Cult Of Luna - A dawn to fear

Chronique CD album (80:00)

chronique Cult Of Luna - A dawn to fear

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(On entend les oiseaux qui chantent)

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Pfff, mais ça fait déjà un demi-Tool qu'on l'attend cet album de Cult of Luna. 6 ans, c'est pas rien, surtout que Vertikal était formidable !

(Quand, tout à coup, l'écran s'allume tout seul)

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C'est incroyable Jamy, tu devineras jamais ce qu'il se passe ici ! On a le nouvel album de Cult of Luna dans les oreilles depuis des jours et on arrive pas à s'en défaire ! C'est juste complètement dingue ! Faut que tu viennes écouter ça avec nous !


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Ok je tente d'apprendre à faire mes doigts de metal sur la route et on parle de tout ça dès que j'arrive ! Allez, en route Marcel, direction la Suède !


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(Guitare hard-rock à fond de balle : le générique de C'est pas sorcier est lancé)


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Nous sommes ici, en Suède, là où tout a commencé : les membres de Cult of Luna y sont nés, y vivent et y trouvent leur inspiration depuis 20 ans. Il est 14h15, la nuit est tombée entre Motus et les Z'amours : autant vous dire qu'ici, la vitamine D nécessaire au moral, au bonheur et à l'optimisme est une denrée rare. J'sais pas si j'vous fais un topo sur la vie de CoL depuis 1998...

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-Hey ! La petite voix, ça te dit qu'on revienne sur la carrière de Cult of Luna

-Franchement ? Rien à péter mec, on les connaît par coeur, moi j'veux juste savoir si cet album démonte. Et elle est où ma copine Sabine ? 
-Tu parles de la personne qui avait été hypocritement embauchée parce qu'elle représentait à la fois les femmes et une minorité visible, que la démarche se voyait grave au point d'en être gênant, mais dont les qualités pédagogiques et la sympathie rattrapaient ce petit coup d'image politiquement correct lancé par la production et exigé par la chaîne au début des années 2000 ? 

-Oui

-Ben j'en sais rien. Allez, comme tout le monde se branle de replacer dans son contexte cet album A dawn to fear dans la carrière d'un groupe aux deux décennies, 8 albums (en comptant Mariner avec Julie Christmas) qui ont sans cesse remodelé le post-hardcore...Ben j'vais aller le réécouter avec mon copain Jamy dans le camion.

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-T'as vu à quelle vitesse on s'est changés ? Par contre j'suis pas fan de ton T-shirt : il est laid celui-là. Bon, mon Jamy t'en dis quoi ? Hein, t'en penses quoi ? 
-Tes remarques sur mes goûts vestimentaires me blessent. Tu sais que j'ai du mal à m'assumer. Sinon pour l'album, c'est la claque. Mais comment expliquer à nos p'tits amis à quel point c'est bien ? 
-Pour commencer, on pourrait aller dans un studio pour parler du son ? J'enfile ma veste sans manche en daim de beauf du Balto et je décolle.

-Allez, puis comme moi j'ai un T-shirt assez ridicule, j'vais rester enfermé ici.

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Alors, ce n'est pas vraiment ici que Cult of Luna a enregistré son disque. Par contre on l'a choisi parce que c'est dans celui-ci qu'ont été enregistrés les premiers succès de Tonton David (on est resté à Paris, coupure budgétaire / service public tout ça), mais ça c'est une autre histoire. 
Non, le plus important est là : tu vois tous ces petits boutons ? C'est ce genre de truc qu'a vu Magnus Lindberg pendant des semaines, lui qui s'est tenu derrière ce genre de table et a tout bidouillé pour A dawn to fear. Le résultat est bluffant : évidemment, le son des musiciens, les choix de chaque protagoniste avec son instrument jouent un rôle prépondérant dans le résultat final mais le mix, parfait, et le son plus généralement de ce disque sont d'une puissance addictive. Quelque chose t'amène étrangement à toujours vouloir pousser le volume plus fort, comme pour te sentir englobé / avalé par ce son hypnotisant. On avait déjà pu frémir devant l'incroyable expérience de Vertikal, au point que ce dernier semblait être un test pour la solidité des fenêtres Tryba. Ici, on sent une certaine mesure, une descente d'un cran pour laisser un peu plus d'expression à la musique.
Certains le qualifieront d'organique (comme Johannes Persson le dit lui-même), d'autres (comme moi -donc ça vaut ce que ça vaut-), a contrario le diront "froid" voire parfois déshumanisant.
Il y a sans doute un peu des deux : ce son, c'est comme si tu touchais le corps encore chaud d'un mort. Tu vois l'ambiance ?

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Ha oui Fred, je ressens bien ce que tu veux dire, c'est vrai qu'on est carrément happé par ce son. Mais tu pourras faire tous les efforts du monde, avec tous les moyens du monde, tu ne sortiras jamais rien de correct (sauf si tu fais du rap-variété pour des collégiens qui n'ont pas encore pu se faire une culture musicale), sans des musiciens de talent. J'vais te dire, après avoir changé de T-shirt, ce qui fait aussi que cet album est génial. 
 

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Tu vois cette planète ? C'est la nôtre. Certains pensent qu'on va tous bientôt crever. Ben je suis persuadé que Cult of Luna se le dit aussi et que ce disque est le chant du cygne qu'il adresse à l'humanité.
 

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Regarde aussi ces oscillations : elles représentent le moral vacillant et cyclique d'un humain normal. On a tous des hauts et des bas dans la vie, c'est normal, ce serait même hormonal aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Y'a des jours où on a la force de caractère pour assumer de porter des T-shirts verts dégueulasses et d'autres pas. Tu vois, là d'un coup, j'ai eu le courage de l'assumer.

Quand on est Cult of Luna, on est toujours en bas : ça communique pas en concert, ça porte des vêtements noirs, ça fait la gueule tout le temps sur les photos promos. Ils y croient plus en l'humanité les mecs ! Quand t'appelles ton album A dawn to fear qu'on traduira par Une aube à craindre, c'est que t'as pas l'esprit jouasse et pas trop confiance en l'avenir. Cette sensation qu'on agonisera dès demain, le groupe te la retranscrit pendant 1h20 ! Le plus dingue ? Dans ce qu'on appellera un dossier de presse (en réalité 4 lignes promos avec des mots de Persson dedans), ce disque n'aurait aucune thématique particulière. Pourtant il s'en dégage constamment un pessimisme frappant et une mélancolie teintée d'un sentiment désabusé et du renoncement. 
Les Suédois s'échinent à soigner ce sentiment par divers moyens :


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BOOM BOOM BOOM : TOUT D'ABORD LA BATTERIE !

C'est fou ce que des percus peuvent apporter à un album ! Tu peux choisir de les faire sonner comme sur St Anger (et là ça fait rire tous les copains), ou alors t'as une batterie hyper-lourde, grave, tu peux même choisir de la doubler sur certains titres pour mieux marquer le rythme et la puissance obligeant ainsi l'auditeur à caler ses pulsations sur le rythme que t'imprimes dans ton morceau.
Comme Cult of Luna t'a poussé à mettre la blinde de volume, tu ressens chaque frappe de tom dans ta poitrine. À partir de ce moment-là, t'es foutu : CoL t'a embobiné pour ses périples qui durent jusqu'à 15 minutes. De toute façon, soit on se fait bouffer dès "The silent man", soit on ne rentre pas dans l'album. Mais vu la réussite de ce premier titre, à la fois épique et efficace, j'vois pas trop comment tu peux résister.
 

T'as du lourd, mais t'as aussi quelque chose de métallique dans ce disque, et ça, c'est plutôt l'apanage des guitares ("Inland rain"). 

Ce groupe a depuis longtemps dépassé l'étiquette "post-hardcore" dont il fut un des leaders, notamment avec Salvation. Si le groupe ne se défait pas de certains de ses gimmicks, s'il s'impose un titre très calme (le post-rock désenchanté de "We feel the end") il a aussi fait l'effort d'aller au-delà de sa zone de confort. Le disque est certes reconnaissable entre mille (tu piges tout de suite que c'est CoL), mais il parvient, in fine, à ne pas avoir grand chose à voir avec le reste de la discographie.

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J'suis allé changé de vêtement : c'est que c'est sportif la batterie, j'étais tout mouillé de transpi !

J't'ai pas encore parlé du clavier ! S'il fallait résumer le rôle du synthé je dirais..."The keyboard is the new bass".
Absolument indispensable mais parfois si discret ! Hormis à de rares occasions où il peut s'offrir une petite mise en avant, le clavier est ce "truc en plus" qui fait tout : il glace le son, il le "psychédélise" (attention, c'est pas Grateful dead non plus), il articule entre eux les différents mouvements des morceaux de 15 minutes, il nous plonge dans une atmosphère parfois solennelle, digne d'un requiem post-moderne lorsque le reste de l'orchestre se veut plus chaotique ou au contraire complètement silencieux.

Moi j'essaie de faire pareil mais ça marche pas. Je vais tenter de jouer de la trompette, lol.
 

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Moi j'voudrais dire un petit mot aussi sur le chant. La grosse voix de Persson est idéale pour ce disque. Elle est également touchante lorsqu'il sort fragilement quelques phrases sur le grésillant "We feel the end". Le chant est aussi notable lorsqu'il a le bon sens d'être...absent. Tout en mesure, la petite musique de CoL peut s'installer : le bramement gras du viking est toujours utilisé à bon escient. Vertikal n'avait pas cette profondeur, cette émotion que transmettent ici ses cordes vocales.


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Si je me suis fringué comme ça, c'est parce que ce que je vais dire maintenant fait appel à ma subjectivité. C'est donc à prendre avec des gants. Mais comme j'en avais pas, j'ai mis une combi, lol.

Un peu de sérieux : je ne vois pas comment un tel album ne peut pas plaire à un fan de ce genre, de cette musique.
A dawn to fear n'est pas un album facile d'accès sur le papier avec ses titres d'un quart-d'heure, avec cette ambiance moins réjouissante qu'un congrès de comptables. Pourtant il défile pendant 1h20 comme s'il était la BO du dernier matin, d'un jour sans lendemain. C'est déprimant vu comme ça...et ça l'est ! Mais c'est aussi un grand moment de partage, peut-être pas comme ceux que l'on idéalise dans la chaleur et l'amour, sauf que ces 80 minutes passionnées sont l'expression d'un fanatisme inconditionnel pour le style dans lequel opère Cult Of Luna ces vingt dernières années. Ce groupe a absorbé tant d'influences de chacun de ses membres qu'il recrache ici des créations fouillées, arrivées à maturité, aux structures plutôt complexes, mais étonnement fluides. 

Si je m'étais écouté, j'aurais fait ma propre interprétation de chacun des morceaux et ce rien qu'à partir du titre (n'ayant pas accès aux paroles et ne bittant rien à ce qui se chante) souvent suffisamment évocateur pour, aidé par la
musique, se créer toute une histoire.
D'ailleurs, tu l'as peut-être remarqué, j'me suis pas trop arrêté sur le fond des morceaux, sur ce que t'y trouves, ce qu'il s'y passe : j'te laisse volontairement la surprise et le plaisir du ressenti personnel. Mais j'vais juste m'attarder sur la pochette.
Jamy, t'y vois quoi toi ? 
 

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Une galette de riz géante ou une crêpe un peu trop cuite ?


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T'es vraiment un connard.

Moi j'y vois le coeur d'un tronc d'arbre. Et attention, j'me suis peut-être désapé mais imagine que j'suis encore dans ma combi de subjectivité et d'interprétation.

Tu vois ça ? Quand on abat un arbre, on voit des sillons. T'es pas sans savoir que chaque ligne est une saison et c'est ainsi qu'on détermine l'âge d'un arbre. Bref, c'est pas vraiment ça qui importe. Moi, ce qui m'interpelle, c'est de voir ce cylindre coupé.

Les Suédois (en général, pas ce groupe en particulier) ont un rapport très particulier avec leur territoire très boisé (40% de leur superficie quand même) et c'est pour ça que j'imagine que c'est une photo d'un tronc. J'suis dans la symbolique et la supposition, mais j'y vois "LA FIN". Celle désormais plutôt commune de notre Monde, qui est une idée qui fait son chemin, surtout dans nos musiques énervées, mais celle aussi selon laquelle Cult of Luna est arrivé au bout de quelque chose, parce que ce rond pourrait tout aussi bien être un vinyl ou un CD.
Ça m'évoque surtout la mort de quelque chose. Quand on coupe un arbre, il meurt. La matière vivra encore, mais l'arbre meurt. Cette pochette, sombre, peut être une allégorie de l'humanité : elle a vécu un certain temps (pas qu'en des temps lumineux) et là, d'un seul coup, tout va finir et lentement mourir. 
VIIIOOUMMMM un passage de tronçonneuse de quelques secondes et une vie centenaire s'est arrêtée pour ce pauvre arbre. Ben, à l'échelle de l'humanité et de la planète, ce serait pareil. Ou alors à l'échelle du groupe...

Ce disque repousse d'autres limites : pas sonores comme sur leur précédent, elles sont cette fois musicales et philosophiques (sur la construction des titres, sur l'implication de chaque instrument, sur l'atmosphère dégagée), au point même que je me demande si ça ne serait pas là l'annonce indirecte / inconsciente de leur dernier (mais aussi plus grand) chef-d'oeuvre.


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Monsieur Fred, je suis le Dr Personne, vous allez beaucoup trop loin. Il existe une version limitée à 2000 exemplaires de ce disque avec un artbook de 48 pages qui devrait nous éclairer un peu plus à ce sujet. Sauf que là, à l'heure où vous parlez, on est à 20 jours de la sortie du disque et on ne sait pas ce qu'il contient. Cessez vos propos incohérents et brouillons, et arrêtez d'imaginer tout et n'importe quoi...venez plutôt vous reposer dans notre grande maison...on a des chambres sans fenêtres mais avec de jolis capitons au mur pour profiter d'une acoustique parfaite et profiter de ce bijou sonore. C'est très agréable vous verrez...


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(La petite voix) Vite Jamy, dépêche toi, faut qu'on aille chercher Fred, il nous pète un boulon et y'a des gens qui veulent l'enfermer !
Oulala t'as raison ! Allez Marcel, mets le moteur en route ! On va sauver notre copain !


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Coucou Jamy, ton copain Marcel est parti faire un petit tour en bus, alors je le remplace...


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(La petite voix) Putain, c'est pas Emile Louis le vieux là ?!
Et ben, si j'dois crever ici, autant que ce soit dans mon T-shirt préféré. En tout cas, j'sais pas si c'est le dernier album de Cult of Luna, mais j'sens que c'était notre dernière émission ! Allez, salut et écoutez le disque de l'année !

photo de Tookie
le 09/09/2019

10 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 09/09/2019 à 09:44:27

Oui il est très bon. J'ai juste un petit souci avec sa durée, trop long peut-être, mais vraiment bien foutu.

Xuaterc

Xuaterc le 09/09/2019 à 11:45:49

Une question me turlusguègue à la lecture de cette (excellente) chronique: où as-tu trouvé toutes ces captures d’écran?

Tookie

Tookie le 09/09/2019 à 12:00:59

J'ai regardé deux trois épisodes de l'émission et dès qu'un instant de l'émission me semblait utilisable pour la chro, je faisais une capture d'écran...c'est donc du fait-maison :-)

Knut

Knut le 09/09/2019 à 12:36:46

Du grand art cet article, j'ai tout lu avec les voix des protagonistes dans ma tête, haha ! Bon je file écouter ça...

cglaume

cglaume le 09/09/2019 à 12:56:24

Haha, excellent Touktouk !! :)

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 09/09/2019 à 21:24:41

Je ne supporte pas le groupe depuis au moins 1998 mais la kro c'est du grand art "T'es vraiment un connard." (p'tain c'est pas mal The Silent Man, en fait)

Xuaterc

Xuaterc le 10/09/2019 à 16:50:56

A l'écoute du disque on peut se dire que ce n'est pas sorcier de faire un bon album de Post-Hardcore

Dams

Dams le 20/09/2019 à 15:26:46

Une poutre monumentale ce disque ! La production est différente et c'est une réussite, un "magma" sonore où tous les instruments trouvent leur place. La fin du monde s'annonce épique...

Tookie

Tookie le 03/10/2019 à 19:17:00

Pour la petite histoire et pour les mecs qui n'écoutent qu'en streaming : j'ai le livret, on voit rien à part la forêt durant la nuit. j'espère qu'ils avaient une carte fidélité chez Cartidge world, parce qu'ils ont dû niquer une paire de cartouches noires.

Tookie

Tookie le 11/02/2021 à 15:40:54

(NB : beaucoup de photos ont disparu, un jour j'aurai le courage de les remettre et de redonner un peu de sens à certains passages de cette chronique)

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