Endon - Through The Mirror

Chronique CD album (47:40)

chronique Endon - Through The Mirror

Ah le Japon... Il n'y a pas à dire, il s'agit vraiment d'un monde à part. Si sa face la plus représentée s'arrête aux bouffonneries flashy et acidulées d'apparence légères et blindées de bonne humeur, il serait dommage de s'en arrêter aux apparences. Car il faut reconnaître que la plupart de leurs frasques, même grand public, laisse vite place à un visage bien plus tordu et foufou voire carrément malsain dès lors que l'on y regarde d'un peu plus près. C'est d'ailleurs un constat que l'on peut faire de sa scène rock/metal. Car il serait dommage de s'arrêter aux vieux briscards du hair metal de Loudness – qui n'échappe malheureusement pas à la ringardise d'un style à la fois dépassé mais toujours empli de charme qu'on se le dise – ou encore le phénomène plus juvénile Baby Metal – dont il est très difficile de déterminer s'il s'agit d'une vaste blague sonore idiocratique ou un coup de génie de crossover parodiquement improbable. Parce que le Japon, au-delà de ces deux exemples et de toute une scène j-rock remplie jusqu'à la moelle de mecs bling-bling d'androgynes travestis en poupées de porcelaine gotho-victoriennes, c'est aussi un noyau plutôt restreint et confidentiel de combos à la fois singuliers, extravagants et novateurs musicalement parlant. Les festivaliers de l'édition 2011 de notre Hellfest national se rappelleront sans doute de l'immense claque, entre neo metal nerveux et éléments plus emprunts des musiques traditionnelles nipponnes, que nous a distribué Maximum The Hormone ou encore ceux de l'année précédente se seront peut-être délectés – en connaissance de cause ou par pure curiosité – de Sigh et son black metal expérimental hors-norme.

 

Pour ceux qui, malgré toutes mes belles explications, gardent l'image d'un Japon sonnant indubitablement comme fabrique de japoniaiseries de masse, je m'en vais sortir de ma besace le groupe Endon qui nous sort cette année son second opus, Through The Mirror, tout aussi confidentiel que son grand frère MAMA (2014), le pauvre rejeton ne bénéficiant malheureusement d'une distribution plus que rachitique. Et croyez-moi que de « KAWAIIII !!! », les Tokyoïtes évincent tout de suite d'un revers de hache ce genre d'images que seuls les otakus indéboulonnables peuvent supporter en proposant une alternative sonore sans concession. C'est bien simple : s'il me plaisait à dire que je n'avais jamais entendu une mixture aussi torturée et fracassante en terme d'explosion des frontières de mélodie/musicalité que celle déblatérée par les Australiens de Portal, je pense qu'Endon a décroché le cocotier en les détrônant des pieds à la tête, éhontément et sans se fouler.

 

Histoire de vous expliquer la tambouille de mise, on pourrait dire qu'Endon se serait taper (sans surprise) un Portal avant de rencontrer la part la plus schizophrène d'Anaal Nathrakh avant de se taper une petite bavette sanglante avec ses compatriotes de Boris avec qui ils ont par ailleurs enregistré un split par le passé. Ce qui nous donne une étiquette de « catastrophic noise metal » comme son label se complaît de surnommer. Ou pour imager un peu plus le tableau, je préférerais parler d'une déflagration nucléaire conduisant dans les atmosphères les plus sombres, violentes et débauchées de l'imagerie post-apocalyptique.

 

De la même manière d'un Portal, Through The Mirror se veut impossible à noter réellement. De même que ce n'est pas sur son sens de la musicalité qu'il retire tout l'enjeu de sa manœuvre. Parce que de musicalité, tous les mélomanes aguerris et autres rats de conservatoire diront qu'elle n'existe pas ici. Ce qui explique en quoi se passer la galette a tout d'une véritable épreuve pour les oreilles. On soupçonnerait même Endon d'être un brin élitiste sur les bords tant « Nerve Rain » ouvrant les hostilités a tout d'une mise à l'épreuve. Introduction donnant au terme noise toute sa signification littéraire première, interminablement répétitive durant presque six (!) minutes, autant dire que cette quasi boucle hyper bidouillée et saturée se révèle être une vraie purge faisant office de filtres à son potentiel auditorat. A comprendre : soit tu serres les dents et attends les pistes suivantes, soit tu pètes un câble au bout de deux minutes et éteint rageusement le skeud afin de le brûler. Pourtant, la première solution, bien que tout sauf raisonnable, s'avère certainement être la plus payante. Car, si la suite ne se veut pas plus riche en douceurs et mélodies, l'atmosphère que cette dernière dégage s'avère fascinante. Vraiment. Dérangeante mais fascinante.

 

Pour sortir du domaine musical, on pourrait faire avec Through The Mirror un parallèle avec un film chinois de Fruit Chan dénommé The Midnight After. Un trip totalement halluciné où l'on suivait les pérégrinations de gens dans un bus qui se sont retrouvés d'un seul coup d'un seul et sans aucune explications dans un Hong-Kong fantôme alors que la vie battait encore son plein une fraction de secondes auparavant. S'ensuit une succession de démonstrations sur les différentes causes hypothétiques du phénomène, calées les unes après les autres sans véritable sens, ni même d'ordre de cohérence tant l'on peut passer du raisonnable à du totalement grotesque. Au final, Endon n'est pas si loin de ce délire tant il garde cette direction brutalement noisy à mi-chemin entre drone et indus' en ligne directrice en collant par-dessus un véritable pot pourri d'éléments divers de façon totalement bordélique.

 

Alternant inlassablement et presque non-sensiquement des éléments post-black, doom, gimmicks ambiant digne d'un film d'horreur malsain de série B, rythmiques et breaks craquants et alternance schizophrène entre cris stridents, voire hystériques et grunts monstrueusement rauques, Endon arrive le tour de force à nous dépeindre la bande-son d'un film imaginaire. La fiction de ce qu'aurait pu donner Hiroshima post-explosion nucléaire en version The Walking Dead. En bien plus lugubre, décadent et malsain. Bref, aussi éprouvante peut être l'écoute de Through The Mirror, à tel point qu'on y reviendra de façon aussi préparée que sporadique, il faut reconnaître que ce champignon nucléaire se pose comme une expérience sonore édifiante. Encore faut-il avoir les oreilles ouvertes et bien accrochées. Et un esprit assez sain pour éviter de se laisser entraîner dans la psychose.

photo de Margoth
le 25/07/2017

3 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 25/07/2017 à 09:33:51

Pfiou, cette sortie est un des trucs les plus extrêmes que j'ai entendu cette année. ça explose les esgourdes ! Et c'est difficile à appréhender. Du coup, je ne sais même pas quoi en penser.

Xuaterc

Xuaterc le 25/07/2017 à 12:50:30

A ranger aux côtés de VMO.
Note pour plus tard, ne jamais balancer deux bombes nucléaires sur un pays...

sepulturastaman

sepulturastaman le 25/07/2017 à 13:56:04

Fallait pas envoyer Genghis Tron se baigner à Fukushima-Daiichi.

Le premier morceau n'est pas si dure que ça, avec un entraînement à base de Monarch, Ævangelist, Portal, Inverloch ert diSEMBOWELMENT ça passe crème. Faut pas affrayer les gens comme ça ils vont manquer le tube de l'année : Through The Mirror

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