Endon - Boy Meets Girl

Chronique CD album (29:42)

chronique Endon - Boy Meets Girl

Je doute fortement qu'il y ait forcément eu concertation entre les deux intéressés mais toujours est-il que je remercie chaleureusement les Australiens de Portal et les Japonais de Endon de sortir de nouveaux albums sur des années différentes. Parce que si j'apprécie l'expérience extrême et tord-boyaux provenant du fin fond d'une caverne paumée au fin fond de l'Océanie et que le délire noisy post-Hiroshima m'avait bien fascinée sur Through The Mirror au point de récidiver en m'attaquant à ce Boy Meets Girl fraîchement sorti sous nos latitudes, je doute fortement que j'apprécierais de me prendre de telles déflagrations sonores tous les mois. Mes tripes n'y survivraient sans doute pas, mes légers acouphènes n'ont nullement besoin de se développer davantage et si je pouvais conserver une certaine cordialité avec mes voisins, ce serait vachement cool aussi. On se contentera d'une fois par an pour ce genre d'expérience anti-musicale donc...

 

Pour le coup, Endon, en deux ans, n'est pas sorti de sa volonté de nous déballer la bande-son d'un film imaginaire créé au sein d'une société post-apocalyptique. Et non un énième film post-apo créé par notre société, qu'elle soit hollywoodienne ou de série B, voire Z. Parce que l'identité sonore est tellement ancrée dans le délire qu'il n'y a absolument rien de gimmick grossier. Ca pue l'ambiance post-catastrophe nucléaire comme si vous y étiez. A tel point que l'Humain n'a plus grand-chose d'Humain : il a juste muté en une sorte d'aberration zombiesque. Une survie miraculeuse d'un côté, un combat de tous les instants pour continuer de proliférer. C'est justement en plein cœur de ce créneau que se situe Boy Meets Girl. Car pour se reproduire, il faut de l'amour paraît-il. Voilà par conséquent que les Nippons ont foutu Hugh Grant et Julia Roberts dans une cuve hautement radioactive avant de les enfermer dans les vieilles ruines d'Hiroshima afin qu'ils interprètent LE film à l'eau de rose de leur vie. Un concept qui explique pourquoi cet album se veut quand même bien moins explosif que son prédécesseur. L'explosion et la catastrophe ont déjà eu lieu après tout, pas besoin d'en rajouter davantage. C'est qu'on est dans une comédie romantique, pas dans de l'action made by Michael Bay.

 

Et de comédie, on peut dire qu'on nage en plein dedans : c'est fou comment cet album prête à sourire sur certains aspects dans les premiers temps. Le « chant » pour le plus évident : ça hurle à la mort, ça halète, ça couine, le tout avec une telle décadence que ça en devient totalement inhumain. Bien sûr, le rictus ne pourra s'empêcher d'apparaître à force tant on imagine que pour sortir ça, il fallait au moins que le mec se fasse presser les couilles avec une grosse pince, avec un fine barre de fer rouillée dans le cul pour lui titiller de temps à autre la prostate. Avec sans doute une bonne dose de fumée chimique hautement corrosive dans un masque, histoire de jouer les asthmatiques puissance mille. Puis, à force, il finit par disparaître au fur-et-à-mesure qu'on rentre dans le délire et que l'on commence vraiment à se dérouler les images plébiscitées par cette bande sonore. Pour virer totalement au malaise : ces humains mutés, on commence à se les dessiner réellement dans sa tête et c'est loin d'être joli, joli. Comme une sorte de zombie rampant dont on ne peut expliquer sa survie tant il semble au bout de sa vie. Ses cris de communications sonnent comme de l'agonie aussi déchirante que grotesque. C'est que pour Endon, le flirt et les mots d'amour sont très loin de sonner comme de la poésie émouvante. Même le sexe n'a rien de très reluisant, chaque halètement donnant l'impression que chaque effort est pénible et fera clamser les protagonistes à tous les instants. C'est qu'à côté, notre pornographie nous montre un coït sain avec tout plein de sensibilité.

 

Bref, dans cet univers, il n'y a absolument plus rien de bien pour ce qui est avenu de l'Humain, tout n'est que souffrance déchirante où l'on aurait bien plus envie d'euthanasier ces aberrations de la nature qu'autre chose. Et le plus tragique dans tout ça, c'est que même celles-ci en sont conscientes, juste que l'instinct de survie animal est plus fort. Elles savent qu'elles n'ont plus lieu d'être tant elles ne pourront plus jamais redevenir aussi humaines qu'avant. Donc, elles se souviennent, de ce qu'était l'Humanité avant la grande Catastrophe. Une nostalgie cruelle qui nous est posée en musique sur Boy Meets Girl à certains moments : revenir à de la musicalité punk primitive jouissive s'incrustant sous cette sorte de filtre bariolé de parasites et oversaturé qui rendent tout de suite les choses beaucoup moins agréables à l'oreille. Parce que ces créatures aberrantes en ont pris un sacré coup dans les conduits auditifs en se prenant la déflagration nucléaire après tout.

 

Au final, avec ce troisième album, Endon nous montre encore une fois que la (sur)vie n'est pas facile au pied de l'Hiroshima post-apocalyptique. Même l'amour, pourtant source des plus grandes joies humaines, n'a plus cette même étincelle. Peut-être que ça les soulage physiquement parlant – et encore – mais ça fait durer le supplice de la condition humaine. Enfin, de ce qu'elle est devenue plutôt. Y a pas à dire, la reproduction entre zombies, c'était beaucoup plus rigolo du côté de Peter Jackson dans Brain Dead...

photo de Margoth
le 19/04/2019

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