Atrox - Orgasm

Chronique CD album (51:03)

chronique Atrox - Orgasm

Le Dernier du Kvlt (ou "les classiques découverts sur le tard") – épisode 6

La plupart du temps, dans les rédactions des médias métalophiles, une règle tacite veut que les grands classiques ne soient chroniqués que par ceux qui s’en sont abreuvés dès le biberon, ceux qui les connaissent sur le bout des tympans. Agir autrement serait risquer le faux pas, la risée générale, bref: l’opprobre publique. Et puis ce serait une faute de goût, un manque de « professionnalisme », et le ridicule assuré pour le malheureux qui serait passé à côté de la vérité collective – et donc universelle.

Eh bien rien à battre…! CoreAndCo et le lapinmikaze vous proposent en effet une série de chroniques thématiques qui revisitent certains classiques à travers un regard neuf, sans préjugé, suite à une découverte récente. Alors à vos fatwas: 3, 2, 1… C’est parti!

 

Il est non seulement normal, mais même extrêmement fréquent de découvrir un groupe à l’occasion de la sortie de son N+1ème album, alors même que le style pratiqué par celui-ci a évolué au point de le rendre méconnaissable (et parfois haïssable) aux yeux des fans de la première heure. N’empêche, pour faire connaissance avec Atrox, j’aurais quand même pu trouver plus représentatif que Binocular. Pas tant parce qu'il s'agit déjà là de la 5e sortie longue durée de la formation norvégienne, mais parce que c’est celle qui voit arriver Rune – un poilu! – au chant, alors que jusqu’alors c’était Monika – sans chromosome Y, donc – qui apportait son identité vocale au groupe. Et forte, mazette, l’identité en question! Vous comprendrez donc que, après un tel baptême atroxien, c'est dans la peau de l’amateur d’Iron Maiden période Blaze Bailey posant la première fois l’oreille sur Powerslave que j’ai découvert Orgasm (on y arrive!): décontenancé le lapin, mais nullement déçu.

 

Décontenancé donc, mais pas non plus violemment déstabilisé. Car sur le plan musical, si Orgasm est moins froid, moins "désincarné" que son successeur, il n’en reste pas moins une étape logique et naturelle dans ce parcours artistique qui a finalement abouti à Binocular. On y retrouve cet "Avant-Prog" de velours, moelleux mais musclé, qui sait développer de belles accroches en s’appuyant entre autres sur une basse ronronnante et d’énergiques salves de saccades semblant avoir voyagé jusqu’à nous depuis l’étoile Meshuggah sans escale par les planètes Djent ou Modern Death. Sans oublier cette touche légèrement frappée, dont l’artwork réalisé par Monika – et sans doute inspiré par Bosch – offre un bon aperçu visuel. Il suffit d'ailleurs de voir le dos du CD (sur lequel une série de portraits du groupe décline avec humour des variantes patronymiques improbables: Afrox, Batrox, Fatrox…) pour réaliser que la tournure d’esprit de ces zigotos-là les tient à portée de tir du royaume de Nawakland, contrée avec laquelle leur « Schizo Metal » – appellation maison – a forcément des frontières communes.

 

On reste d'ailleurs sur ce genre de considérations quand on aborde l’album en 2017, avec une oreille vierge de tout préjugé. Car en effet, l’écoute de ces 8 morceaux fait invariablement penser à une version apaisée d’Akphaezya. « Apaisée » signifiant ici que si l’équivalent cartoonesque des Français devait être une BD d’Edika, alors pour Atrox on serait plutôt face à un épisode de Garfield. Car si Monika part quelquefois dans des délires assez gratinés, si « Flesh City » laisse transpirer des accents plus latinos (vers 1:39), si la vitalité gothico-foraine des Stolen Babies semble vouloir se manifester au milieu de « Burning Bridges », sur Orgasm les Norvégiens ne se permettent pas non plus les gros pétages de boulard caractéristiques du Nawak Metal. Les morceaux développent surtout des ambiances duveteuses, épaisses, molletonnées, tapissées généreusement d'apaisantes nappes de synthé... Enfin: quand les zigotos ne décident pas de forcer méchamment l'allure au pas cadencé de riffs énergiquement syncopés.

 

Mais venons-en au dialogue qui s’est instauré entre cette charmante galette et notre petit cœur de rockeur. Point de passion ni d’amour fou ici, j’en ai peur. Du fait de certaines longueurs, et d’angles parfois trop arrondis. Du fait d’une sensation occasionnelle de tiédeur généreuse et anesthésiante. Du fait d’un trop grand nombre de caresses à la plume d'oie certes agréables, mais peu vivifiantes. « Heartquake » est assez représentatif de ce visage un poil trop sieste-sous-la-couette, le titre manquant d’une solide colonne vertébrale. A l’opposée, on applaudit à un « Methods Of Survival » pétant le feu, dont le refrain intègre de malicieux échos de castagnettes foutrement stimulants. On craque son slip sur un break de basse croustillant à 1:00 sur « Flesh City », et, plus loin, vers 3:00, sur ces saccades implacables. On se laisse séduire par « Burning Bridges », par « This Vigil » et par le Modern Thrash mordant mêlé de gratouillis acoustiques sur « Secondhand Traumas ».

 

En fait Orgasm est comme ce bon copain / cette bonne amie à qui on dit « Non » quand celui-ci / celle-ci finit par nous faire comprendre qu’il / elle voudrait bien « aller plus loin ». Bien qu’objectivement il / elle ne soit pas tout à fait notre type, on a quand même envie de le / la garder près de nous, y compris pour continuer à jouer (sadiquement?) au jeu de la séduction. Parce qu’il / elle est quand même sacrément mignon(ne).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: dernier album avec Monika au chant, Orgasm est un riche manifeste de Prog musclé, moderne et avant-gardiste. Il plaira notamment aux fans d’Akphaezya, enfin à ceux qui préfèrent les parties les moins barrées de leur groupe fétiche.

photo de Cglaume
le 23/07/2017

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