Francky Goes To Pointe-à-pitre - Plaisir Coupable

Chronique CD album (30:55)

chronique Francky Goes To Pointe-à-pitre - Plaisir Coupable

« Tu sais, Eric D-Toorop n'avait jamais été aussi perturbé que ce matin-là.

Il marchait sur une plage un peu comme celle-ci, les écouteurs sur les oreilles.

C'était le début de l'été, un mois de juin où, forcément, il faisait beau.

Avec sur les oreilles un album qui n'existe que dans les colonnes de CoreAndCo.

Ce groupe, là-bas, ils l'appellent Francky Goes To Pointe-à-Pitre.

Mais là c'était tout simplement le cauchemar d'Eric.

Avec sa prose longue et la musique, il ressemblait à une aquarelle du Douanier Rousseau.

Et je me souviens, je me souviens très bien de ce qu'il nous a écrit ce matin-là.

Il y a trois ans, il y a un siècle, il y a une éternité...

 

 

ON ZOUKERA, OÙ TU VOUDRAS QUAND TU VOUDRAS... »

 

Mouais... En fait, ce qu'il nous a écrit ce matin-là était bien moins chamallow. D'ailleurs vous pouvez en juger par vous-mêmes en allant vérifier la chose au bout de l'hyper-lien, . C'était des tourments, des doutes, des pourquoi-moi, des ah-non-mais-tu-les-crois-eux. Faut dire que quand Francky va en Guadeloupe en fredonnant « Alice ça glisse » plutôt qu'à Holywood en sifflotant « Relax, don't do it », tout de suite c'est plus déstabilisant, ça brasse Math Rock, Zouk, Noise (décontracte la Noise, hein) et Coupé-Décalé. Pas commun le mélange. Casse-gueule, potentiellement. Nawak, presque. D'autant que l'exercice est complètement instrumental, mais oui, histoire de ne même pas avoir le garde-fou du chant auquel se raccrocher si des fois ça tangue trop. Diable!

 

Et devinez quoi: cette année les patrons offrent une deuxième tournée de Ti-punch pour la sortie de Plaisir Coupable, leur nouvel album. L'occasion ou jamais pour le lapin tropicophile que je suis d'aller vérifier si des fois le cocktail n'aurait pas de quoi m'enivrer moi aussi, ou si au moment de porter la coupe aux lèvres la supercherie n'éclaterait pas, le rhum Damoiseau annoncé s'avérant en fait être un rosé de Loire bas de gamme (… les cocos viennent de Tours. Mais oui konpè mwen!).

 

Entrons donc en contact avec ces zozos via le morceau-titre, qui s'avère également être le premier... Damned: les choses commencent par un ping-pong chapi-chapo polynésien-ou-presque, avant que le drone ne prenne de l'altitude pour nous révéler une plage merveilleuse bordée de riants palmiers et peuplée de crabes dont le déhanché trahit de longues heures de pratique lors des bals organisés en l'honneur d'Ariel et de ses copines. Nom d'une méduse à moustache! Mais, mais... C'est que ça marche en plus, dis! Et la chose de nous être confirmée sur le moelleux mais néanmoins vibrionnant « Kazikunu ». Un peu des élucubrations sautillantes d'un Ultra Zook ou d'un PoiL – mais sans les onomatopées de toons excités –, un peu des chaleureux élans mélodiques qui nous avaient fait bronzer sur le All Hail Bright Futures de And So I Watch You From Afar. Plus une disto qui devient un peu broussailleuse parfois, au sortir des amplis, à la fin de « Kazikunu » ou de « Yannick Quinoa ». Qu'est-ce qu'on est bien là, sur notre transat, posé sur le sable de Malendure, face à la mer, tandis que la musique du bar de la plage, le gazouillis de bambins au loin et le bruit du ressac s'allient à quelques guitares en vacances pour habiller le décor d'une rafraîchissante bande-son certifiée 100% anti-rayons UV!

 

D'un côté le retour fréquent de la tension électrique et de l'agitation Math-Rock empêche qu'on sombre dans la léthargie d'une sieste digestive à l'ombre. Et de l'autre l’omniprésence des noix de coco, de percus à fleurs, de sonorités yukulelesques et de colibris bigarrés assure qu'on reste toujours à proximité des massifs de corail. Sans parler de la légendaire bonne humeur créole, qui se manifeste évidemment à travers les airs enjoués et pétillants de « Maxime M'Bourré » ou encore « Misou Mizou », mais également à travers des titres complètement barrés: « Kazikunu », « Cross Fade Jacob », « Yannick Quinoa », « Cameroun Diaz », « A10 ça glisse » ou encore « Accélérateur de party cool ». Arf la bande de loustics! Forcément, on ne peut qu'avoir envie d'aimer des canaillous aussi délurés! Et si Eric pouvait évoquer à l'époque des « collisions pas toujours heureuses », ce sentiment n'existe aujourd'hui plus, « Yannick Quinoa » étant l'exemple-type d'un mélange réussi entre ces mondes habituellement séparés par des océans atlantiques d'incompréhension.

 

Maintenant il faut reconnaître que, contrairement à ce que je disais quelques lignes plus haut dans un élan d'enthousiasme débridé, l'indolence de certaines pistes nous met parfois le tensiomètre à zéro. Comme la pause « Espace Tropical », le naïvement béat « Cross Fade Jacob » ou le roudoudou – quoique agréablement chaloupé – « Cameroun Diaz ». Et puis la fête est un peu gâchée in fine par un morceau tout-synthétique-tout-plastique, « Accélérateur de party cool », qui contrairement à ce que son titre indique frustre franchement, alors qu'on espérait un dernier collé-serré torride pour quitter l'île avec des strings plein les yeux. Enfin je rejoins Eric sur le fait que c'est live que ces titres doivent devenir plus particulièrement mortels, quand les musiciens hilares suent et que le public agite son boule au rythme du va et vient des mojitos dans leurs veines. Bref quand la musique quitte le triste format 2D du studio et de la galette laser pour la 3D et la réalité améliorée d'une salle moite d'excitation. Car quand Plaisir Coupable sort des enceintes de la chaîne domestique, le côté instrumental, frais mais au final un peu trop léger (c'est quand même un métaleux qui vous cause ici) aidant, on a tendance à le reléguer au simple statut de musique d'ambiance sympa pour cuisiner des acras ou préparer une salade de fruits.

 

M'enfin tout le monde n'a-t-il pas de temps à autre besoin de se passer un peu de soleil dans les oreilles? Si. Et Francky Goes To Pointe-à-Pitre offre ici aux irréductibles réfractaires au Zouk, à la Biguine et au Coupé-Décalé l'occasion se s'offrir une bonne dose d'UV musicale rock'n'rollo-compatible ! Alors vas-y Francky, c'est bon!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: Ultra Zook, PoiL et le And So I Watch You From Afar de All Hail Bright Futures vous attendent sur les plages de Guadeloupe pour zouker, couper et décaler jusqu'à pas d'heure. C'est dingue: la tension fofolle d'un Math-Rock débridé se mêle sans gêne aux roucoulades exotiques locales, et ça marche! Ne manque peut-être qu'un côté live plus in-your-face pour que les dormeurs de fond de hamac soient pleinement convaincus... M'enfin en l'état le cocktail est déjà particulièrement frais!

photo de Cglaume
le 07/09/2018

4 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 07/09/2018 à 08:13:16

Quel poête !

cglaume

cglaume le 07/09/2018 à 10:26:37

J'ai hésité entre l'Eté Indien et Le Bal masqué, mais c'est le premier qui convenait le mieux à Eric :D

Freaks

Freaks le 07/09/2018 à 10:27:28

La dernière fois que j'ai fais la chenille ça devait être à leur concert ;) Merci pour les prolongations estivales..

Eric D-Toorop

Eric D-Toorop le 07/09/2018 à 10:48:14

Sur "Mourir les Sirènes" c'eut été parfait ... mais je ne boude pas mon plaisir ^^ .
+1 pour Cross Fade Jacob, et Yannick...

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