Arkan - Kelem

Chronique CD album (50:06)

chronique Arkan - Kelem

« C'était mieux avant ! »

 

Voilà typiquement le genre de phrase qui, d'habitude, me fait sortir de mes gonds. Car dans beaucoup de débats où les vieux cons s'emploient à utiliser cet argument de pacotille, il n'y a pas de comparaison méliorative ou péjorative : tout est une question d'évolution, un contexte qui diffère tellement que ça en devient incomparable. Et pourtant, dans le cas d'Arkan, mon for intérieur ne peut s'empêcher d'y penser, à cette foutue phrase merdique.

 

Il faut dire qu'à l'époque, j'avais trouvé cette fusion entre metal extrême et musique orientale fort sympathique avec Hilal. Puis, cette propension à se rapprocher de l'étiquette « Orphaned Land Metal deathisant » sur Salam m'avait foutue une claque monumentale. Avant de rejoindre le côté plus blasé du lapin jaune qui hante ces colonnes avec un Sofia que j'ai trouvé chiant comme la pluie. Et ce, malgré toute ma sympathie envers Sarah dont j'ai bu avec passion toutes ses interventions sur les deux premiers méfaits. Mais la pédale douce mise sur la facette extrême du combo parisien avec l'hyper-mélodie appuyée d'autant plus avec la focalisation sur la voix de son ex-vocaliste m'ont totalement laissée sur le carreau.

 

Bref, c'est non sans crainte que je me suis procurée malgré ma précédente déception Kelem, le petit dernier et premier-né avec sa nouvelle figure vocale, Manuel Munoz (ex-The Old Dead Tree), remplaçant au pied levé une Sarah Layssac partie voguer vers d'autres cieux. Sachant que Foued Moukid, batteur et tête pensante du groupe, provient aussi du Vieil Arbre Mort, on se dit que le monde n'est vraiment pas bien grand. Et à l'écoute de ce quatrième effort, je n'aurais jamais imaginé rester autant bloquée dessus. Que penser ? Même encore maintenant, je reste paumée. Car cet album, même s'il ne m'emmerde pas autant que le précédent, je ne l'apprécie pas plus que cela.

 

Cependant, à côté de mon appréciation négative, je lui reconnais moult qualités. D'où le fait que je comprenne énormément les webzines voisins qui encensent Kelem : à supposer que l'on arrive à se mettre dedans, il s'agit sans l'ombre d'un doute d'un grand album. Arkan adoucit son propos et lui insuffle une sensibilité exacerbée. La musique des Parisiens perd tout sens de voyage pour porter un constat, un regard à la fois posé, mélancolique mais fatalement réaliste. Et en bons Français que nous sommes, ayant vécus il n'y a pas si longtemps des attentats dramatiques, il faut admettre que cette thématique du terrorisme touche tout particulièrement. L'écriture de l'album ayant été originellement finalisée avant les derniers événements en date, on peut dire que pour le coup, les Parisiens ont été de sacrés visionnaires. Le tout est narré par la voix hyper-mélodique et gorgée d'émotion de Manuel Munoz qui ne démérite pas ici par rapport aux prouesses passées qu'il avait démontré durant la carrière de The Old Dead Tree. Mieux encore, on comprend parfaitement la décision d'Arkan quant à son intégration tant son timbre de voix peut rappeler certaines tonalités masculines orientales, l'utilisation de vibrato à outrance en moins. La musique évolue de la même manière que sa figure vocale, à savoir que l'agressivité death a été presque totalement évincée pour laisser une plus grande place à une mélodie plus sombre, atmosphérique et gothique. Les basiques du groupe se perdent afin de muter davantage vers une sorte de Vieil Arbre Mort sur lequel on imbrique des éléments orientaux. Ces derniers sont bien entendu toujours présents mais distillés avec beaucoup plus de finesse et intégrés au sein des morceaux avec beaucoup plus de finesse, à comprendre qu'ils ne sont pas forcément mis en avant et pourront même passer totalement inaperçus aux moins attentifs. Ce qui ne veut pas dire qu'ils aient moins de place pour autant : ils sont même totalement omniprésents mais relégués en toile de fond atmosphérique, subtilement perceptibles mais suffisamment manifestes afin d'imposer une ambiance arabisante à l'ensemble de Kelem. En cela, Arkan a franchement fait du très beau boulot. Tellement que si vous vous arrêtez là-dessus et reconnaissez et appréciez ce nouveau visage du groupe, vous pouvez rajouter facilement deux points, si ce n'est un peu plus, à la note affichée sur cette présente bafouille.

 

Mais voilà, à côté de tous ces bons aspects, quelque chose me chagrine dans ce Kelem. Je ne suis pourtant pas le profil-même à m'arrêter et me braquer sur l'évolution musicale d'un artiste. En général, c'est même tout l'inverse même. Mais en ce qui concerne Arkan, j'ai beau écouter, réécouter, toutes oreilles ouvertes et tolérante, ça me chiffonne. Le virage hyper-mélodique me laisse un goût curieux en bouche, le côté moins exagéré du développement de la facette orientale – auparavant plus exagérée et presque gimmick positive – également. A bien y réfléchir, c'était ce genre d'aspect que je recherchais et affectionnais chez les Parisiens : les contrastes entre extrême, mélodique et arabisant, aussi bien amenés de façon abrupte que plus graduelle. De même que ce côté plus exagérément arabisant tout court qui prônait le dépaysement et une certaine invitation au voyage par conduit auditif, à l'instar de combos comme Orphaned Land, Melechesh ou encore Nile. L'esprit qui vogue dans de lointaines contrées, le tout sans que le corps ne bouge de chez lui et sans dépenser un rond, hormis le prix du disque, une aubaine. L'absence de Sarah se fait cruellement ressentir également : même si sa trop grande mise en avant n'a pas forcément réussi à un opus comme Sofia, ses apparitions ajoutaient une touche de sensualité bienvenue. Qui n'existe malheureusement plus aujourd'hui, Arkan ayant préféré se focaliser sur autre chose et donc de ne pas trouver de subterfuge de remplacement afin de sauvegarder cet aspect. A vrai dire, seul « Erhal » - une vraie pépite d'ailleurs – conserve ces racines que j'affectionne tant chez le groupe parisien, ce qui est fort maigre sur un ensemble affichant pas moins de treize titres.

 

Alors, oui, je pourrais bien dire qu'Arkan, « c'était mieux avant ! ». Même si ça me gêne car cela me ferait vraiment passer pour une vieille conne conservatrice que je ne suis pas. Alors disons plutôt qu'Arkan m'a perdue en chemin car sa mutation musicale va à l'encontre de mes attentes quant à lui. Tout ce que je recherchais et affectionnais chez eux a quasiment disparu au profit d'avoir modelé un nouveau visage, heureusement fort réussi et bien meilleur que Sofia si l'on arrive à le sonder avec plus de distance. Une nouvelle facette à laquelle je n'adhère pas et ne fait plus vibrer comme un opus tel Salam a arrivé à le faire à sa sortie et le fait même encore maintenant lorsque je le réécoute. Pas de panique à y avoir pour autant : si Arkan aura sans doute perdu d'autres vieux partisans en chemin dans sa recherche d'évolution, nul doute qu'il arrivera à en rallier de nouveau avec ce Kelem.

photo de Margoth
le 29/03/2017

2 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 29/03/2017 à 12:59:22

Là. Comme ça on l'aura quand même chroniqué...

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 29/03/2017 à 16:50:03

Ah ben merdouille dirai-je poétiquement.

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