Cult Of Luna - The Long Road North

Chronique CD album

chronique Cult Of Luna - The Long Road North

S’il existe un groupe qui jongle à merveille avec les notions de constance et de cohérence, c’est bien Cult of Luna. Deux notions auxquelles l’un des fers de lance les plus charismatiques du post metal mondial ajoute celle d’excellence. Il y a quelque chose qui relève de l’évidence, chez le combo suédois. On se sent en terrain connu, mais la déco change à chaque visite. Elle s’enrichit de nouveaux détails, disposés avec une précision empirique. Avec The Raging River (2021), sorti peu de temps après A Dawn to Fear (2019), on pensait que le groupe clôturait un cycle et en entamait aussitôt un nouveau. On appréhendait cet inconnu avec sérénité, appétence et confiance, car on savait que les prochains territoires que le groupe explorerait s'avèreraient déjà riches des trésors glanés sur le chemin parcouru jusqu’alors. On appelait la suite de tous nos voeux. Et c'était sans compter avec la créativité extrêmement en verve de la bande à Johaness Persson. Car voilà-t-y pas qu'à peine un an après cet EP en forme de LP (40 minutes), qu'on envisageait comme une conclusion, le groupe revient avec un nouveau monument, The Long Road North, qui sonne, à l'instar de ce que semble signifier son titre, comme un retour au bercail, sur les terres nourricières, après une absence éreintante. En clair, la voilà, la véritable conclusion du cycle, le terminus, le dernier volet d'une oeuvre titanesque à embrasser dans son ensemble, constituée des 3 dernières sorties du groupe, celle-ci incluse.

 

Adonc, The Long Road North se glisse dans le sillage de ses 2 prédécesseurs, sans se contenter de rester dans leur ombre. On y retrouve cette propension à allier, avec une déconcertante et apparente aisance, des mélodies avenantes à la réception immédiate, notamment par le truchement des partitions des claviers, amples et éthérées, jamais là pour se réduire à un habillage facile mais faisant partie intégrante des structures, et de longues plages hypnotiques nourries par des boucles de riffs telluriques et emportées par la rage des hurlements de Persson. Le tout solidement campé sur les assises rythmiques sans faille dispensées par la paire basse/batterie.

 

Histoire de bien rassurer son auditoire, les 2 premiers titres, Cold burn et The Silver Arc fonctionnent sur ce schéma. Ces 2 chansons témoignent du savoir-faire des Suédois quant à la maîtrise de leurs propres codes, ceux qui définissent leur style, leur univers, leur identité, mais y apportent un sentiment de fraîcheur qui évite toute sensation de redite. En clair, on y retrouve, non pas des éléments assemblés de leurs gimmicks, mais un mélange subtil des traits de caractère de leur musique, des motifs industriels de Vertikal aux envolées du récent Raging River. Le tout agrémenté des ingrédients de post-hardcore, de post-rock et de sludge qu’ils se sont appropriés depuis leurs débuts.

 

Du reste, cette fraîcheur se manifeste également par la présence d'invités, parmi lesquels Mariam Wallentin et sa voix envoûtante proche de celle d'une Marianne Faithfull sur un court titre tout en délicatesse cristalline (Beyond I) et Colin Stetson qui propulse en douceur la fin de l'album dans les confins stellaires de l'infini avec un instrumental tout en nappes cosmiques : Beyond II. D'ailleurs, si l'album accueille tout connaisseur de l'oeuvre de COL avec une certaine forme de bienveillance, il lui réserve moult surprises qui ne se résument pas à un chapelet de name dropping de catin de luxe. Autant nichées dans des titres relativement courts comme des trouées et des respirations providentielles (Full Moon) au milieu des étoiles qu’on aperçoit au-delà des tempêtes, littéralement liées aux pièces monumentales telles que la chanson qui lui donne son nom, ou encore dans l’une de ses pièces centrales, An Offering to the Wild, avec sa longue intro élégiaque de 5 minutes, dans une veine progressive tout en montée en puissance, que représentées par de déroutantes nouveautés dans le répertoire du groupe. Ainsi, Into the Night, sorte de ballade mélancolique, magnifiée par le chant clair du guitariste Fredrik Kihlberg, trompeuse dans son groove chaloupé, car complètement épique dans la déflagration infernale de son final. Quand Neurosis rencontre Sigur Ros, ça donne Cult of Luna dans ce qu’il possède de plus délicat et de plus furieusement introspectif. Pour le reste, l’album illustre à merveille l’adage selon lequel la vie est une série de cycles. A l’issue de chaque écoute, il y a du réconfort dans les déchirants assauts de sa férocité et une certaine forme de purgation des passions.

photo de Moland Fengkov
le 07/02/2022

7 COMMENTAIRES

Pingouins

Pingouins le 07/02/2022 à 13:20:09

L'intro est presque identique à celle de I Am King de Code Orange. Même si la comparaison s'arrête après quelques secondes.

Assez hâte d'entendre l'ensemble du disque !

Moland

Moland le 07/02/2022 à 15:07:21

Y a au moins 3 pièces monumentales sur l'album et les titres courts et calmes ne sont pas en reste. Sinon, t'as la pseudo ballade de disponible, avec sa fin épique. 

zaaab

zaaab le 08/02/2022 à 06:19:56

à mes oreilles cet album sonne comme leur meilleur depuis Somewhere along the highway". par contre je ne sais pas si c'est fait exprès mais le riff de fin de "An Offering to the Wild" sonne comme un ersatz de "forty six & 2" de Tool.

pidji

pidji le 08/02/2022 à 08:31:55

Oui, d'accord avec toi Zaaab, j'ai pris du plaisir à écouter cet album, chose qui ne m'était pas arrivé depuis quelques temps avec COL. Il y a des variations bienvenues.

Tookie

Tookie le 08/02/2022 à 12:47:41

Un excellent album. Il y a toujours une profondeur dans les compos de COL qui font qu'on y revient sans cesse. Et puis c'est vrai, il y a cette variété qui sort un peu de l'aspect plus "conceptuel" de Vertikal et A dawn to fear...
Faudra voir avec le temps, mais c'est peut-être l'album le plus accessible, le plus rapidement assimilable depuis Salvation...

Pingouins

Pingouins le 08/02/2022 à 16:22:32

Ptain je commence à être jaloux de n'avoir pas encore pu l'écouter en entier 😢

Pingouins

Pingouins le 09/02/2022 à 18:23:03

Bon et ben je ne peux qu'abonder dans le sens de mes illustres camarades : mine de rien, il y a un peu de renouveau dans l'écoute de ce The Long Road North, et plus d'un passage tout à fait excellent. La fin de "Blood Upon Stone" m'a bien marqué, un peu à la manière de "The Fall' sur A Dawn To Fear.
Les deux premiers morceaux sont très bons, avec plus d'une sonorité sortie de nulle part et des arrangements souvent excellents. "Beyond I" m'a très agréablement surpris, alors que je suis généralement rétif aux ballades de CoL (sauf "We Feel the End").

Alors que The Raging River m'avait plutôt laissé indifférent, après un excellent A Dawn to Fear, on revient ici à du très bon Cult of Luna, encore chargé d'univers qui n'appartiennent qu'à eux.

@Tookie: je trouve celui-ci bien plus sombre que ne l'était Salvation, plus proche de Something Along The Highway dans l'esprit, et je me demande si ce n'est pas notre accoutumance à leur musique (et à d'autres) qui nous le fait ressentir comme facilement assimilable, alors qu'en 2004 c'était un peu plus "nouveau". En tout cas il glisse tout seul, à mesure d'écoutes il va y avoir match pour le classer entre Salvation, Somewhere et A Dawn to Fear.

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements