Jolly - Family

Chronique CD album (51:56)

chronique Jolly - Family

Lorsqu'on regarde un peu la liste de tout ce que j'ai pu chroniquer dans ces colonnes, il faut quand même reconnaître que la plupart des sujets ne sont pas spécialement vecteurs de joie de vivre. Bien au contraire même. Bien entendu, c'est à l'image que ce que j'écoute : même s'il y a bien des croustillades plus légères et festives, j'ai quand même tendance à me sentir plus en phase avec les ambiances sombres, torturées et mélancoliques. Histoire de ressentir mes plus noirs aspects que je me garde bien de montrer en société. Mais également parce qu'il y a énormément de trucs dits « feel good » qui se révèlent totalement gnangnan. Alors si on rentre dans les clichés de paillettes, d'arc-en-ciels, de licornes et autres messages religieux typés « Dieu vous aime, la vie est belle ! », ça me hérisse carrément les poils. En cela, la découverte de la doublogie de The Audioguide To Happiness des progueux alternatifs américains de Jolly en 2011 et 2013 a plus ou moins fait office d'exception qui confirme la règle. Car en terme de « feel good », d'ambiances lumineuses vectrices de joie et d'allégresse, ça se pose là. Le diptyque sus-nommé poussait même le bouchon plus loin dans le délire puisqu'il avait la particularité d'avoir intégré des fréquences dites binaurales. A savoir, des fréquences imperceptibles pour l'oreille humaine mais que l'on pourrait malgré tout ressentir (au casque) à défaut de les entendre, ce qui aurait pour effet d'agir sur notre humeur de diverses façons selon les fréquences usitées. Étrange procédé on admettra, d'autant plus que ce concept de « fréquences binaurales et leurs potentiels effets » n'ont jamais été démontré scientifiquement parlant. Enfin bon, libre à chacun de croire ou non de la véracité de tout cela mais on n'enlèvera pas le fait que ces deux volumes de The Audioguide To Happiness s'inscrivaient sur le positivisme exacerbé. Et même si ça pourrait paraître plutôt naïf et gnangnan, de la même manière que la communication du groupe qui se présente comme les Incredible Jolly et termine chaque post de news par un « Jolly Loves You » pourra s'avérer agaçante et mielleuse, il faut reconnaître que se plonger dans la musique de Jolly, c'est sortir du monde et se retrouver sur un nuage tout plein de bonheur. Sans doute que ses membres ont dû bien voguer sur leur petit nuage à titre personnel puisqu'ils se sont bien laissés oublier depuis, la vie et les impératifs familiaux étant ce qu'ils sont. Et ce n'est qu'aujourd'hui qu'on les revoit avec un nouvel album justement intitulé Family.

 

Autre coïncidence un brin cocasse : il faut savoir que je me farcis cet album en parallèle du nouveau méfait d'Inter Arma. Une déflagration dévastatrice qui représente sans doute l'antithèse totale. Et vraiment, lorsqu'on écoute « Lie To Me » tout de suite après les dernières notes de Sulphur English, l'on sent comme un immense soulagement. Comme si, en l'espace de quelques secondes, l'âme s'allégeait considérablement au fur-et-à-mesure que l'on se laisse happer par cette tornade lumineuse, blindée de bienveillance et de réconfort. Comme si l'on se retrouvait à retrouver la douce chaleur de l'étreinte maternelle en redevenant un innocent petit bébé. Et ce, sans sentir pousser l'éruption de boutons qui prévient que l'on se retrouve face à un truc vraiment trop mielleux pour être honnête et pris au sérieux. Sans doute parce que Jolly maîtrise son propos dans le fait de savoir alterner ou entrelacer des facettes plutôt sirupeuses et légères bien pop/rock comme il faut avec des choses autrement plus lourdes et metalliques. C'était déjà le cas il y a six ans et il ne fait que confirmer cet état de fait avec Family. Ici, la recherche de la mélodie est omniprésente, au point d'en devenir hyper accessible et fédérateur mais en cherchant toutefois à être assez tortueux, massif et progressif (dans son sens alternatif comme peut le faire Riverside) pour ne pas paraître trop naïf et concon non plus.

 

Cette nouvelle cuvée inespérée qui sort après une longue gestation de cinq ans où le groupe a choisi le parti de le distribuer par ses propres moyens et ceux de ses fans via un financement Patreon – certains titres étaient donc disponibles pour les contributeurs depuis un bon paquet de temps – représente indéniablement la meilleure entrée en matière pour découvrir ce qu'est la fibre Jolly. Le combo se révèle maître de toutes ces bonnes vibes qu'il est sans doute le seul à savoir envoyer sans paraître illuminé ou ridicule. Et surtout, en plus d'appuyer d'autant plus sa personnalité, Family se montre extrêmement hétéroclite. Aucun concept ici, l'on sent pertinemment que tout n'a clairement pas été composé à la même période. Et par-delà de montrer une synthèse bien digérée, le ton peut parfois se montrer plus aventureux, histoire de faire avancer un peu le schmilblick et éviter une trop grande redite. « Violet » et son ambiance bien spatio-lounge appuyée par un aspect électro rythmiquement saccadé en est un bon exemple. Ou comment prendre à contre-pied total tant de groupes qui donnent dans des concepts un peu spatiaux/cyber/SF comme des S.U.P. ou des Voivod qui se complaisent à se cantonner à des sonorités glaciales, voire glaçantes. Là, le positivisme prime, avec ce qu'il faut de cocooning et d'espoir afin que l'on ressente à notre tour cette douce quiétude. Tel un « Circuit Heaven » aux ambiances célestes où l'on a carrément l'impression de se laisser entraîné en étant confortablement avachi sur la légèreté cotonneuse d'un nuage. Et ce, en sachant toujours maintenir l'attention, même lorsque ça tire en longueur (« Let Go », titre fleuve qui ne doit sa progression qu'aux envolées de clavier diverses et autres montées/descentes d'intensité plus ou moins volatiles).

 

Bref, Family de Jolly, c'est la petite parenthèse positive de cette fin d'été. Et n'oublie pas, lecteur, on a beau te plomber régulièrement avec des trucs qui montrent les plus noirs aspects de l'être humain, la vie est belle quand même. Et que CoreAndCo t'aime. Enfin, à part Cromy mais lui, il n'aime personne, ça ne compte pas vraiment...

photo de Margoth
le 04/09/2019

1 COMMENTAIRE

cglaume

cglaume le 04/09/2019 à 13:15:03

Taratata: Crom est amour... Et ongles arrachés. C'est juste qu'il vaut mieux ne pas être douillet :)

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