quant à l'humour ce n'est pas lié au style musical en fait. C'est plus une histoire de traiter le spectre émotionnel le plus large possible et le fait est que l'humour en fait partie. "Tout s'efface" c'est déprimant, "Les gens qui parlent seuls" c'est une étude de mœurs, "Go With the Flow" c'est introspectif, "Néo" ou "La vérité" c'est drôle... Ben HV c'est tout ça. On passe du coq à l'âme, on est Lynda Lemay en fait. Au final le seul domaine où on est systématiquement dans la dérision c'est dans notre comm, sur notre site ou sur les réseaux sociaux. Et ça c'est une question de personnalité, c'est parce que Baptiste et moi sommes comme ça dans la vraie vie. 

 

Baptiste : La différence entre Human Vacuum et öOoOoOoOoOo se pose naturellement pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le processus de composition n'est pas le même, Enter The Playground est un album qui a été majoritairement composé en répétition, autant à partir d'éléments composés en amont et soumis au reste du groupe que de plans trouvés sur le vif. Le meilleur exemple, je pense, est "Neo". Aurel a ramené son texte qui existait depuis plusieurs années, lui et Alexandra ont posé la ligne de basse des couplets et tout le reste du morceau a été composé en une répète. Même si Aurel et moi sommes les principaux compositeurs, les autres ont voix au chapitre, si un plan ne plaît pas, ben on le change, et tout le monde a le droit (sinon, soyons fous, le devoir) de proposer ses idées. Les morceaux les plus récents post-album, ont beau avoir été maquettés en amont, chacun a la liberté d'y imposer sa patte propre.
Au sein de öOoOoOoOoOo, tout est maquetté et déjà très produit dès le départ par mes soins. Il n'y a qu'Asphodel et moi aux commandes et il s'agit plus d'un travail d'écriture de partition que d'un travail de groupe de musique.
Un autre truc tout con est que si j'ai une idée de riff, je vais assez vite savoir au sein de quel projet il s'intégrera le plus naturellement possible. S'il est groovy, il y a de fortes chances qu'il soit pour Human Vacuum. Pareil s'il s'agit d'une mélodie en clair avec beaucoup de delay. Pour öOoOoOoOoOo, j'ai par exemple limité mes ardeurs en terme de delay (j'adore cet effet) sur les guitares, il n'est là que pour enrober le son, là où pour Human Vacuum la manière dont je l'utilise fait qu'il est comme partie intégrante de la partition. C'est le genre de petite contrainte que je me suis posée pour éviter de tomber dans mes propres gimmicks.
Parce que bon, quitte à composer dans deux groupes différents, c'est beaucoup plus intéressant, artistiquement parlant, de bien scinder le bouzin.
Autre exemple, je pars de la guitare dans Human Vacuum, là où j'ai pu partir d'une mélodie de violon, un pattern de batterie ou de tout autre instrument dans l'album de öOoOoOoOoOo. Bref, pour la faire courte, dans Human Vacuum, ce sont mes doigts qui s'expriment de manière très instinctive et viscérale, dans öOoOoOoOoOo c'est plutôt ma tête.

 

On en parlait à l'instant-'y-a-pas-longtemps: des plans ragga metal reviennent s'inviter à intervalles réguliers dans vos compos (je compte au moins 4 passages par Kingston). Est-ce qu'à côté du "groupe revival Nü / so 90s" Human Vacuum et du groupe Nawak öOoOoOoOoOo messieurs les schizo-boulimiques vous ne seriez pas tentés de lancer un groupe à la Skindred / Bad Brains / Ninjaspy pour explorer bien à fond les possibilités de ce mélange juteux ?

Aurel : Mais et l'appropriation culturelle, pauvre fou, y penses-tu à l'appropriation culturelle ? On n'a pas le droit de faire du ragga si on n'est pas noir, c'est de l'oppression, comment oses-tu nous y inciter ? Ah... Quel concept de merde... Bref, passons. Ce n'est pas un truc qui m'intéresse perso parce que je ne considère pas le ragga metal comme un mélange plus "juteux" que le zouk metal, le polka metal ou le musette metal. C'est juste un mélange, une possibilité artistique parmi d'autres. J'aime bien le groove que ça crée, je réussis à faire une voix ragga pas trop dégueulasse donc youplaboum, d'ailleurs 'y a déjà une intro sur une chanson qu'on est en train de composer où j'en refais. Sauf que ce qui m'intéresse dans la chanson en question c'est surtout le fait que j'essaye de faire rentrer du tango dans la formule HV, pour la bonne raison qu'on ne l'a pas encore fait. Je suis toujours plus motivé par l'idée de créer de nouveaux mélanges que d'explorer ceux qu'on a déjà tentés. Si je devais avoir un autre groupe sérieux à côté de HV ce serait surtout un où je tiendrais la basse, parce que je n'en ai plus depuis One Last Shot et que ça me manque. Et quitte à faire un autre projet avec Baptiste, ce serait plus un groupe de metal ultraviolent où on serait tous les deux au chant lead en mode double frontmen. D'ailleurs à ce sujet nous [CENSURE].

 

Baptiste : Déjà, je sais pas si le terme "revival" colle forcément avec la musique de Human Vacuum. Autant pas mal de ce qu'on fait renvoie effectivement à cette période, autant on ne s'inscrit pas vraiment dans une logique d'hommage. Comme le dit Aurélien, il y a du mélange de genres, chose qui foisonnait durant les 90's, à commencer par celui du chant rappé et des gros riffs, on porte même des shorts baggy sur scène mais on essaie à mon sens de créer à notre manière, et ce sans prétention aucune, une continuité de cette scène plutôt que de bêtement y faire référence. Et ça passe du coup par une exploration des mélanges et des métissages musicaux.
Pour ma part, je ne suis pas un gros fan de ce qui est ragga et compagnie, ce n'est pas vraiment un des genres qui me parle le plus. Sur un morceau, pourquoi pas si celui-ci rend bien, mais sur tout un groupe, je me sentirais perdu assez vite je pense. Non pas que je me retrouverais en dehors de ma zone de confort, ça c'est une chose très bien qui, je trouve, fait office d'excellent moteur pour progresser. Mais si je ne suis pas friand du matériau de base, bof bof.
Petite précision au passage, je ne considère pas que öOoOoOoOoOo puisse être qualifié de "Nawak". C'est effectivement barré et expérimental, mais pas dans un esprit tagada-pouette-pouette-tsoin-tsoin. Ou disons juste cartoon pour faire plus simple, et rester dans ce que ton terme évoque. M'enfin là je suis juste en train de faire du bien à une mouche par la petite porte.

 

Aurel : Je vais en remettre une couche vu que ta chronique est sortie entre-temps et que tu y parles d'hommage : comme le dit Baptiste, nous ne sommes pas dans une optique de revival, d'hommage ou de je sais pas quoi du genre. Mais genre, pas du tout. Nous ne cherchons pas à recapturer une époque. Nous jouons juste la musique que nous aimons, que nous avons envie d'entendre, et il s'avère que c'est une musique qui renvoie par certains aspects aux années 90. Nous en avons conscience, nous nous amusons avec ça a posteriori, mais sur le moment il n'y a aucune velléité passéiste. La seule volonté consciente c'est de faire du mélange de genres en ce qui me concerne, et de faire une musique qui groove en ce qui concerne tous les membres du groupe. Mais nous ne sommes pas un groupe tourné vers le passé, et je tiens à ce que ce soit dit. C'est pas de notre faute si les gens ont arrêté de faire du néo, ces cons !

 

Baptiste, tu utilises régulièrement un gimmik consistant à balancer des leads aériens bénéficiant d'un écho certain... à la U2. Bon, tu m'as un peu grillé dans la question qui abordait les éventuels risques de débordement entre HV et öOoOoOoOoOo en évoquant ton amour pour le "Delay" (merci au passage d'initier le non technicien aux termes geek en usage), mais je recentre la question autour de ce que ça m'évoquait à moi: l'utilisation de cette technique est-elle en partie destinée à cligner de l'œil en direction de The Edge - le guitariste de U2 ? Sinon quels sont les groupes et albums qui t'ont rendu fana de cette technique ?

Baptiste : J'aime bien U2, mais ce qui me marque le plus chez eux, c'est le chant de Bono: je le trouve très bon, j'aime beaucoup sa voix et techniquement il est très fort. Le jeu de guitare de The Edge ne m'a jamais vraiment sauté aux oreilles, peut-être aussi parce que j'ai écouté le groupe très jeune et qu'à l'époque j'avais beaucoup plus la tête dans le violon que la guitare. Donc non, aucun clin d'œil de ce côté, même si tu n'es pas le premier à me poser la question. La véritable influence au niveau de mon utilisation du delay se trouve chez Wes Borland de Limp Bizkit. Lorsque j'ai écouté pour la toute première fois les couplets de "Hot Dog" (sur le plutôt moyen cool Chocolate Starfish & The Hot Dog Flavored Water) , son jeu de guitare m'a bondi aux oreilles. Ça grouillait de notes, ça bondissait (justement) dans tous les sens alors que ce qu'il jouait à la base n'est pas spécialement compliqué. Dès lors, je suis tombé amoureux de cet effet. Les mélodies se trouvent enrichies, le delay crée des réponses au sein d'une même phrase et ça permet tout plein de choses très intéressantes. J'ai tendance à avoir horreur du silence, c'est un truc qui peut être vite angoissant pour moi et là pour le coup, banco mon coco, a p'u silence, même quand j'ai cessé de jouer, les notes continuent de parler. Du coup je peux les laisser finir avant de leur répondre. Comme je disais précédemment, ici il s'agit plus de jouer avec l'effet, presque dans le sens "main dans la main", que de jouer avec un effet, c'est-à-dire juste enclencher une pédale qui ne fait que changer le son et broum vron vron ach ach krosse boum boum.
Qui plus est, comme je viens du violon, j'ai eu au départ une approche plus monophonique que polyphonique de la guitare, c'est à dire que les accords, les arpèges et compagnie ça ne me venait pas instinctivement en tête. Par exemple, sur "Les Gens qui parlent seuls", qui est le tout premier morceau qui a été écrit pour Human Vacuum (ce qui remonte à 2009), la partie de guitare sur les couplets en est un bon exemple, je le joue sur la même corde alors qu'il est tout aussi jouable en arpèges. Mais non, instinctivement, j'ai décidé de le jouer et de définir de sorte qu'on puisse entendre le delay comme il faut. En gros on aura compris que j'adore cet effet. J'en ai trois sur mon pedalboard. J'en veux plus. Toujours.
Bref, cet album de Limp Bizkit a été le déclencheur, le reste, ça a été beaucoup de pratique tout seul dans ma chambre en mettant à contribution mes vigoureux petits poignets d'adolescent.

Petit aparté concernant Wes Borland, au-delà de son utilisation très intelligente des effets, il faut aussi noter que c'est un merveilleux riffeur, dans Limp Bizkit, mais surtout dans son projet Black Light Burns, dont le premier album, Cruel Melody, est un vrai petit bijou (avec un très beau casting qui plus est).

 

Bon alors vu qu'on cause encore mélange des genres et influences, ce petit passage scratché sur "Les gens qui parlent seuls", ça ne serait-y pas un clin d'œil à Mordred ?

Aurel : Je ne connais pas ce groupe et les scratches en question sont mon idée, donc non. Baptiste, tu connais ?

Baptiste : Je ne connais pas Mordred, un coup dans l'eau, haiku dans l'eau.

Aurel : Ben voilà.

 

Vous aviez un groupe en tête (voire dans le viseur) en écrivant "Néo" ? Allez quoi: des noms des noms !!

Aurel : C'est pas dur, c'est Korn. C'est LE groupe qui a popularisé la vague des textes uniquement basés sur le mal-être du chanteur, tous écrits à la première personne. C'est aussi le groupe qui a lancé cette figure de style vocale du néo metal qui a donné le refrain de notre chanson : commencer par geindre puis laisser la colère monter en sourdine pour finalement cracher ses boyaux. Ecoute "Fake" sur le premier album, TOUTE la chanson fonctionne comme ça. Idem pour "B.B.K" sur Follow The Leader et ses "what the fuck !" en intro. Y'a des millions d'exemples dans leur discographie, et quand j'étais chroniqueur je désignais ce gimmick par le terme "je pleure/je crie"... D'où le refrain de "Néo", qui reprend ces mots tels quels. J'avais écrit ce texte 'y a des années, il était à la base destiné à Krawn mais le groupe a splitté avant qu'on ne puisse l'utiliser. Je savais quel type de groove je voulais à la batterie, on a passé des heures à définir la ligne de basse des couplets avec Alexandra à l'époque... Et surtout un jour en répète j'ai demandé à Baptiste "Vazy sors-moi un gros riff de néo stupide steuplé" et il a balancé directement le riff d'intro de la chanson. Tel quel, à la note près, comme il a fini sur le disque. C'était beau. Sinon je tiens à préciser un truc parce que visiblement ça ne va pas de soi pour tout le monde : j'adore le néo metal, j'adore Korn (Issues est un album qui me retourne la face) et si je m'en moque ce n'est absolument pas du mépris. Comme disait Ultra Vomit lors de la sortie du merveilleux Objectif Thunes, nous nous moquons des trucs que nous aimons, comme on balance une vanne à un pote parce qu'on l'apprécie et pour lui rappeler qu'on le connaît à fond. Les figures de style nous font rire, les gimmicks nous font rire, mais ça ne signifie absolument pas qu'on est dans la parodie méchante. Au contraire.

 

Baptiste : "Néo", est le second morceau que nous ayons composé de l'histoire du groupe. Aurélien a très bien expliqué sa conception en amont, mais ce qu'il n'a pas précisé c'est que cette ligne directrice a fait qu'en dehors du texte et de la ligne de basse des couplets, tout le reste du titre a été fini en une seule répète.

 

J'ai appris que vous n'aviez pas remporté la session parisienne du Headbang Contest... Savez-vous quel type de défense a été adopté par le jury de la compétition pour défendre sa position devant la Cour ?

Aurel : Très simple : les One Last Shot ont été meilleurs que nous. Non seulement ça fait très plaisir qu'ils aient gagné parce que ce sont des potes, mais en termes de prestation scénique 'y avait pas à chier, ils étaient un cran au-dessus. On ne rougit pas du tout de notre set hein, d'ailleurs on a bien foutu le feu et les retours du public ont été excellents, mais en termes de cohérence scénique les OLS ont juste été hyper balaises. T'avais littéralement quatre frontmen sur scène. Comme ils nous ont permis de filmer notre show (nous on leur avait permis de capter le leur en sortie de table), on va pouvoir bosser sur cet aspect et revenir plus forts, plus larges et plus turgescents la prochaine fois. Je sais que nous étions bien classés de toutes façons, il faut dire que la notation du HBC est hyper pointue. T'avais un certain nombre de critères précis : cohérence scénique, maîtrise des instruments, communication web du groupe, plein de trucs... Tous notés sur cinq avec un jury de pros et ils ont fait leurs totaux. Bien évidemment j'aurais adoré gagner, mais je ne peux pas dire que je ne suis pas d'accord avec leur décision. C'était complètement mérité.

Baptiste : Voilà.

On connait vos goûts en terme de groupes des 90s. Qu'en est-il des années 201xs ? Quel groupe récent iriez-vous / irez-vous / êtes-vous allez voir dernièrement ?

Aurel : J'écoute beaucoup moins de musique depuis que je ne suis plus chroniqueur j'avoue. Je me tiens moins au courant, je suis un peu largué en termes d'actualité. J'ai écouté le dernier Black Bomb A que je trouve sympa sans plus, je découvre en ce moment Hypno5e qui me colle une grosse baffe... Mon dernier gros coup de cœur c'est Are You Kidding ? No. de Destrage. Je les avais chroniqués à l'époque de The King Is Fat'n Old et je trouve qu'ils ont pris un énorme level-up depuis. Leur chanteur me réjouit et leur batteur me fait peur, j'aimerais vraiment les voir jouer. Avant ça c'était le dernier Rufus Bellefleur et je les ai vus quand ils sont passés à Paris. Mon prochain concert de prévu c'est la finale nationale du Headbang Contest justement, le 7 juin prochain. Je vais aller hurler pour soutenir One Last Shot et en profiter pour découvrir Loudblast sur scène, ainsi que Artweg dont on m'a dit énormément de bien.

 

Baptiste : Depuis le début de l'année, le dernier Glaciation place la barre bien haut, aux côtés du dernier album de Napalm Death. J'écoute encore de temps à autres l'excellent album d'Utopianisti, sinon à côté de ça, j'ai découvert avec deux ans de retard le dernier album de God Is An Astronaut qui s'avère très chouette, avec ce même genre de balance entre post-rock et electro que chez 65DaysOfStatic (que j'aime aussi beaucoup), mais avec des structures plus pop, plus accrocheuses et un plus grand équilibre que le groupe cité. Carpenter Brut tourne assez régulièrement, le dernier EP ainsi que le dernier passage du gus à Paris m'ayant tous deux fichu une bonne grosse claque dans la tronche. Mais si j'en crois les chiffres, c'est Florence + The Machine que j'ai le plus écouté depuis que 2015 s'est installé. C'est pas très le metal, mais bon. Bien sûr je ne compte pas l'album de öOoOoOoOoOo, mais lui je l'entends parfois même lorsque je dors et autrement, je suis curieux de voir ce que va donner le prochain effort de Tesseract, maintenant que Daniel Tompkins est revenu au poste de chanteur. J'ai beaucoup de mal avec la pseudo-scène "djent" (probablement parce que passés les quelques groupes taxés de fondateurs, ce genre s'est fondé sur un aveu d'absence totale de personnalité), par contre j'aime toujours beaucoup leur tout premier album.
Je crois que le dernier concert de metal que je suis allé voir, en dehors du Headbang Contest était Devin Townsend, dont je suis très très friand. En prime il y avait Shining (le bon, soit le norvégien) en première partie, du coup j'étais heureux. Hors metal, Carpenter Brut, comme je le disais juste avant et j'irai si possible voir Crackity Flynn, à la Boule Noire début mai. Ils ont enregistré leur premier album en Écosse, c'est en ce moment mixé et masterisé aux États-Unis, ça marie superbement bien le rock alternatif US et briton avec un côté très personnel et en plus ils sentent bon.

 

Une dernière salve stupide, parce que c'est bon : avec le chèvre, du rouge ou du blanc ?

Aurel : Du rouge, sauf si le blanc vient du Jura. Je vénère les blancs du Jura.
Baptiste : Blanc moelleux si le fromage de chèvre est chaud et servi sur un toast. Avec un peu de miel et des herbes de Provence. Autrement j'aime pas des masses le fromage de chèvre, je suis plutôt fromages coulants, du genre époisse, Mont d'Or, brie ou alors carrément fondus et servis sur du pain, cantal, abondance. Ah oui et le Saint Munster ! Celui-là, servi avec du cumin je t'en boufferais au point de ressembler à un tube de dentifrice quand on m'appuie sur le ventre après.

 

Roland Magdane ou Courtemanche ?  
Aurel : Rachid Badouri.
Baptiste : J'ai le chien le plus laid au monde. Voilà.

 

Sepultura ou Soulfly ?
Aurel : Sepultura
Baptiste : Sepultura, sans hésiter.

 

Meshuggah ou Motörhead ?
Aurel : Les deux m'emmerdent. Mais Baptiste dira Meshuggah.
Baptiste : Je dis effectivement Meshuggah, même si j'ai trouvé le dernier album très décevant. Voire même pas très bien, en fait.

 

Ardisson ou Ruquier ?
Aurel : Ruquier
Baptiste : Gaspard Proust qui chronique chez Ardisson. Même s'il est encore plus drôle seul sur scène.

 

CoreAndCo ou les Eternels ?
Aurel : Les Eternels quand j'en étais le chef. :-p
Baptiste : Les Éternels, lorsque j'y chroniquais.

 

Pif & Hercule ou Mickey Parade ?
Aurel : Paf & Hencule
Baptiste : Paf & Hencule. J'ai hâte de me procurer le second album.

 

Silmarils ou No One Is Innocent ?
Aurel : Silmarils !! Le tout premier concert metal de ma vie c'était eux !!
Baptiste : Aucun des deux, je ne connais que par le biais d'un ou deux singles entendus à la radio au début des années 2000. Je dirai donc Indochine.

 

Faith No More ou Mr Bungle ?
Aurel : Faith No More période Angel Dust.
Baptiste : Mister Bungle, période California, soit leur meilleur, en plus d'être un de mes albums de chevet.

 

Un dernier mot pour la route ?

Aurel : Ben merci à toi d'avoir pris le temps de vaincre ta haine du néo metal pour finalement dire du bien de nous. Et je vais passer un appel du coup : chroniqueurs, journalistes, quitte à faire des interviews par mail, faites un vrai dialogue, pas une liste de courses ! Regardez comment ça rend bien ! Toute cette vie, toute cette interactivitey ! Vous aussi vous pouvez y accéder, suffit d'envoyer les questions par deux ou trois à la fois. Je crois en vous.
Baptiste : Aurélien a dit beaucoup de choses pour son dernier mot, je serai plus bref mais tout aussi fort : "Quand est-ce qu'on va boire des coups toi et moi, dis ? Faire offre."

 

 

 


 

Offre: pour fêter la date parisienne commune öOoOoOoOoOo / Human Vacuum ?

photo de Cglaume
le 21/05/2015

3 COMMENTAIRES

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 21/05/2015 à 18:38:16

J'aime bien U2, j'aime pas Motörhead : certains ont été éviscérés pour moins que ça, de part chez moi.

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 23/05/2015 à 07:55:01

"J'aime pas le silence" ... et l'esprit de synthèse non plus apparemment.

Zus

Zus le 26/05/2015 à 03:13:17

C'est pas tant que je n'aime pas l'esprit de synthèse, c'est plutôt que j'en suis complètement dépourvu.

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