Kartikeya - Samudra

Chronique CD album (1:13:41)

chronique Kartikeya - Samudra

C'est sûr, la balade en auto-stop entre Crimée et faubourgs de Bengalore est plus courte que celles partant de Paris, Berlin ou Madrid. N’empêche: il semblerait qu’au-delà de la « presque-proximité » géographique, il se développe quelque-chose de particulier entre les métalleux à balalaïka et les yogis à cithare. En particulier avec ceux de ces métalleux qui ont punaisé un poster de Fredrik Thordendal au-dessus de leur lit. Parce que s’ils ont tendance à avoir la vodka mauvaise quand il s’agit de causer frontières communes, Russes et Ukrainiens (...certains du moins) semblent tomber d’accord quand il s’agit de causer musiques tradi’ indiennes. Vous l’avez peut-être oublié / zappé, mais avant l’opus d’aujourd’hui, CoreAndCo avait déjà évoqué ce juteux jumelage lors de la chronique du Исток / Istok de Sva Da Ra. Et aujourd’hui, rebelote: Baba Yaga et Brahmā font à nouveau front commun sous la bannière Kartikeya et les couleurs d’Apathia Records pour nous booster les chakras à grands coups de poinçonnage ethno-atmo-guitaristique.

 

Mais la déesse Vishnuggah me rappelle brutalement à l’ordre: cette chronique démarre en effet sous le signe de la caricature réductrice, Samudra proposant bien plus que du Kama Sous-Djent. Pas bien lapin: tu vas nous perdre du lecteur en route avec tes conneries! C’est que l’on visite bien d’autres univers que les froids tuyaux polyrythmiques suédois sur le 3e album de la bande à Roman "Arsafes" Iskorostenskiy. Car la dimension moderne du metal des Russes est tout autant faite de froide télégraphie à la Qui-Vous-Savez que d’un Modern Death atmosphérique voisin des répertoires de Gojira, Textures, Om Mani ou encore Clampdown. Voire de quelques riffs quantiques rappelant Sybreed. Par ailleurs, lors de certaines injections mélodiques, le ton s’infléchit en direction des contrées « futuristes » vers lesquelles le Melodeath s’était aventuré à l’époque où Gardenian proposait Sindustries et In Flames Reroute to Remain. Et puis notons encore que les indostoïevski dont on vous cause ici n’ont pas tout à fait fini de gommer leurs lointaines influences Black / Death, les blasteries brumeuses restant nombreuses, notamment sur la première moitié de l’album (à la fin de « Tandava », la grave narration de fond d’espace sonore aurait tout aussi bien pu être remplacée par de furieuses invectives shriekées sans que ça change le ton).

 

Bien que l'on ait à présent bien élargi la description du panel stylistique pratiqué (merci à Jojo le gynéco pour son écarteur), on est encore loin de vous avoir fait faire le tour complet du propriétaire. Car en ce qui concerne l'autre pan de sa personnalité musicale, si l'album ruisselle bien évidemment de parties de tabla, de kannakol (sorte de scat au curry) et autres instrus à cordes aux stridulations chamarrées, la dimension « World » ne se limite pas qu'à ça. Outre de multiples nappes de synthé qui nous mettent en condition pour tenir une bonne demi-heure en position du lotus, c’est bien la carte de visite d’Orphaned Land que le groupe nous remet au début de « The Golden Blades ». Sans parler des parties youpi-youpla à sabots qui sentent la cornemuse, le violon et autres accordéons dont la place habituelle est plutôt au sein des compos de l’excellent side project de 3 des membres du groupe, j’ai nommé Zmey Gorynich (‘coutez donc « Mask of the Blind » et « We Shall Neved Die »). Et pour vous persuader que quand il se lance dans un épisode de méditation transcendantale Kartikeya ne fait pas semblant, sachez que l’ombre de Devin Townsend (celui de Casualties of Cool, Ki et Ghost) plane sur de nombreux titres, du flutiau de « Dharma - Into the Sacred Waves » à l’interlude « Samudra », en passant par le refrain de « We Shall Never Die » – qui passe définitivement dans le registre du Canadien avec ces chœurs vaporeux qui surgissent à partir de 3:50.

 

Alors un tel mélange foisonnant pourrait n’aboutir qu’à un disque ambitieux mais boursouflé, noyé sous les références et d’ennuyeuses longueurs. Sauf que ce n’est pas le cas. Car crénom, que tout cela est beau! On plane, on virevolte, on admire, on se fait souffler dans les naseaux. « Mask of the Blind » est un fabuleux tube de World Gojiggah Metal aussi imposant qu’accrocheur. « The Golden Blades » est tout aussi catchy, et ce même sans tenir compte de son excellent refrain. Et puisqu’on cause refrain, dur de se retirer de la tête celui, traînant, douloureux, magnifique, de « The Horrors of Home ». Du coup c’est uniquement par conscience professionnelle qu’on évoque la participation à l’œuvre de Karls Sanders (Nile) et David Maxim Micic (on en reparlera), l’album n’ayant pas besoin de ces illustres musiciens pour attirer le chaland.

 

Il n’est pas évident de combiner accroche, majesté, approche moderne et atmosphères « World » sans accoucher d'une lourde pâtisserie étouffe-chrétien. C’est pourtant ce que réussit brillamment Kartikeya sur ce 3e album. Alors laissez tomber les loukoums trop sucrés (Orphaned quoi?) et essayez plutôt l’alliance des savoir-faire slaves et indiens!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: vous aviez succombé au charme du Исток / Istok de Sva Da Ra, et… Comment, vous ne voyez pas de quoi je cause? Atmosphères « world » des alentours de Madras, metal moderne qui pilonne méthodiquement, mélodies féeriques… Là, vous voyez mieux? Eh bien Samudra c’est ce qui se fait de mieux dans le genre. D’autres questions?

 

photo de Cglaume
le 19/02/2018

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