Fhail - Engraved Misery

Chronique CD album (23:45)

chronique Fhail - Engraved Misery

Fhail est un tout récent projet solo plein de belles intentions si on en croit la promo, à savoir "mêler différents styles et paysages musicaux (black metal, ambiant, noise, hardcore, sludge, grindcore...) sous un seul et unique projet, [...] d'approcher une dualité extrême, passant de diverses formes de métal à de l'ambiant très contemplatif, [...] garder un esprit et une approche punk avec une énergie primaire et un caractère spontané assumé et avec plusieurs thématiques abordées : isolation, renfermement, acceptation de soi et des autres marginalité, dépression, rébellion, mort de l'humanité, répression, totalitarisme ..."

Woh...Tout un programme, plutôt vendeur même si c’est un peu comme ces restaurants qui ont une carte trop chargée, c’est un peu louche, on se dit qu’on va avoir le droit à du réchauffé qui a force d’avoir tous les goûts n’aura plus le goût de rien. 

 

Mais Fhail ne fail pas (voilà, c’est fait), l’avalanche de styles, d’influences fonctionne très bien et Fhail parvient sans faille (voilà, ça c’est fait aussi) à être homogène dans son hétérogénéité. Engraved Misery fait partie de ces albums qui se devraient d’être écoutés du début à la fin mais, et c’est diablement intéressant, chaque titre peut être écouté indépendamment. Le pari était donc doublement risqué et le remporter supposait une certaine maturité artistique que l’on serait bien malvenu de mettre en doute ici.

 

Fhail propose donc une musique complexe mais abordable, qui sans jamais tomber dans le nawak-the-fuck n’hésite pas à nous emmener là où l’on n’avait pas prévu d’aller. Engraved Misery sait créer la surprise et suscite de fait l’intérêt. On y trouve un fond très black-metal (notamment au niveau des voix) avec des incursions ici ou là d’autres styles et ce patchwork fonctionne plutôt bien. "Plebeian Threat" passe du mathcore chaotique (mais pas trop non plus) à un sludge lourd et pesant (mais pas trop non plus), tout cela tricoté autour d’un black plus basique. Comme les transitions sont naturelles, progressives, rien n’écorche pas l’oreille, on lève les sourcils par surprise mais jamais on ne les hausse par condescendance. Surprise aussi avec ce "Ecstatic Field" et ses presque 5 minutes de nappes ambiantes très profondes ou "Price Of Guilt" et son intro cyber-indus en mode spoken-word. Bref, progressif, hétéroclite et surprenant.

 

Côté interprétation, c’est très propre et bien en place: voix typées black metal mais très crédibles et qui se fondent à merveille dans des riffs de guitares trashy-sludgy-hardcory, basses et batteries qui font tout à fait le taf bien qu’un peu trop métronomiques parfois (je les devine programmées). Enfin, bien que le mixage ait un peu trop ce côté “fait à la maison”, il ne dessert finalement pas tellement les morceaux et on pourrait presque parler de signature, d'ambiance sonore quand certains parleraient de vulgaire démo. 

 

Bref, le bilan est largement positif et le travail accompli mérite amplement d’être reconnu.

 

Deux points faibles cependant. Pour commencer, une considération totalement esthétique donc partiellement inutile: l’artwork. Pour commencer, il ne rend pas vraiment compte de l’esprit patchwork de la musique (ça fait plutôt album d’un groupe lambda de black des années 90) mais il est surtout plein de ces clichés et de cette imagerie metôôôl un peu dépassée, et plus très originale en 2020 (et avec laquelle j'ai de plus en plus de mal au passage).

Le deuxième, c’est qu'au delà de la diversité des styles et de la maîtrise des mélanges subsiste cette impression d’une écriture un peu “mono-facette”, d’un repli total de l’artiste sur sa production, de ce côté un peu "auto-centré". On imagine, à tort peut-être, que l’écriture n’a jamais eu à passer sous les fourches caudines du "groupe". En résumé, Fhail, c’est très bien mais si ça n’était pas un projet solo, ça pourrait être encore mieux. 

 

Engraved Misery est malgré tout un très bon premier album et laisse présager de bonnes choses.

 

 

On aime bien : un style très hybride mais qui fonctionne, le côté DIY/black metal plutôt réussi et crédible, un beau résultat pour un travail solo mais...

On aime moins : ...une écriture un peu "le nez dans le guidon"

photo de 8oris
le 01/02/2021

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