As We Draw - Lines Breaking Circles

Petite chronique tardive pour cet album des lavallois, ce qui nous permet de nous offrir un petit recul contextuel sur la chose… D’une part, As we draw, c’est un power trio de Laval (donc), qui, à l’époque de leur premier double cdep (frontside / background) pouvaient être catégorisé dans le sillage de groupes comme Breach, Breather Resist et autres machins de HxC  modernes un brin punk et rock n’roll… Quasi tout pareil que les Birds In Row, tiens… On peut aussi rappeler que les deux groupes se retrouvent avec leur dernier disque sur le même label, le très bien nommé Throatruiner. Pour finir sur cette petite synthèse préalable, il est important de noter que Lines Breaking Circles a déjà reçu un super retour presse et que, dans la vibe actuelle, As We Draw a plutôt la côte.

Alors moi je fais quoi ?!? Je rentre dans le rang, j’encense, et je passe pour un connard d’opportuniste tardif qui écrit des papiers qui servent à rien ? Ou alors, je défonce le disque en argumentant sur sa surévaluation abusive et je passe dans ce cas pour un chroniqueur frustré sans talent et avec un égo sur-démesuré… Si je me pose cette question, c’est précisément car, depuis la sortie de ce disque, je n’arrive pas à donner un avis clair dessus. Je peux vous jurer qu’il a pas mal tourné sur ma platine et, malgré ça, impossible de le digérer. Des fois je le trouve très bon, inspiré, original, construit, d’autres fois, je le trouve soporifique, facile, consensuel, linéaire. Mais, visiblement, le jour est venu pour moi de trancher et de donner un avis arrêté et une putain de note sur 10 à ce disque... C’est donc parti.

Déjà, première chose évidente, quand on s’enquille Lines Breaking Circles en entier au moins une fois : le trio a élargi ses horizons, un peu comme leur voisin de classe de Birds In Row, mais dans d’autres directions. La musique d’As We Draw se fait donc plus aérienne, plus réfléchie et plus contemplative que par le passé. Du coup, la pure énergie punk s’en retrouve bien entendu diluée tout au long des titres du disque (sans pour autant être mise à la trappe). La majorité des chroniques de ce disque ont brandi la pancarte « Cult Of Luna » pour dépeindre cette orientation… Ouais, pas con… C’est plus ou moins ça en effet. Mais contrairement à l’influence suscitée, les lavallois ne s’appesantissent jamais sur des plans trop progressifs et c’est plutôt bien vu. Clairement, des accalmies, des respirations, des mélodies, du chant clair, du crunch, il y en a et parfois sur des mesures entières et par couches successives ; mais tout le talent d’As We Draw consiste à construire des chansons qui s’auto-dynamitent à grand coup de breaks ravageurs et inattendus. Les montées en puissance accélèrent, les accalmies se font balayer. Du coup, ce côté un peu contemplatif (limite jazzy sur "Shield") ne me fait pas si chier que ça car c’est très intelligemment fait, et pourtant Satan sait que je déteste ce genre d’entourloupe habituellement.

Deuxième chose qui découle de la première, la musique d’As We Draw est riche, très riche… Trop peut être. J’en suis limite encore à me justifier de pas avoir réussi à digérer cet album plus vite mais c’est probablement cette avalanche de plans, d’idées et d’articulations qui m’ont sûrement fait décrocher plus d’une fois. Alors, certes, sur le papier, une musique qui mélange HxC moderne avec des trucs plus posés et plus lourds, le tout agencé dans des structures alambiquées et même parfois raffinées, ça peut paraître plutôt cool. Mais à l’usage, je me perds un peu et je retrouve le sempiternel reproche que j’adressais mentalement à Isis à partir de Panopticon : « mais bordel, pourquoi après cette putain de montée mortelle, vous me calez un pont avec du chant clair ?!? ». En clair, il m’arrive un peu trop souvent d’être tout simplement déçu par un plan ou un enchaînement au fil de mon écoute et je me dis qu’à avoir tout plein d’idées, on prend aussi le risque d’en avoir des mauvaises.

Pour conclure, je serais tenté de dire que la principale faiblesse de ce disque réside peut être dans une réalisation trop ambitieuse. Mais est-ce vraiment une faiblesse ? Au pire, As We Draw est un groupe qui se met en danger en sortant un album ultra dense, plein d’excellentes choses, avec un son de batard, une vraie ambiance partagée entre colère boueuse et respirations aériennes. Un putain de tube ("Draft"), un putain d’artwork, un putain d’objet sérigraphié main, un putain de label.

Lines breaking Circles est loin d'être mon disque favori dans le style, mais il en est pas moins un très bon album... Il semblerait qu'au final, je sois un connard d’opportuniste tardif…

Swarm

le 10/06/2011