Fiend - Seeress

Chronique CD album (52:25)

chronique Fiend - Seeress

Ahhh les supergroupes. J’ai rarement eu des expériences heureuses avec les formations musicales ainsi qualifiée, de manière presque injonctive, souvent par des journalistes s’engouffrant dans la facilité d’un article nécessairement accrocheur comme s’engouffre le marketing d’un label dans celle d’un album nécessairement vendeur.

Pour ceux qui l’ignoreraient, il s’agit de la traduction approximative de « All Star Band » caractérisant ces groupes composés majoritairement de membres qui officiaient auparavant dans des formations connues sinon reconnues. Véritable projets pour certains, nécessités alimentaires pour d’autres, on s’interroge toujours quelque peu quant à l’intention derrière la démarche. Mais au-delà du fond et de ces raisons, il y a la forme et ses conséquences.

Car un groupe, c’est comme un bon plat : une somme d’ingrédients qui une fois associés confère à l’ensemble une saveur agréable, parfois unique. Un supergroupe, c’est faire le pari d’associer des ingrédients issus de très bons plats pensant que l’on va obtenir un autre mets délicieux.

Tenez, par exemple, prenez la tartiflette, la tarte au chocolat et la choucroute. Tous sont assurément délicieux mais ce n’est pas pour autant que du chou fermenté servi avec du reblochon fondu et nappé de chocolat sera excellent.

 

Laissons les analogies culinaires de côté et prenons maintenant le cas de Fiend. Supergroupe dans lequel on trouve du beau monde (et qui affiche clairement son CV) : Heitham Al-Sayed de Senser au chant et à la guitare (Biiimm), Nicolas Zivkovich de Ddent  à la basse (Re-Biiimm), Michel Bassin de Treponem Pal et Ministry à la guitare et au synthé (Re-re-Biiimm),  et Renaud Lemaitre de…ah bah, non, lui n’est rattaché à aucun groupe connu (♫ Pouin Pouin Pouin Pouin♫ ). Bon, par contre, ce batteur est diplômé du CMDL et médaille d’or de l’Hohner Sonor Music Academy, rien que ça. Bref, on a là un beau casting, on ne va pas se mentir et on commence sérieusement à saliver.

Mais comme au cinéma (on a dit qu’on laissait la cuisine de côté), un beau casting fait une belle affiche mais une belle affiche ne fait pas nécessairement un bon film.

Je pars donc à reculons en laissant de côté ma besace pleine de préjugés et me laisse tenter : ne soyons pas bégueule et restons objectif.

Déjà chroniqué par un Tookie dithyrambique pour leur premier album Agla, il me revient donc la tâche délicate de m’atteler à Seeress, leur dernier album.

 

Fiend officie toujours dans le registre stoner qui tend asymptotiquement vers le doom et le fait à merveille. Si vous êtes client du style, vous serez aux anges : tous les codes sont respectés et exécutés parfaitement. Les riffs sont gras, épais, lourds, pesants et souvent fédérateurs. La batterie est tantôt tentaculaire et punchy tantôt bien au fond du temps.

On passe d’ambiances lourdes et shamaniques, appuyées par un couple basse batterie efficace qui nous rappelle Neurosis, mais avec un petit côté très ésotérique, à des ambiances plus rentre-dedans et/ou entrainantes avec des transitions toujours subtiles. Nous voilà est pris dans ce bon coup de tabac musical qui ne se transforme jamais en tempête.

La voix d’Al-Sayed est sans surprise : incroyablement efficace, l’âge n’ayant pas d’influences néfastes sur l’organe du monsieur.

On sent un gros effort au niveau des ambiances, de la construction des morceaux et de leur arrangement qui, sans être chargés d’instrumentation, réussissent à être particulièrement denses, grâce à un mixage très organique mais très propre (on est plus proche de Neurosis que d’Electric Wizard) conférant ainsi à l’ensemble une espèce de retenue claustrophobique musicale particulièrement prenante pour l’auditeur.

 

On regrette le dernier titre "The Gate", qui s’éternise un peu et surtout pour cet incompréhensible changement de style dans le dernier tiers du morceau qui passe du registre stoner à une ballade acoustique un peu plan-plan, en tout cas trop pour moi. Petit écart dommageable malgré un album compact, logique et qui se tient. C’est roboratif mais jamais indigeste, puissant mais jamais violent.

 

Et pourtant…et pourtant on a comme un goût de trop-peu quand quatre talentueux musiciens se cantonnent à appliquer les recettes d’un style déjà bien (sur)exploité par d’autres. Et même si l’application est réussie, même si on sent un réel plaisir à l’exécution, on aurait aimé plus d’inventivité, ressentir les influences des expériences passées qui auraient pu nourrir le style, l'emmener dans d'autres dimensions.

À tel point que j’en arrive à me demander si cet album aurait eu autant de rayonnements si ces auteurs avaient été d’illustres inconnus.

 

Mais passée cette inutile interrogation qui ne gâche en rien le plaisir d’écoute, Seeress est un excellent album dans son style.

 

On aime : la maîtrise du style, le son prenant, l’ambiance compacte

On aime moins : le titre instrumental qui tombe un peu à côté, l’absence cruelle de prise de risques

photo de 8oris
le 27/08/2019

11 COMMENTAIRES

gulo gulo

gulo gulo le 27/08/2019 à 08:09:15

Sans surprise mais avec énormément de talent et de feeling.
Et encore, je trouve que le côté vandale un pue primate mais sans verser dans l'ornière du rip-off de High on Fire, est très personnel, et puis pour ma part j'adore l'instrumental final, qui apporte encore à leur singularité.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 27/08/2019 à 18:26:05

8oris tu t'es mis aux notes kafkaïennes ? Gulo ne traite pas HoF.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 27/08/2019 à 18:31:05

Par contre si tu veux de la peau de carcajou, j'ai un pote trappeur dans le Yukon qui en vend.

gulo gulo

gulo gulo le 28/08/2019 à 08:14:52

Je n'ai pas traité HoF.

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 28/08/2019 à 10:29:22

Ecrire "arnaque', en anglais car c'est classe, c'est pas la marque d'une dévotion absolue, disons.

cglaume

cglaume le 28/08/2019 à 13:35:36

Non mais le Monsieur il veut dire que Fiend ne fait pas l'erreur de faire du sous-HoF mal copié. Enfin je crois qu'il veut dire ça... :)
C'pas une insulte.

gulo gulo

gulo gulo le 29/08/2019 à 08:17:43

Alors, tu es peut-être très sapient en anglais, mais en langage de musique et de rock, rip-off ça veut dire copie, ersatz et ainsi de suite.
Et des copies sans talent de High on Fire (ce que je voulais dire, donc), il est assez notoire que ça ne manque pas, surtout en Espagne (et avant que tu ne me fasses un autre procès : non, je ne pense pas à (Horn of the) Rhino, qui sont très bons) mais aussi aux States ; me demande pas les exemples, je perds pas mon petit espace de cerveau à retenir les noms des tâcherons.

Quant à mon appréciation de High on Fire, elle est assez documentée sur le web pour que je ne vienne pas en donner des garanties ici.

Martial

Martial le 01/09/2019 à 04:13:11

"À tel point que j’en arrive à me demander si cet album aurait eu autant de rayonnements si ces auteurs avaient été d’illustres inconnus."

Quel rayonnement ? Sérieusement... A part une interview dans new Noise et quelques chroniques sur le web, il a "rayonné" où cet album ? S'ils n'avaient pas ouvert pour Tool en Europe, quasi personne n'en aurait parlé, comme le précédent, sur lequel figurait pourtant déjà les trois musiciens "connus".

pidji

pidji le 01/09/2019 à 12:10:04

Disons qu'on en aurait peut-être encore moins parlé :)

8oris

8oris le 08/09/2019 à 23:19:26

@Martial: "à part quelques chroniques sur le web" ce n'est pas "quelques" mais plutôt sur à peu près l'intégralité des webzines spécialisés (petits ou gros) de France et de Navarre. On trouve même des chroniques sur des webzines de grindcore! Ils ont été diffusés dans des podcasts avec pas mal d'audiences et on trouve aussi des chroniques papiers. Bref, à l'heure où le rayonnement se passe majoritairement en ligne, il me semble qu'ils ont eu le vent en poupe!;)

Seisachtheion

Seisachtheion le 24/11/2019 à 15:30:52

Bcp de talents sur cet album

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