Deicide - Deicide

Chronique CD album (33:35)

chronique Deicide - Deicide

Les androgynes à moumoutes permanentées et rouge à lèvres outré, facile: c’est typique du folklore glam. Les vieux bandanas et les tatouages « Love Brooklyn & Mummy » sur biscotos saillants, y a pas à tortiller: c'est la marque du hardcore "tough guys". Les croix renversées, les crachats haineux, les « Hail Lord Satan » à la pelle, easy: c'est plein cap sur le black… Quoique, attendez-voir: Deicide, c’est pourtant bien du pur death metal from Tampa non? En effet, en purs produits de leur environnement – la Floride des Morrisound Studios mais aussi celle des prêchi-prêchas de la Bible Belt – Glen Benton, Steve Asheim et les frères Hoffman ont, dès leurs débuts en tant qu'Amon, développé un death metal plein d’une haine viscérale pour le Vieux Barbu et les grandes réunions Tuperware organisées à sa gloire... A en faire passer le code de conduite de l’Inner Circle pour la liste des 400 coups d’une bande de scouts désœuvrés.

 

Et il faut croire que le Bouc en Chef les a très tôt pris sous son aile protectrice, car dès leurs 1ers glaviots blasphémateurs crachés à la face du monde, les cordes vocales de possédé du sieur Benton et les riffs aussi accrocheurs que fielleux des frères Hoffman provoquèrent stupeur, tremblements, puis dévotion auprès d'un public metal pas forcément habitué à autant de véhémence en cette époque où la scène extrême en était tout juste à sortir de l'âge Pampers. Puisqu'on est dans les couches, rajoutons-en une: la légende dit qu’avec pour tout bagage la démo Feasting the Beast enregistrée dans son garage, ainsi que sa suite, Sacrificial – cette fois enregistrée sous la houlette de Scott Burns –, le leader ténébreux du groupe se serait rendu dans les bureaux de Roadrunner, assénant un tonitruant « Sign us, you fucking asshole! » à Monte Connors, le boss du label… Cette leçon de diplomatie au lance-pierres aura eu pour effet l'obtention d'un contrat qui courra sur pas moins de 6 albums, ainsi qu'un changement de patronyme les conduisant à devenir Deicide.

 

Premier véritable album du groupe, Deicide est non seulement un monument d’impiété musicale, mais également l’un des plus gros vendeurs de l’histoire du death metal (au coude à coude avec Covenant de Morbid Angel). Il faut dire que le charisme noir de son leader a de quoi marquer les esprits, celui-ci ayant le goût du spectacle, ce qui l'amène notamment à se scarifier le front à grands coups de croix renversée chauffée à blanc, et à faire des annonces tapageuses à propos de son suicide, prétendument prévu pour ses 33 printemps. Mais contrairement à Marilyn Manson, Deicide n’a pas comme unique atout une aptitude incontestable pour le grand guignol sataniste. Non, le groupe a également dans sa besace un death metal aussi haineux qu’acide, alternant mid tempos imposants et accélérations démoniaques, mélodies sulfureuses et vocaux tous droits sortis des forges d’Hades (Glen étant d’ailleurs régulièrement secondé par les grognements vomitifs d’une bébête qu’on imagine plus proche de Cerbère que de Droopy). D'ailleurs pas vraiment d’équivalent à cette noire recette à l’époque, ou alors peut-être chez Morbid Angel, et encore, de loin. Et au final on ne compte quasiment que des tubes sur ce premier album, parmi lesquels ma préférence va à « Sacrificial Suicide » et sa dynamique d’hymne guerrière conquérante (malgré une légère baisse de régime au milieu, vers 1:22), « Blaspherereion » qui harcèle l’auditeur en une incessante succession d’attaques reptiliennes tourbillonnantes, « Carnage In The Temple Of The Damned » et son aura maléfique puisant sa source dans le meurtre rituel de masse perpétré à Jonestown, ou encore « Crucifixation » et son refrain asséné avec la violence barbare de coups de fouet sur des muqueuses meurtries. Mais j’aurais encore pu citer « Dead By Dawn », dont la simplicité n’a d’égale que l’efficacité.

 

Quelques menues imperfections requerront néanmoins toute l'attention du Bureau des Réclamations: en effet, sur Deicide ce sont surtout les titres extraits de la démo Sacrificial qui cartonnent, les autres – qu’ils soient extraits de la première démo ou qu’ils aient été composés pour compléter la tracklist – sont quand même moins inspirés. Je trouve notamment que « Deicide » (partiellement) et « Oblivious To Evil » (surtout) repiquent nombre de plans à « Sacrificial Suicide », sans toutefois jamais l’égaler. Autre aspect pas forcément enthousiasmant: les soli des frères Hoffman s'avèrent parfois exagérément épileptiques et pas suffisamment dans les clous – comme sur « Dead By Dawn » par exemple.

 

M’enfin on pourra tortiller autant qu’on voudra à propos de tel ou tel aspect, il n’en reste pas moins qu’on ressort de l’écoute de l’album avec le poil roussi et la sensation que l’on vient d'assister à une manifestation du Malin, à une véritable débauche d'une haine aussi pure que noire. Et en bons petits métalleux qui ne vont pas toujours se laver les mains avant de manger et qui ne frottent pas toujours bien consciencieusement derrière leurs oreilles au moment de la toilette, diable que cette débauche de barbarie blasphématoire nous fait du bien par où elle passe! Et dire que cet album ne constitue que la saison 1 de « Satan & the City » …!

photo de Cglaume
le 24/04/2011

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