Alice Cooper - Lace And Whiskey

Chronique CD album (41:17)

chronique Alice Cooper - Lace And Whiskey

Cela fait quelques années que l'on enregistre et faisons le deuil de divers musiciens ayant plus ou moins marqué l'histoire du rock/hard rock/metal. Et vu l'âge que commencent à avoir certains combos légendaires encore en activité qui font les beaux jours des têtes d'affiche des festivals estivaux, nul doute qu'on n'aura pas fini d'en voir de ces news tristement morbides. De toutes les figures qui ne cessent de mettre à mal le concept de « la retraite à 60 ans », s'il y en bien une qui me foutra un sacré coup de voir partir dans les abysses du diable, c'est sans aucun doute Alice Cooper. Un Vincent Furnier qui ne cesse de défier les lois de la nature en se montrant toujours plus en forme malgré qu'il frôle les 70 balais et les 50 ans de carrière. Et ce, physiquement, passionnellement et artistiquement. C'est dire, alors que beaucoup de vieux séniles s'inquiètent de la paille à adopter pour manger leur soupe, le monsieur se permet même de jouer encore le petit jeune en s'éclatant au sein d'un autre projet monté avec Johnny Depp, nommé Hollywood Vampires. La vie étant ce qu'elle est, il est peut-être temps de s'atteler à l'histoire de toute une vie, à savoir la discographie du pionnier du shock rock, avant que le destin ne joue une énième facétie en le faisant trépasser. Un sacré morceau s'il en est, qui sera distillé au compte-goutte, vu qu'on a récemment vu sortir Paranormal qui représente pas moins que la vingt-septième pierre à l'édifice. Excusez du peu...

 

 

Les Histoires de Grand-Mère Alice, acte 4, scène 1 : Le fond du malt

 

Alors que le divorce avec le Alice Cooper Band est définitivement réglé d'un point de vue purement contractuel et qu'il connaît les joies du mariage – le vrai, avec une femme – il n'empêche qu'on en arrive au plus sombre chapitre de la carrière de Vincent Furnier. On connaissait déjà ses travers avec l'alcool, ce qui ne l'empêchait pas malgré tout de signer des œuvres importantes de l'histoire du Rock – qu'elles soient avec le groupe avec qui tout a commencé ou en solo – et de mener une carrière on ne peut plus respectable et enviable. Malheureusement, cette année 1977 montre le début de la prise du mauvais versant de l'alcoolisme. Une période qui durera près d'une dizaine d'années. Qu'Alice Cooper, en tant qu'artiste, traversera avec des hauts et des bas en terme discographique. De la même manière que Furnier en tant qu'homme.

 

Alors que Goes To Hell montrait vraiment de très grandes choses, peut-être pas reconnues à leur juste valeur à l'époque d'ailleurs, Lace And Whiskey nous montre sans doute le pire et rappelle quelque peu le coup de mou de Muscle Of Love, chant du cygne du groupe en tant que tel. Là, aussi, on peut aussi considérer ce nouveau méfait comme une sorte de mort. La mort (ou plutôt mise à l'écart) du personnage d'Alice Cooper. Non pas parce qu'on présente un drame théâtral comme on pourrait s'y attendre mais surtout qu'indubitablement, il n'y a pas grand-chose d'Alice Cooper ici. Non, on est plutôt ici face à Vincent Furnier lui-même, l'individu véritable. Celui qui est exténué d'être pris dans une telle spirale qui ne s'arrête jamais, les albums sortant à un train d'enfer, aussitôt enchaînés à des tournées qui ne laissent guère le temps de se reposer. Tellement qu'il laisse au producteur/claviériste Bob Ezrin les pleines manettes des compositions. Alors certes, il aura beau le cacher en contextualisant l'histoire d'un détective alcoolique inspiré des vieux polars, on ne s'y trompera pas longtemps.

 

Le maître de cérémonie nous l'avoue même de lui-même au cours de ce disque. « I Never Wrote Those Songs », balade sirupeuse dont le seul intérêt se situe davantage dans son fond que dans sa forme : il s'agit comme d'une sorte de mise à nu au goût fort piteux de l'actuelle situation. Cet album, l'ivrogne le laisse couler parce que c'est son boulot et qu'il n'en a rien à battre tant qu'il puisse retrouver le goût du malt dans son verre. Ce qu'il reste de conscience de l'artiste en revanche ne semble pas forcément raccord avec ce présent disque. Ce qui explique son cruel manque de conviction sur sa performance vocale sur tout le long de cet album d'ailleurs. Et ce, avant même qu'il ne jonche les rayonnages. Alors si le titre en lui-même ne casse pas des briques d'un strict point de vue musical, il y a comme quelque chose de touchant : alors que bien d'autres auraient laissé filé le truc en donnant le change niveau communication, l'air de rien, ce genre de « confession » a au moins l'avantage de dissiper le fait d'être pris pour un con. Faute avouée, faute à moitié pardonnée comme on dit...

 

Après, en soi, le résultat n'est pas non plus une pure catastrophe. Lace And Whiskey n'est pas foncièrement un mauvais album, il est juste totalement insipide. Mais lorsqu'on le place à côté de certains de ces grands frères, on est quand même à des milliers d'années lumière autant sur la qualité que sur l'audace.

 

Et si vous êtes du genre à aimer le côté plus hard rock du loustic ou son côté le plus théâtral, vous pouvez d'ores et déjà passer votre chemin. Majoritairement blues rock mollasson du slip (Furnier occulte son registre le plus nasillard ici, c'est dire), allant même jusqu'au tonton rockabilly (« Ubangi Stomp »), autant dire que les hardos auront tôt fait de s'endormir. Et en terme de théâtralité, c'est platonique à souhait. Il y a beau avoir quelques tendance à vouloir broder sur de l'orchestration (le côté militaro-fanfaronnant de « King Of The Silver Screen », les orgues de l'intro de « My God » ainsi que ses insupportables chœurs d'enfants) pour installer des ambiances, ou à revenir puiser vers le disco pour apporter un tantinet de barré (« (No More) At Your Convenience » où même des maîtres du style tels des ABBA auraient eu honte s'ils avaient signé une mièvrerie pareille), la sauce ne prend pas. C'est plat, rien ne ressort, rien ne marque... Et plus rien de cette plaque ne sera plus jamais rejouée en live une fois le cycle Lace And Whiskey passé. Ouf, aurait-on envie de dire !

 

Le seul intérêt de ce méfait : présenter une nouvelle étape de vie. Mauvaise de surcroît. Extrêmement mauvaise même. Alice Cooper, le personnage a été laissé de côté. Furnier se montre, de tout son être, affaibli par tous les ravages de l'alcool. Amaigri, comme un clodo, limite à demander que tout s'arrête, s'excusant aussi d'autre part d'avoir participé à cette chose qui, pourtant, le dégoûte au plus haut point. Autant dire, Lace And Whiskey revêt du même dynamisme que l'humeur du moment de son géniteur : la serpillière est de sortie et elle ne nettoie pas grand-chose en réalité.

photo de Margoth
le 20/10/2019

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