Jinjer - Micro

Chronique Maxi-cd / EP (20:14)

chronique Jinjer - Micro

Il y a des groupes qui ont tout pour te dire : « ah, eux, je vais les détester, ça, c'est sûr ! ». Parmi ces cas, je pourrais parler des Ukrainiens de Jinjer qui, je l'admets, m'ont toujours dégagé une image assez nauséabonde pour que j'évite toujours farouchement de les découvrir. Au démarrage, je me disais : « Mouais, du metal avec une chanteuse, encore... Soit ce sera du hard rock/metal diva mielleux, soit ce sera du plus vénère style Arch Enemy du pauvre... Surtout que c'est signé sur Napalm Records qui détient quand même une sacré tripotée de clones d'une même qualité que le made in China des boutiques en ligne à six sous la breloque et autres projets éphémères montés de toute pièces par simple connivence pécuniaire... ». Puis, certains, notamment au Motocultor où le groupe se produisait, m'ont dit que j'avais bien tort de m'arrêter à ce genre d'à-priori tant ça poutrait sévère. Ce qui n'a fait qu'agrandir ma crainte : tous ceux qui disaient ça provenaient de la génération suivante à la mienne, celle qui a fait ses armes dans la quête de sensations fortes metalliques avec le metalcore. Un style qui m'est toujours sorti par les yeux dans sa forme la plus brute et conventionnelle, moi, enfant issue du neo. Et justement, pour enfoncer le clou, c'est l'étiquette qu'on donne à Jinjer : nu metalcore. Aucune idée de ce que pouvait bien signifier le sobriquet « nu » mais autant dire que tout est aligné pour que ça ne donne pas envie. Et comme je suis un peu coconne, j'ai soigneusement évité de prendre le temps de voir ce que ça pouvait donner en terres morbihannaises.

 

Mais comme je ne suis pas si tête de lard, je me suis décidée quand même à enfin entendre concrètement les choses avec ce nouvel EP fraîchement sorti, Micro. Parce qu'au final, cinq titres, ce n'est pas la mer à boire et que même si on trouve le résultat dégueulasse, on se console en se disant qu'on aura moins perdu son temps qu'avec la purge interminable qu'était le dernier Machine Head. En gros, un beau jour, ivre, elle écouta. Et à ma plus grande surprise, l'ennui languissant ayant provoqué cet instant de folie s'est aussitôt estompé. Car, définitivement, oui, Jinjer, ça m'a sérieusement bien poutré dans les oreilles ! Bien entendu, les Ukrainiens ne me feront pas ravaler ma mauvaise appréciation du metalcore en règle générale mais au moins prouvent-ils que le genre est tout sauf éculé jusqu'à la moelle tant ils arrivent en foutant un sacré coup de pied dans la fourmilière. Avec autant d'audace que de panache tant le résultat s'avère réussi. De manière d'ailleurs assez insolente tant le groupe joue quand même pas sur ce genre d'éléments qui font bien rager chez les autres depuis des années, comme cette utilisation à outrance des successions de phases agressives/mélodiques tant sur l'instru que le chant clair/grunté cantonnant le répertoire sur les terres du formatage commercialo-catchy, ou encore cette trop grande mise en avant de sa frontwoman, envoyée en pâture sous les feux des projecteurs pour créer cet argument séduction, avec placement de produit des marques de fringues metallo-goth en bonus. Tout ceci qui fera qu'en soi, ce ne sera pas Jinjer qui fera taire les mauvaises langues, tout particulièrement celles des vieux cons, avides des codes les plus traditionnels.

 

Au contraire, pour eux, ce ne sera qu'une énième sensation djeun'z sans intérêt qu'il espéreront voir disparaître aussi vite qu'elle est venue, comme le neo, le crabcore et autres petits émo mécheux qui bouffent plus de Vivelle Dop que de houblon. Pour les esprits moins obtus en revanche, Jinjer représente un peu cette bouffée d'air frais qu'on pouvait ressentir avec le modern metal avant qu'il ne devienne une mode dont la profusion de simples suiveurs sans saveur exagérément mis en avant aura rendu le sous-genre totalement écoeurant. A savoir que Jinjer brasse sec à droite et à gauche sur sa base metalcore afin de la rendre rafraîchissante. Mais sur d'autres composantes que ce qui avait été fait avec le modern metal quand bien même on y retrouve par moments quelques similitudes. Des éléments piochés à droite et à gauche dans un spectre beaucoup plus large et qui aura d'ailleurs de quoi faire tourner d'autant plus les mauvaises langues. Car si, de ce que j'ai écouté des précédents opus des Ukrainiens vite fait avant de m'atteler à cette bafouille, il y a avait déjà quelques moments plutôt fantaisistes, il faut admettre qu'ils ont poussé le bouchon d'autant plus loin avec Micro qui semble représenter une carte de visite préparatoire de ce qui nous attendra pour le prochain album long format. Allez, vas-y qu'on te foute un passage dont les lignes vocales paraissent totalement r'n'b s'il n'y avait pas eu toutes ces grosses guitares massives en toile de fond (« Dreadful Moments »), voire carrément rentrer dans le quasi-rap metal à l'instrumentalisation autrement plus musclée (« Teacher, Teacher ! »). Ce qui montre que sa frontwoman s'avère convaincante dans son rôle et se permet de sortir un peu des carcans, même si elle est évidemment très loin de posséder la technique et spectre vocal caméléonesque d'une Asphodel ou d'une Nehl Aëlin. C'est qu'à ce niveau, on pourrait presque parler de fusioncore s'il y avait eu cette étincelle déjantée en plus. D'autant plus que Jinjer ne manque pas de sens du groovy aussi glacial que délicieusement improbable comme cet étrange collage guitare un peu saccadée/batterie aux bpm qui galopent sec du riff principal de l'ultra-catchy « Perennial », preuve que le combo sait aussi ajouter des fines touches d'excentricité sur des titres plus classiques et orientés single, histoire qu'ils ne paraissent pas trop planplans et fassent de belles heures de chaos en fosse lors des lives.

 

Bref, Jinjer, je les détestais sans les écouter. J'aurais voulu les détester également en les écoutant. Au final, j'ai trouvé ça terriblement efficace et rafraîchissant. Mieux encore, s'ils conservent ce même passage de vitesse quant au métissage de sa base résolument metalcore pur jus, ça pourrait vraiment donner hyper bien. Même si on espère un peu que ça n'attirera pas trop une vagues de jeunes loups copiteurs dans le sillage de ce renouveau d'un style qu'on pensait pourtant usé jusqu'à la moelle depuis belle lurette.

photo de Margoth
le 25/03/2019

3 COMMENTAIRES

Tookie

Tookie le 25/03/2019 à 08:52:45

Ben ouais, moi aussi j'adore ! C'est vraiment super efficace, putain de chanteuse et derrière ça fait le job. Rien de surprenant à ce qu'ils puissent percer et s'extirper d'une scène trop bien installée.

sepulturastaman

sepulturastaman le 25/03/2019 à 09:12:40

Mouif, ça fait pas pousser une troisième corne au diable.

Seisachtheion

Seisachtheion le 25/03/2019 à 11:29:06

Vus également au Motoc. Tiède au départ, je dois bien l'admettre : ils ont bien envoyé.!!!

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • Bongzilla + Tortuga + Godsleep à Paris, Glazart le 14 mai 2024
  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !
  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !
  • Devil's DAY #2 à Barsac (33) les 18 et 19 mai 2024