Fool Gator - Gool Fator

Chronique Maxi-cd / EP (20:00)

chronique Fool Gator - Gool Fator

Dans la série des petits agacements sans conséquence qui rythment notre quotidien, il y en a un à travers duquel vous avez peu de chance de passer si vous êtes internautes et férus de musique (et vous l’êtes puisque actuellement vous vous bousillez les yeux à lire cette chronique): c’est la pluie d’invitations myspaciennes émanant de ces jeunes groupes de post screamo-mèchecore ou de modern vénère metal prêts à conquérir le monde en commençant par vous, heureux élus qui allez justement devenir leurs nouveaux meilleurs amis virtuels. Mais de temps à autre, au milieu de cette nuée de déclarations d’amour intéressées, on trouve un combo plus dur à la tâche et plus futé que les autres qui, avant de toquer aveuglément à votre porte tel un témoin de Jéhovah sur le paillasson de la Confédération Anarchiste de Lamotte-Beuvron, prend la peine de bien cibler son public potentiel en prenant en compte le top friends de celui-ci. C’est ainsi que Fool Gator, dont le podium MySpace fait honneur à Mr Bungle,Secret Chiefs 3 et Estradasphere, s’est dit qu’un gus ayant lui aussi réservé à ce genre de groupes une place bien au chaud dans son palmarès personnel serait sans doute à même d’apprécier son nawak free art-rock chaotique. Et ces diables d’américains ne se sont pour le coup pas mis le doigt dans l’œil, ou alors peu profond, à peine à fleur de cornée.

 

Car pour quiconque affectionne les singularités musicales à tendance rock couillu, la musique de Fool Gator s’avère être du petit lait. Quoique pas franchement UHT, le lait. Et provenant sans doute d’une espèce de vache non homologuée par les experts sanitaires de la Commission Européenne, vu que ce nectar musical est aussi piquant que difficile à digérer. C’est que le groupe, dont le rock à peine métallisé est aussi baroque qu’il est sombre, aussi grotesque qu’il est fouillé, ne pourra ravir que des oreilles endurcies à longueur d’écoutes répétées des œuvres de Sleepytime Gorilla Museum, Anthurus d’Archer ou des galipettes expérimentales de Mr Bungle. Sur cet EP 3 titres, on est en effet souvent plus proche de l’exercice de style décadent que du divertissement défoulatoire. OK, le groupe nous balance régulièrement des scies aussi entêtantes qu’énervantes en guise de points de repère au sein de ce neverland musical peuplé presque exclusivement (« presque » parce qu’on entendrait bien de l’accordéon et quelques autres instruments à vent bigarrés ici et là. En tout cas, pas de batterie!) presque exclusivement disais-je avant la parenthèse, de tout un bestiaire varié d’instruments à cordes – basse, violons, guitares acoustiques ou non, banjo, violoncelle … Mais la trame musicale de l’ensemble est constamment accidentée, bousculée, malmenée – parfois à la limite de l’indigestion, souvent à la limite de l’anti-mémorabilité – avec une jouissance sadique qui n’est pas sans rappeler le 3e opus des frapadingues de Sebkah-Chott. L’ambiance développée est par ailleurs très visuelle, sombre, suggérant une folie latente mais également une beauté certaine, le tout au travers de tout un fatras d’objets grotesques agencés en constructions alambiquées avec la théâtralité, le sens de la dérision et le souci de la précision d’un tableau de Dali.

 

 

Mais essayons d’être plus objectivement descriptif: contrairement à ce que pourrait laisser penser les lignes précédentes, la musique de Fool Gator se fait fréquemment pur dénuement – une voix, un violon, une guitare – ce qui permet à l’auditeur de monter assez facilement en selle. Les américains nous ménagent de plus quelques caresses musicales reposantes, en général amenées par la chaude voix de Nareh (à 0:44 sur « Mammoth Man » pour vous faire une idée). Mais en enchaînant de façon assez chaotique les parties, en n’hésitant pas à se faire dissonant et en laissant Bennett déchaîner sa fougue vocale en des éructations punk, des éloquences clownesques et des singeries Pattoniennes, le groupe tente et réussit à maintes reprises à nous désarçonner complètement. En chemin toutefois, on admirera à gauche un duo vocal réussissant à évoquer une pluie d’objets pesants (à 5:50 sur « Totem »), à droite un solo d’appeau à abeille ('fin c'est tout comme, à 4:17 sur « Mammoth Man ») … Malheureusement, les quelques beaux panoramas entrevus pâtissent fortement d’une production maison qui assourdit et étouffe la guitare électrique, manque sérieusement de volume et sature pas mal dans les basses. De plus le mix a tendance à mettre parfois un peu trop en avant Bennett qui apparaît alors posé artificiellement en surimpression sur la musique.

 

 

« Tout ça pour 3 chansons et l’attribution d’une note aussi tiède? » vous demandez vous – allez quoi, jouez le jeu de l'interactivité que diable! Eh bien oui: les 3 titres de « Gool Fator » nous baladent quand même pendant 20 minutes, et la musique proposée est tout particulièrement kaléidoscopique. En ce qui concerne la note, elle ne traduit pas l’habituel « mouaif, sympa, mais pas non plus the next big thing », mais plutôt la moyenne obtenue en considérant le grand écart émotionnel ressenti à l’écoute de cet EP, tiraillé entre énervement d’avoir les nerfs ainsi malmenés, excitation devant tant d’audace et de malice, inconfort auditif causé par une prod’ approximative et plaisirs inédits pris ci et là au détour de galipettes artistiques impromptues. Tout ça manque encore un poil de tout plein de choses, notamment d’accroche (mais ça, je vous fiche mon billet que c'est fait sciemment!), mais si vous rêvez d’écouter une version underground et arty de Stolen Babies, ou un Sleepytime Gorilla Museum en plus jeune et plus light, foncez!

 

photo de Cglaume
le 19/05/2010

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