Humanity's Last Breath - Välde

Chronique CD album (15:41)

chronique Humanity's Last Breath - Välde

Pour être tout à fait honnête avec vous, au vu de l’étiquette « Deathcore » collant aux basques d’Humanity’s Last Breath et de cette nième pochette de Mariusz Lewandowski (qui fait de superbes toiles hein, ne vous méprenez pas. Mais on le voit un peu trop systématiquement ces temps-ci. , ou encore par exemple), Välde a bien failli ne pas aller plus loin que ma corbeille à papier électronique. D’autant que, pour ajouter à ce faux départ, la comm’ promotionnelle accompagnant ce quatrième album n’hésite pas à donner dans le mytho le plus gras (d’après ladite comm’ les Suédois jouent du Black / Death, et Välde évoque l’œuvre d’Ulver… Alloooo?). Mais des tierces personnes convaincantes ayant placé mon pied dans ce noir étrier, et le galop d’essai ayant été concluant, j’ai vite dû reconnaître qu’en effet, il y a bien plus sous cet habit peu ragoutant qu’un bête moine deathcoreux mimant le crabe en triturant la corde la plus basse d’une gratte accordée dans les profondeurs putrides de Châtelet-les-Halles.

 

Les ceusses qui tenteront de savoir de-quoi-ça-s’agit découvriront qu’Humanity’s Last Breath n’est pas l’habituel combo ricain ou grand-breton composé de Stan – deux trous béants dans les oreilles et une lame de rasoir en travers du sourcil gauche – et Bradley – tatoué du menton jusqu’aux genoux – suite à un bête pari perdu un soir de révision d’avant exam’. Car en effet, le groupe en question vit entouré des hordes de Swedeatheux et de méchants Beumeuh qui peuplent sa Suède natale. Et les années Biactol sont manifestement loin derrière les zigs, vu que Buster Odeholm – prenons celui-là par exemple – est membre des respectés Vildjharta, et qu’il a bossé derrière les manettes de quelques albums « pas sales », comme le dernier Darkane, ou quelques sorties estampillées Born of Osiris. Il y avait donc de vraies bonnes raisons d’espérer que Välde ne soit pas de ces opus qui cherchent à jouer au yoyo avec la nuque de l’auditeur tout en se fatiguant le moins possible.

 

Alors pour vous la faire courte, oui, Humanity’s Last Breath pratique le Deathcore, avec ce que cela sous-entend de ralentissements écrasants et de moshparts protubérantes. Oui, il faut ajouter à cela une grosse dimension Djent canal Meshugguistorique, avec son lot de rythmiques visqueuses, de contorsions trébuchantes, et de prod’ « moderne ». Sauf que le groupe mise tout – ou presque – sur le développement d’atmosphères horrifiques et de visions de fin du monde… et qu’il réussit son pari, le bougre, l’auditeur se retrouvant aspiré dans des tableaux où des entités innommables écrasent des villes entières sous leurs pognes inhumaines, où des océans disparaissent dans des gouffres béants ouverts entre deux plaques tectoniques, et où des étoiles à neutrons heurtent des quasars dans des orgies de rayonnements cosmiques. Et cela dès l’introductif « Dödsdans », au sein duquel une lead stridule sur fond de déchaînement rythmique tel un oracle de mauvais augure assénant que « La Fin du Monde est proooche! ». Puis, avec « Glutton » on assiste à un véritable lâcher de titans aveugles. Déplacements cyclopéens, entités massivement écrasantes, cataclysmes bibliques: l’auditeur devient moucheron, perdu au milieu de mécaniques apocalyptiques se mouvant au sein de cathédrales si monumentales qu’on n’en voit pas les murs. Que viennent faire ces quelques références religieuses au beau milieu d’une scène de destruction godzillesque vous demandez-vous? C’est que les Suédois drapent leur musique – tout d’abord discrètement, plus de plus en plus ostensiblement au fur et à mesure que l’album avance – dans les nappes d’un clavier spectral qui se muent bientôt tantôt en chœurs liturgiques, tantôt en ornementations orchestrales dignes d’une B.O. de fin des temps…

 

Pour indiquer la direction au sein de ces paysages eschatologiques, Humanity’s Last Breath a missionné une lead pleine d’écho brumeux qui lance ses grinçantes prophéties en mode insectoïdo-cétacé, tandis que les vagissements menaçants de Filip Danielsson sont aérés – en ces moments cruciaux où la messe se doit d’être dite – de chant plus « clair » (on ne boirait cependant pas de son eau…), pour un résultat qui rappelle les moments les plus puissamment plombés des vieux Gojira.

 

Mais c’est alors qu’on commençait à se réjouir de ce que Välde nous ouvre des perspectives en nous offrant l’occasion de nous enthousiasmer sur un album essentiellement Deathcore que l’on bute sur ses limites: une durée un peu exagérée (il est dur de maintenir l’auditeur tétanisé pendant plus de 50 minutes), ainsi que la résurgence, entre deux scènes d’extinction de l’humanité, de gimmick plus crassement coreux, du genre qui nous rappellent que d’habitude on goûte assez modérément les Whitechapel et autres Carnifex. Cerise sur la douche froide: l’album se termine sur un « Vittring » dont on ne comprend toujours pas pourquoi il fait office de premier single tant le titre se contorsionne maladivement comme la plus hermétique des convulsions meshugguienne, à des kilomètres de la beauté brueghelienne de certains des titres de l’album (… même s’il est vrai qu’à partir de la barre des 4 minutes, le morceau retourne se pencher au bord du gouffre). Voilà pourquoi au final on attiédira un peu la note. N’empêche que si vous avez besoin d’un peu de musique d’ambiance pour écrire votre roman faisant la synthèse des univers de Lovecraft et de Mad Max – notamment cette scène finale où un Chtulhu en dragster pulvérise la calotte glaciaire arctique à coups d’ogives nucléaires décorées de pentacles – Välde s’avérera un choix incontournable.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: visions apocalyptiques, double dose de contorsions djenteuses, nappage funéralorchestral, breakdown visqueusement hypnotiques… Il n’en fallait pas moins pour faire passer la pilule (… encore qu’avec Välde il faille plutôt parler de pastille). Mais là ça y est, on en est sûr: le Deathcore, ce n’est pas [forcément] sale.

photo de Cglaume
le 09/02/2021

9 COMMENTAIRES

Seisachtheion

Seisachtheion le 09/02/2021 à 09:38:11

Je pense qu'on a atteint là la limite de la lourdeur poisseuse et irrespirable que peut nous offrir le Metal aujourd'hui... Étouffant ! 

el gep

el gep le 09/02/2021 à 10:00:05

Ah je sais pas, j'ai pas écouté, mais t'as écouté Portal, par exemple, parce que là ça étouffe pas mal aussi!

Tookie

Tookie le 09/02/2021 à 10:18:26

J'écoutais dimanche leur précédent album : ça n'a pas spécialement collé avec l'ambiance conviviale de la raclette familiale (dans le respect approximatif des règles sanitaires de certain(e)s) mais moi j'avais passé un excellent moment musical qui semble être proche de ce que j'entends pour cet album. Curieux de découvrir ça !

Seisachtheion

Seisachtheion le 09/02/2021 à 10:32:59

Mais, contrairement ce que suggère mon premier commentaire, j'ai vraiment bien aimé cet album !

dayedayedaye

dayedayedaye le 09/02/2021 à 20:29:12

Merci pour la chronique , le 2eme paragraphe est magique !! 
Quant a moi j'adore ce groupe j'ai très très hâte de l'écouter ! 

cglaume

cglaume le 09/02/2021 à 21:41:30

Merci dayedayedaye. Il y a vraiment moyen que tu te régales, surtout si tu es déjà client.

Matt666

Matt666 le 12/02/2021 à 20:24:03

Quelle enoooorme balle ce groupe... Et ce dernier album ne déroge pas à la règle de la descente vers l'abysse. Gros miam.

Matt666

Matt666 le 12/02/2021 à 20:31:34

Et les ambiances à la Vildjharta collent vraiment bien à leur style je trouve.

Spellgats

Spellgats le 13/12/2022 à 15:29:19

Il est fou cet album, plus je l'écoute plus je l'aime. Il incarne un savant mélange des genres, et une ambiance toute particulière, étouffante et apocalyptique. 

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