Revok - Interview du 06/04/2011

Revok (interview)
 

A l’écoute de « Grief is my new Moniker », on a une impression de grande fluidité dans les compositions et dans l’agencement de l’album, comme si le tout coulait (de vos veines) de source !  Facile à faire ?

Eric : Non ce n'est pas facile, on a beaucoup de mal à juger notre travail après coup. Ta remarque est assez gratifiante. Le rendu final nous plait mais il est vraiment difficile d'avoir du recul. L'explication la plus simple reviendrait à dire que l’on possède probablement nos « tics » d'écriture et que ça s'entend d'un morceau à l'autre. On ne cherche pas à systématiquement bousculer nos petites habitudes. On n'y arriverait  pas d'ailleurs.

Fab : Cependant, lors de l’écriture de cet album, nous étions tous dans le même « mood-Revokien » habituel. Cet état dans lequel nous entrons  lorsque nous composons : On coupe pratiquement toute source de lumière et on cherche à communiquer avec l’obscurité. On finit forcément par faire sortir des choses inquiétantes et denses.

 

Depuis le début, vous développez une certaine force presque mystique, vous avez d’ailleurs choisi un personnage assez singulier comme patronyme ? Pourquoi ce(s) choix ?

Eric : Le mysticisme vient peut-être, probablement même, de Michel, notre batteur qui, sans vouloir conceptualiser quoique ce soit, a définit une sorte de cadre auquel on reste viscéralement attaché : une musique brute, sombre, sans la moindre once d'espoir, qui te ronge le cerveau, comme le ferait Darryl REVOK, le mauvais mec de Scanners (D.Cronenberg). Une profession de foi à l'égard de la noirceur si tu veux.

 

Vous parvenez à maintenir une forme de road book tout au long de vos disques ? Avec GIMNM dans quel chapitre, nous trouvons-nous ?

Eric : On essaye d'agencer au mieux nos chansons. On se donne du mal, on triture longtemps nos morceaux. Si tu entends road book dans le sens voyage/méandres/paysages alors ouais ça me convient. On écrit rarement des chansons dans le cadre classique couplet/refrain (que je respecte énormément par ailleurs!), ce sont plus des pièces avec une progression et un aboutissement. Mais celui-ci ne sera jamais heureux.

Fab : Oui,  je rajouterais qu’à l’origine de la progression et de l’aboutissement,  il y a des embryons de sentiments étouffés, de colère, de frustration mêlés à de l’envie/espoir, le tout baignant dans une sorte d’apathie de laquelle nait des riffs répétitifs, des ambiances hypnotiques/atmosphériques qui sont caractéristique du son de Revok.  Dans notre processus d’écriture, les choses ne sont pas planifiées, elles sortent telle quelle. En ce sens, on ne pourra pas parler de Road-book.

Pour répondre à ta question concernant les chapitres : Lors de la création du premier album « Bad Books & Empty Pasts » nous n’étions parvenus qu’à renforcer une souche cancérigène qui s’était déjà manifestée sur le 2ème  EP « Program Medics & Cathode Clinics ». Cet EP était d’ailleurs particulièrement colérique. Dans Bad Books, nous entrons dans une sorte de soumission teintée de regrets et de combats avortés. Avec Grief Is My New Moniker, nous sommes à un chapitre fort au niveau émotionnel. Là où l’on pensait enfin trouver une lumière salvatrice de l’autre côté du tunnel,  on se rend compte qu’il n’y a aucune issue. Il reste toujours des fragments de colère. Fragments qui parfois explosent, alors qu’ils étaient refoulés dans Bad Books. Grief est une vaine traversée rendue insupportable par la texture  « poissante-sanglante » du boyau dans lequel on avance.

 

Si je dis Revok, intello mais pas chiant, je suis dans le bon ? ;-)

Eric : Intello, je ne crois pas. Intello n'est pas forcement péjoratif pour moi d'ailleurs. Y'a un problème avec ça, pourquoi se creuser le crâne serait-il si déplacé dans le rock? J'ai pas la réponse. C'est marrant parce qu'au début on considérait nous-même Revok comme la préhistoire du rock (un terme de Michel d'ailleurs), une version brute, sans artifices, une musique pas toujours très pensée… Mais t'auras quand même plein d'auditeurs qui trouveront notre musique chiante.

Fab : C’est très variable dans la tête des gens, certains vont peut-être nous trouver intello mais c’est mal nous connaitre. En tout cas j’en connais pas mal qui nous trouvent plutôt bas-du-front…

 

On vous connaît sous le nom Revok, vous avez chacun un autre parcours rempli. Il est temps de passer aux présentations.

Fab : Je suis le batteur de Do You Compute et j'étais avec Jay (guitare) dans Gameness pendant presque 8 ans… Jay a continué avec d’autres gars de Gameness, et a monté Brume Retina. Cyril (basse) était dans Belle Epoque. Il est également avec moi dans Do You Compute. Eric (guitare) était avec Michel (batterie) dans Goo Goo Blown un groupe de pop Francilien. Et Michel est celui qui a le plus de projets. Il est cofondateur et pianiste de l’ensemble néo-classique Les Fragments De La Nuit. Il est également batteur de Lolito, un très bon groupe de pop émergent. Il est aussi écrivain et a récemment sorti son premier recueil de nouvelles aux éditions du Pied De Biche. Cela s’appelle La Femme Ciseaux. On retrouve dans son style d’écriture, un esprit étrange qui complète parfaitement ses deux projets musicaux les plus sombres, à savoir Les Fragments De La Nuit, et REVOK.

 

J’ai eu la chance d’interviewer Lionel Fahy  (ici-même) et naturellement on a causé de vous. Voici ce qu’il dit de vous. Ma question -Dans la scène actuelle en France, les parisiens de Revok apparaissent un peu dans le même sillage que vous. Vous les connaissez ?-

Sa réponse : Je connais Jérôme que j'ai tatoué et Yann qui a fait toutes leurs illustrations est un grand pote. J'ai beau lui dire à Jérôme que je suis un fan inconditionnel de son groupe, il ne me croit pas!!!! Revok est un des meilleurs groupes français et il serait temps que les gens s'y intéressent !!!!! Réactions ?

 

Eric : C'est très flatteur, je ne pensais pas qu'on pouvait susciter ce genre de réaction.

Fab : Le monde ne s’est pourtant pas intéressé à Portobello Bones (le groupe de Lionel considéré CULTISSIME par le microcosme « elitiste-rock » Parisien), alors je ne vois pas pourquoi ils auraient tout à coup une révélation au sujet de Revok.  Portobello  était énorme en terme de création ! Ils avaient des morceaux incroyables. Vraiment imparables. Mais dans cette scène on est face à un vrai problème de communication. Ce qui à mon sens est normal. Un véritable artiste est aussi souvent un « autiste » en communication. Trop fier pour vendre son cul, pour aller faire le beau en soirée hype. Essayer à tout prix de faire connaitre son groupe ça m’arrache la gueule. Ça attaque directement mon amour propre. J’ai cette fierté (surement mal placée) qui me pousse à ne pas exposer mon œuvre sur le marché, à l’étalage comme si c’était un vulgaire poulet destiné à être bouffé en 5 minutes. Et j’emmerde profondément les moralisateurs qui me la font à l’envers genre « t’as rien compris, t’étonnes pas si personne ne connait Revok, ta démarche est merdique blablabla » . Leur connerie aussi est merdique, car ça ne tient pas debout dans la mesure ou, en France, 20 000 personnes (ou  moins) s’intéressent aux groupes de rock qui existent dans ce pays. Ces moralisateurs me font marrer. Eux-mêmes ne connaissent rien d’autre que les trucs mainstreams qui leur tombent tout cuit dans le bec.  Et ils osent te sortir que le rock en France s’est arrêté à Noir Desir ! Alors fuck off ! Parfois j’ai l’impression qu’on ne sortira jamais de cette merde ! Tous ceux qui sont réellement passionnés de rock aujourd’hui ont depuis longtemps déserté les radios/télés et autres médias à large diffusion. La culture de masse n’a jamais été aussi immonde, elle empire de jour en jour. En même temps, je pense qu’il y a aussi certains bons côtés à cela, comme cette impression grisante de découvrir des trésors rien que pour soi (ou pour un cercle d’initiés), par exemple ces jeunes groupes redoutables que sont Birds In Row et As We Draw (tous deux from LAVAL).

 

Il y’a des thématiques récurrentes. Sans rentrer dans l’analyse de textes, on y parle souvent de flotter, de contempler, de nager ou à contrario de creuser, d’entrer dans les profondeurs, d’être enfermé. Entre la claustrophobie et l’évasion, vous n’arrivez pas à choisir.

Eric : On ne choisit rien. L'esprit humain n'est fait que de ça, on se bouffe le crâne jusqu'à que celui-ci soit enfin bouffé par les vers. Nous ne sommes que tergiversations, remises en question, contradictions, conflits. La création artistique est le fruit de ça, et ne peut l'être que par ça. Le bonheur extatique ne mène à rien artistiquement, si ce n'est à de la mauvaise soupe, du flan, de la merde. Tout l'intérêt de notre vie réside dans les atermoiements de nos émotions, c'est ce qui la rend grisante. Je n'y changerais rien personnellement.

 

 Bad Books and Empty pasts m’a laissé un peu sur ma faim après vos 2 premiers EP’s assez imparables. Vous vous êtes précipités sur cet album ?

Eric : On est satisfait de ce disque, enfin… on lui trouve des défauts mais c'est inhérent à tous les musiciens ça de revenir sur un enregistrement après coup. Aucune précipitation, ça ne nous ressemble pas…

Fab : Effectivement, on ne peut pas parler de précipitation. Comme je le disais plus haut, Bad Books est très contenu. Ça n’explose jamais vraiment. Pour certains auditeurs, cela peut-être vécu comme un manque, une frustration. Pour d’autres cela relève d’une extrême tension, une atmosphère tendue, palpable. Par contre, on peut dire que nous n’avions pas le même recul sur notre son. On cherchait encore des trucs. La production peut parfois paraître un peu cheap, et peut donc effectivement laisser sur sa faim.  Les fondations étaient déjà tout de même solidement posés, et cela dés le 2ème EP. Nous n’avons pas voulu refaire quelque chose d’aussi guerrier pour ce premier LP. Il fallait que Bad Books précède ce monolithe qu’est Grief Is My New Moniker. En cela, on peut dire que nous avons réussi notre coup.

 

Je suis impressionné par les lignes de basses toujours aussi sobres, même quand ça envoi de partout. Cela vous donne une colonne vertébrale implacable dans les morceaux. Quelle est votre méthode pour les compositions.

Eric : Le jeu de basse de Cyril est  tout sauf sobre. Je ne connais pas énormément de bassiste dans la scène hardcore qui use autant de ghost notes par exemple. Mais je vois ce que tu veux dire : Cyril sais épurer son jeu en fonction des passages. Je suis d'accord avec toi c'est définitivement la colonne vertébrale de notre musique. Par contre, y'a vraiment des parties que je n'aurais jamais imaginé, et franchement complexes à jouer…

La composition est assez longue et laborieuse. Assez banale aussi : un riff, un autre, une recherche d'articulations, de progression… rien de très excitant pour une oreille extérieure je pense. Mais on s'affine avec le temps.

 

Il faut absolument vous voir en live pour ressentir la force du propos. A chaque fois, il y’a un moment où vous disparaissez en tant qu’individu pour servir les morceaux. Vous avez un bon metteur en scène ?

Eric : Ah merci, j'aime ce coté disparition des individus, ça me parle vraiment. Un concert de Revok est vraiment réussi quand on parvient à se liquéfier ensemble pour se fondre dans la même boue.

 

Le malentendu à propos de vous ?

Eric : A toi de nous le dire.

Fab : Il y a peut-être des gens qui considèrent qu’on se traine des casseroles ? je sais pas. On s’en tape. Aucun malentendu au sein du groupe en tout cas : On ira pas au paradis.

 

Dans le milieu de cette année, vous partez sur une tournée européenne. Quelques mots sur cet événement.

Eric : C'est le nerf de la guerre, sans concerts/tournées, pas de groupe. On fait au moins une tournée par an et dorénavant, depuis 3 ans maintenant, on se concentre principalement sur l'étranger. Là on part 12 jours dans le nord, Allemagne/Hollande/Belgique/Danemark /Suède/Norvège et Lille! Des heures de route, un mauvais van, un vieux duvet et une immense fatigue à l'arrivée. J'adore.

 

L'interview va paraître sur le webzine Core & Co. Quels groupes de Metal et/ou de hardcore vous ont faits/font rêvés au point de vouloir jouer dedans ?

Eric : Aucun, vraiment. Je préfère les écouter, je n'ai jamais rêvé d'intégrer un groupe. Curieusement. Sauf peut-être un jour où Michel m'a dit "j'ai monté un groupe de hardcore, tu viens?". J'ai dit oui, c'était Revok.

Fab : je parlais plus haut des jeunes groupes de LAVAL : Birds In Row, As We Draw… ils me giflent comme jamais. On peut dire qu’à l’âge de 20 ans, j’aurai aimé être comme eux. Sinon, Je suis fou de SickBag ! Ils bottent des culs à tel point, que c’en devient outrageant.

 

 


 

Big Thanks à Meursault pour les Photos.

photo de Eric D-Toorop
le 18/04/2011

3 COMMENTAIRES

LNA

LNA le 19/04/2011 à 11:49:48

Cool interview et trop vrai concernant la culture de masse. longue vie aux revok

beyondHELL

beyondHELL le 29/04/2011 à 20:59:49

groupe de hardcor ENORME

la-chattiere

la-chattiere le 05/05/2011 à 22:15:43

bon esprit et putain de bon album l'edition double LP est magnifique. Il manque vraiment de groupes de cette trempe dans cette france anestésiée. Procurez vous egalement l'album de Pneu produit par K.Balou"converge". revok-pneu réunis sur un splitEP c'est la cerise

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