(no) Hope In Sight - Embrace

Chronique CD album (40:28)

chronique (no) Hope In Sight - Embrace

Il est des albums pour lesquels on aurait voulu être là au moment de l’enregistrement pour jouer le rôle de producteur. On se la raconte deux minutes et on s’imagine comme un genre de Terry Date ou de Steve Albini que les musiciens que l’on chaperonnerait aurait écouté comme la voix de la sagesse, qui aurait conseillé au groupe de faire ceci ou cela plutôt que cela ou ceci. Si ce fantasme survient chez le chroniqueur moyen (coucou, c’est moi), ce n’est pas que l’album est mauvais, bien au contraire, c’est que l’album est très bon mais qu’il souffre de quelques faiblesses, infimes, riquiqui, des petits grains de sables insignifiants et suffisamment frustrants pour qu’on eusse envie d’être là pour convaincre le groupe de les éliminer et ce avant que l’assistant studio presse la touche Rec.

 

Embrace, le premier album du quatuor avignonnais (No) Hope In Sight est de ceux-là. Niveau style, on est sur du metal-rock très darky qui joue la carte de l’émotion plutôt que celle de la puissance: ça ne manque pas de poils mais ils ne sont pas hérissés. Le groupe cite Paradise Lost, Type O Negative, Anathema ou Katatonia comme référence. Pourquoi pas? A part Type O, on est à peu près dedans sauf que ces groupes m’ennuient majoritairement alors que bizarrement (No) Hope In Sight ne m’a pas du tout ennuyé. Peut-être que c'est ce tout petit côté Alice In Chains (n'ayons peur de rien)...

 

Commençons par les points positifs car fichtre, il y en a. Tout d’abord, le nom du groupe est parfaitement trouvé car une vibe très riche, très versatile, se dégage de cet album, entre l’espoir et son absence. C’est plaintif mais ça ne minaude pas, ça espère mais avec cette nonchalance désinvolte originelle du rock qui s'énerve en haussant les épaules. Ensuite, et c’est assez rare pour un premier jet, l’album est très constant en qualité. Aucun titre n’est faiblard, ou ne semble avoir été mis là pour remplir des trous. Ces neuf morceaux qui occuperont 40 minutes de votre temps d'oreille disponible sont tous très bien arrangés, jamais ennuyeux, avec un gros travail sur le son, sur les ambiances et surtout sur la progression des morceaux, la façon dont chaque passage est amené et va en amener d’autres.

 

Le groupe n’hésite pas à utiliser avec parcimonie et efficacité des instruments moins électriques mais ce n’est pas un cache-misère, juste de quoi décorer légèrement, car chez (No) Hope In Sight, on sait comment créer des morceaux très riches malgré une structure classique guitare/basse/batterie/voix. En effet, la qualité d’écriture est sans hésiter digne de ces standards rock-pop ultra connus et rend les morceaux parfaitement accessibles, on est pile dans le “faussement simpliste”. Oui, j’ai dit “pop” et on est sur “CoreAndCo” mais niveau qualité d’écriture musicale, c’est un style à ne pas prendre de haut (sérieux "Toxic" de Britney Spears, c'est une tuerie en terme d'écriture, et c'est un fan de Behold The Arctopus qui vous dit ça).

Bref, revenons à Avignon...Il y a notamment un superbe travail mélodique sur les guitares, les arpèges sont riches sans jamais taper dans l’esbrouffe (les solos sont sympas, certes classiques mais très propres, et savent faire repartir un morceau), tout est dans la coloration fine de structures très classiques. Un petit mot pour le batteur qui malgré des tempos plus andante que presto n’hésite pas à s’occuper les mains un peu partout. Il sait être doux quand il le faut et faire claquer les peaux autrement. Et le bassiste? Bah alors 8oris a oublié le bassiste? C’est quoi ce bordel! Il faudrait pas parce que là aussi, on est en plein dans l’efficacité propre et sans chichis, c’est grave, c’est rond et c’est ça qui est bon. Perso, j’aurais rajouté un peu de saturation ici ou là à l’occasion ("Your True Character") histoire de gonfler un peu le tout.

 

Le son est aussi excellent. Sérieusement, on dirait de la bonne grosse production américaine des années 90. Jamais agressif mais rond et plein, ça respire et ça sonne. Tout le monde est là et tout le monde est traité avec équité.

 

Là où ça pèche légèrement, c’est sur le chant. Entendons-nous bien, j’ai dit “légèrement” car Stéphane a réellement une très jolie tessiture, une voix qui se feutre légèrement quand elle sature et qui ne manque pas de puissance en clair. Il chante juste et son approche vocale est très colorée. C’est bel et bien un vrai chanteur, pas un type qui s’est retrouvé à tenir le micro parce qu’il ne savait pas jouer d’un instrument. Seulement… Et c’est un seulement sur lequel beaucoup passeront outre... Seulement l’accent pèche un peu... ou plutôt l’accentuation.

Globalement, ça passe mais, et sans rentrer dans le cliché que l’anglais se prononce avec un paquet entier de Dragibus dans le bec, on a ici l’impression que chaque mot est...trop articulé. On n’est pas dans le franchouillard du style "Camping 13 - Panique à Burger Beach, la revanche de Patrick Chirac ", mais ça pique un peu parfois. L’exemple le plus criant est "Walking In My Shoes".
La deuxième impression qui nous met un peu dedans, c’est que c’est parfois trop...chanté justement. On aurait aimé que le flow lyrique laisse parfois la place à quelque chose de plus rythmé, plus entraînant, plus rassembleur, que les notes soient un peu moins notes et un peu plus groove. Si j’avais été Terry Date ou Steve Albini, c’est peut-être sur ce point que j’aurais essayé d’intervenir tout en laissant s’exprimer la personnalité musicale plus qu’intéressante du chanteur.  Mais qui sait? Cela aurait peut-être enlevé un peu trop de cette fibre "dark" défendue par le groupe. Parfois, il faut laisser les choses se faire et laisser les effets du temps se décanter. Patientons !

 

 

Embrace est un très bon album, d’une d’écriture mure et murie , enregistré par des musiciens qui maîtrisent non seulement parfaitement leur instrument mais aussi les techniques de composition. Porté par une production au top, il se ré-écoute avec beaucoup de plaisir. Un peu de travail sur l’accent, l’accentuation et un peu plus de variation vocale.

 

 

On aime bien : de superbes instrumentations, une très belle production , des musiciens qui maîtrisent

On aime moins : un chant un peu trop lyrique parfois et avec un accent qui parfois gratte un peu

photo de 8oris
le 22/07/2021

6 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 22/07/2021 à 10:57:25

Tu es bien mieux que « moyen » comme chroniqueur :)

el gep

el gep le 22/07/2021 à 11:32:37

Ah l'accent dans le chant d'une langue qui n'est pas la sienne...
Je pensais pareil avant, mais j'ai complètement changé de façon de voir les choses.
Si le chanteur est français, il est français, ça ne sert à rien de vouloir absolument sonner américain. et d'ailleurs, quel accent choisis dans ce cas? L'accent anglais? Lequel? Ou plutôt Irlandais? Écossais? L'accent américain? Lequel? Celui d'Austin, celui de l'Arkansas, celui du Maine ou que sais-je?
Sommes-nous tant choqués par un japonais chantant en anglais avec son accent japonais? Peut-être ça passe mieux parce qu'aucune de ces langues n'est la nôtre?
Je pense que c'est une habitude à prendre (accepter les accents) et que finalement ça peut aussi être touchant (ou rigolo, mais c'est un peu dommage pour du Dark Metal, de sonner rigolo, éhéh!).
Vous avez déjà entendu Iggy Pop chanter en français? Voilà.

cglaume

cglaume le 22/07/2021 à 13:35:35

Ou Dave Mustaine haha : A touleumond’ … Jedwapatir

8oris

8oris le 22/07/2021 à 22:42:27

@el gep, dans une certaine mesure, je pense que tu as tout à fait raison. L'accent peut constituer une sorte de patte artistique mais, ici, il m'a semblé manquer un peu de naturel justement.

el gep

el gep le 23/07/2021 à 10:31:40

Alors c'est que c'est peut-être effectivement un autre problème cumulé: un chant ''forcé'' peut-être? Comme un acteur qui joue mal?

8oris

8oris le 23/07/2021 à 18:36:06

Oui, voilà exactement. Bon, par contre, ici, il faudrait "un acteur qui surjoue parfois un peu (et qui du coup peut parfois "jouer mal")".
Moralité: il est parfois bien difficile de mettre des mots sur des sensations

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