Black Sabbath - Black Sabbath

Chronique CD album (40:16)

chronique Black Sabbath - Black Sabbath

Comment, comment ignorer l'un des tout premier, si ce n'est le premier album qui déclencha ce nouveau son alors inconnu, qu'on appellera plus tard le "Heavy Metal", qualifié comme tel par un chroniqueur à propos de Jimmy Hendrix, comment peut-on passer à côté ? A priori, rien à cette époque n'avait pu mieux coller à la définition du Heavy Metal si ce n'est Black Sabbath. Par quel hasard ces fans de blues rock ont-il pu chercher à produire un son aussi révolutionnaire ? Serait-ce Ozzy Osbourne, inspiré notamment par les livres d'Aleister Crowley ? Ou bien, Geezer Butler, ce dingue du riff, maître architecte du groupe, qui aurait eu ces penchants ténébreux ? En fait de ténèbres, c'est surtout le premier titre, "Black Sabbath", qui distille cette musique lugubre, à l'image de Satan. Ce titre emblèmatique fera sensation, et deviendra très rapidement leur marque de fabrique.

 

Je vous préviens, cette chronique sera bien plus "scolaire" qu'une chronique normale, car malheureusement je suis né trop tard et n'ait aucunement vécu cette époque dorée où se groupe a pu faire ses débuts. Je ne peux qu'alors me répandre en louange envers la gloire passée, époque perdue, talents à jamais enfouis, blablabla... Mais ne vous méprenez pas : cet album est fait avec les moyens de l'époque, et lorsque je l'écoute, ce n'est pas du metal que j'écoute, ce n'est pas "juste parce que c'est eux qui l'ont fait en premier alors on se force", mais du blues rock comme en faisait alors Led Zeppelin et Jimmy Hendrix. Cet album, bien que précurseur de beaucoup de choses, reste avant tout un album à part, dans son temps.

 

Le paradoxe avec l'époque est entier, car Woodstock s'est terminé il y a encore peu de temps, Le rock psychédélique bat son plein, la vague hippie a encore quelques années devant elles, même si le crime d'Altamont y a déjà mit un sacré coup de frein. Mais ce qui se passe aux USA n'a pas nécessairement à voir avec ces Anglais de Birningham, et c'est bien cet excentrique d'Ozzy Osbourne qui a eu l'imagination d'aller à contre-courant des chevelus à fleurs. Pourtant, les fleurs, ça les connait, et les "peace and love", la chrétienté des musiciens, cela n'a certes rien à voir avec les lugubres délires de Slayer, Nargaroth ou encore Deicide... Et pourtant, sans le Sabbath, le metal ne serait pas ce qu'il est à présent.

 

A la question "d'où cette idée de faire une musique aussi lugubre" leur était venue, la réponse en est assez surprenante : à leurs débuts, le groupe jouait alors dans un local de répétition situé juste à proximité d'une salle de cinéma. Cette salle était alors spécialisée dans les films d'horreur. Les 4 bonshommes se sont alors rendu compte de l'affluence à ces films d'épouvante, et ont alors décidé de tourner leur blues rock vers une frange jusqu'alors inviolée, le terrain de Satan. Les musiques de films utilisaient parfois cette gamme pentatonique pour donner un effet dramatique, ils s'en sont inspirés.

 

Le volet historique passé, c'est bien l'album qui nous intéresse. Certes le grand Sabbath à l'époque n'était pas le seul à parler de maléfices obscurs, car il ne faut pas oublier Coven, qui déjà faisait le signe de la bête en 1969. Mais, là encore, leur musique ne restait qu'un rock progressif très folk, peu porté sur la lourdeur qu'Ozzy et sa bande ont su imposer. Et pour comprendre cela, il vous suffit d'écouter le premier titre de cet album, "Black Sabbath", qu'on peut sans hésitation définir comme le premier morceau de Doom metal. Le tintement de cloche donne le ton tandis que la lourdeur des guitares se borne à égrener trois accords avec une lenteur incroyable, impensable pour l'époque, imaginez, personne n'avait cherché à jouer aussi lentement depuis Wagner ! La voix d'Ozzy semble terrifiée, atterrée par la présence du grand maître des enfers qui vient lui rendre visite à la nuit tombée. Il supplie, gémit et appelle à l'aide... Mais personne ne vient.

 

Certes. Mais il ne faut pas oublier que dans cet opus c'est un pur blues rock qui domine, teintés de quelques timides influences jazz, et qu'après ce premier titre démonstratif on trouve un très bon album de progressif, qui toutefois ne peut s'empêcher de céder à son penchant pour une certaine lourdeur, je pense notamment à "N I B". En fait il s'agit d'une alchimie à la fois simple et complexe qui définit ces morceaux de Black Sabbath : ils sont structurés ces trois éléments que sont le groove, la lourdeur et le thème (qui ne ressort parfois que par le biais des lyriques) de l'épouvante. Quoi qu'il en soit, tout dans cet album est à prendre : "Sleeping village" est particulièrement pesant, "The Warning" a presque de "swing", et même le solo de Iommi y est classieux (je ne suis pas fan des solos à la base), et sa reprise blues en plein milieu a quelque chose d'irremplaçable. C'est d'autant plus étonnant quand on sait que trois doigts lui ont été entamés suite à un accident de travail... Il était métallurgiste.

 

 

Achat ou pas achat ? Achat.

 
La voix d'Ozzy, tant critiquée par certains, aura toujours cette aura, ce quelque chose de nasillard que personne ne saura jamais imiter. De toute façon, aucun des musiciens ne fait office de cinquième roue du carrosse, et musicalement ce groupe avait déjà son potentiel tant par la complexité de leurs compositions que par le son totalement novateur à l'époque. Même encore maintenant, on ne peut nier que cet album est encore d'actualité, et on ne compte plus les groupes qui font honneur à ce monument par des reprises
 
Si cet album n'a pas été tout de suite accepté par la critique, et encore moins par l'Angleterre puritaine de l'époque car vu comme satanique, il est aujourd'hui sur les marches du panthéon du rock. Mais je vous en supplie, n'allez pas brandir haut cet album si vous ne voyez là que les fondateurs du metal, surtout si vous même n'accrochez pas au style. Il ne s'agit pas là que du "père fondateur", eux même n'imaginaient pas ce que cela allait engendrer à l'époque. Il s'agit d'une perle musicale tout court, qui n'est pas plus démodée que Led Zeppelin, et je vous enjoint de vous faire vous même votre propre opinion à ce sujet.
photo de Carcinos
le 16/01/2011

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