Revok - Interview du 10/04/2015

Revok (interview)
 

On retrouve un visuel bien familier pour Bunt auf Grau, puisque c'est l'artiste-tatoueur Yann (your meat is mine) qui s'y colle à nouveau. Les photos de gamins, c'est fini ? C'est trop chaud pour supporter une musique comme celle de Revok ?

 

Eric : Yann est un pote, il apprécie sincèrement la musique de Revok tout comme nous sommes fan de son travail. Il capte très bien où on veut en venir. Et puis son univers déjà bien singulier le devient encore plus dans notre sphère noise/hardcore un peu stéréotypée graphiquement.

 

Michel : les meilleurs artwork de Revok ont toujours été ceux de Yann, un style reconnaissable et international. On attend toujours la pochette de Yann avec impatience et on ne sait jamais ce qu’il va proposer mais on a une entière confiance en lui.

 

Le visuel adopte un ton sur ton (qui contraste bien avec le vinyle blanc), au-delà du choix esthétique, est-ce un moyen pour indiquer que la musique de Revok se construit couches après couches ?

 

Eric : On aime bien cette notion de couches superposées. Au tout début du groupe, on enregistrait nos répètes et bribes de chansons sur un vieux magnétophone à cassette. Forcement il saturait et son écoute était assez… délicate, on distinguait plus qu’on entendait. C’était une sorte de magma menaçant qu’on adorait en fait, une forme de ligne directrice qu’on préserve depuis. On y percevait des harmonies chelous liées au feedback et au grouillement de sons des cymbales, ces fameuses couches qu’on affectionne toujours.

 

Bunt Auf Grau libère plus directement les tensions que vous entreteniez dans vos précédents disques. Vous n'aviez pas envie de traîner dans les morceaux ?

 

Eric : Je préfère me radicaliser toujours un peu plus en vieillissant plutôt que l’inverse. Si tu perçois un côté plus frontal c’est que nous sommes un peu parvenus à dépouiller nos chansons de scories inutiles. Bon, on n’a jamais fait de prog non plus, ni de post rock. Mais la tension reste un bon élément dans la musique. On n’est pas des radicaux de la forme : on ne cherche pas à aller plus vite, à être toujours plus méchant. On garde à l’esprit qu’on veut une bonne chanson avant tout.

 

Michel : nous composons toujours ensemble et chacun sait ce qu’il veut entendre aussi bien globalement que pour sa partie. Ce côté direct s’exprime surement par le fait qu’on ne tourne pas autour du pot et la pratique de la compo collective depuis plus de dix ans a accru un certain sens de la télépathie.

 

Le diptyque "old marrow" semble s'isoler du reste de l'ensemble. Étonnement, on y ressent plus l'interprétation que la musique vivante, personnifiée, que vous nous livrez habituellement. Est-ce un choix délibéré pour raconter quelque chose de particulier ?

 

Michel : C’est une question de perception je pense car nous ne le séparons pas du reste de l’album, ce sont deux morceaux forts qui n’ont pas été composés en vue d’un dyptique comme tu dis. Ils se sont associés naturellement au fur et à mesure que l’album naissait.

 

Sur "Polluted ideas" et "Perfection is a sin", on retrouve des éléments presque "space-rock" ou floydiens. Ces 2 titres puissants nous emmènent loin, vous et l'auditeur. Est-ce une nouvelle couleur a ajouter à votre son ou l'inspiration du moment ?

 

Eric : Marrant j’y ai jamais songé… j’y voyais plutôt un côté krautrock (sur « Perfection ») mais je dois être le seul à écouter Can ou Neu dans le groupe donc c’est même pas sûr… mais ta question pose la place de la voix dans Revok. Revok évolue dans une scène plutôt noise/punk/hardcore (rarement métal) et certaines parties de chant, vraiment chantées et pas hurlées dénotent au milieu de tout ça. Le registre de Fab est assez large finalement, et pas juste hardcore. On s’autorise donc des parties plus… aventureuses.

 

Michel : on compose avec l’intuition du moment, on n’intellectualise rien non plus. On aime aussi s’étonner nous-mêmes et dire que tel passage ou partie vocale sont inhabituels, généralement tout le monde est d’accord sur ce plan.

 

Grief is my new moniker a recueilli un bon paquet de critiques positives voire enflammées. Après un temps, l'entité Revok s'est mise en sommeil. Avec le recul, comment avez-vous vécu cette période ?

 

Eric : Revok a moins tourné mais on n’a quand même jamais cessé de jouer, jamais. Pour roder une partie des nouvelles chansons par exemple, on est parti 12 jours avec Comity et Celeste en France/Espagne et Portugal en avril 2014. Ça reste le nerf de notre histoire. Mais il faut aussi reconnaitre que le temps entre la sortie « Grief… » et celle de « Bunt au Grau » est vraiment trop longue. Mais on a quasiment tous fait des enfants, on a un taf et plus vraiment 20 piges pour tourner sans arrêt et répéter 3 fois par semaine… fini ça. Ce qui ne nous empêchera pas de faire 60/70 concerts pour ce disque là en attendant le suivant. Plus, ça devient difficile, pas au niveau de l’envie mais juste pour s’organiser.

 

Michel : la production d’un album est toujours assez longue mais on a toujours tourné entre temps et partout, et pas vraiment à Paris et ses environs. L’important c’est que l’esprit de la musique subsiste, à travers les concerts et les disques.

 

 

Voilà 10 ans que vous nous laissiez Biocarbon Amalgamate en carte de visite. La linéarité qui pouvait heurter, est devenue votre marque de fabrique. Un riff, un thème identifiable surgit toujours dans l'un ou l'autre morceau. D'où vient cette idée de composition ?

 

Eric : C’est vrai qu’on a parfois envie de s’attarder longtemps sur un motif, surtout parce que ça crée un effet hypnotisant, malade, qui se justifie sur la longueur, en insistant. On invente rien hein, c’est animal, préhistorique même ce fonctionnement. On le revendique même et ce depuis « Cranex 350 » sur Biocarbon, un sorte de carte de visite qu’on continue de jouer en concert.

 

Michel : personnellement j’ai toujours apprécié la musique répétitive car elle apporte une texture et une résonnance qu’il est difficile de créer avec une musique déstructurée. On appuie une idée et elle se transforme pour mieux éclater. C’est propre aux musiques ethniques, originelles, on ne fait que s’aligner avec ce genre de propos, naturellement.

 

10 ans à disparaître le temps que vous devenez Revok (sur scène, c'est flagrant), vous vous ménagez des retraites dorées, les gars ! En quoi êtes-vous devenus meilleurs ?

 

Eric : Disons qu’on a affiné notre cohésion… et encore, notre ligne directrice était déjà assez claire dès le début. Je pense qu’on fait de meilleurs concerts.

 

Michel : on fait de meilleurs concerts c’est certain. Le jour où l’on n’aura plus rien dire on se taiera.

 

Bunt auf grau, outre la sensation de libérer (les choses, l'esprit, les âmes) a un côté un peu plus cinématographique que vos précédents efforts, comme une mise en scène. Prochaine étape, le court-métrage ?

 

Eric : Oula. Non, enfin on n’en a jamais parlé. On a participé y’a 4/5 ans à un court métrage pour Arte pour lequel on a fait la musique mais ça ne nous a jamais poussé plus loin dans cette voie.

 

Vous allez partager la scène avec Justin Pearson (Retox). Ce mec a votre âge +/- et a une sacrée aura auprès des connaisseurs. Dans The Locust, son illustre fait d'armes, il disparaît aussi dans son personnage. Quel est le genre de questions que vous aimeriez lui poser ?

 

Eric : Aucune. J’ai jamais écouté The Locust. J’aime bien Retox par contre, enfin ce que j’ai écouté récemment. La question serait plutôt « Do you want a beer ? » dans les loges. Je ne sais jamais quoi poser exactement comme question aux types que j’aime bien, enfin dont j’aime l’œuvre. Je ne suis pas un fan transi.

 

Vous avez choisi un titre en allemand, et dans la production de votre album, on retrouve quelques touches indus. Une envie particulière d'affirmer votre identité musicale européenne ?

 

Eric : Indus ? Le côté mécanique de certains passages peut être... Mais si tu le perçois comme ça, je n’y vois aucun problème, au contraire. Sinon on ne cherche pas à développer une identité quelconque, juste la maladie Revok. Et si ça peut s’étendre au-delà de nos frontières ce sera aussi bien, Revok n’a aucune vocation à rester cloitré dans son local à répète.

 

Michel : c’est vrai que les titres ne font pas dans la chaleur mais de là à aller jusqu’à l’indus… J’aime bien Einstürzende Neubauten surtout les débuts, c’est pourtant un monde à part.

 

Dernière question, le plaisir est toujours bien présent dans cet opus. Sensation bizarre, vu que votre propos n'est pas des plus joyeux. Quel est le carburant pour qu'une somme d'individus parvienne à se réunir, malgré tous les atermoiements de la vie, avec la même envie de faire vrombir le V8 ?

 

Eric : Paradoxal ouais... même si notre musique peut paraître lugubre, elle n’est pas cathartique pour moi, ça reste un plaisir. Je tire une gratification personnelle à continuer à jouer avec les mêmes gars depuis 12 piges. Plus que jamais.

 

Michel : on est sympas mais il y a une violence intérieure qui ne nous quittera jamais.


 

 

 


 

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photo de Eric D-Toorop
le 10/04/2015

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