L' Enfance Rouge - Bar-Bari

Chronique Vinyle 12" (33)

chronique L' Enfance Rouge - Bar-Bari

D’abord, il y’a ce rock -Lizardien- entre hoquets et ondulations (cette basse !). « Perquisitions », le titre d’ouverture de ce Bar-Bari est un modèle du genre sur lequel repose un texte inspiré, baignant dans une bizarre ambiance 80’s bien que le propos soit des plus actuels. Ces deux minutes cinquante-cinq placées en tête de pont seraient donc la seule vraie nouveauté. Entendu, lu et relu partout Bar-Bari ne serait qu’une réinterprétation de l’orientalisant opus précédent Trapani–Halq Al Waady. C’est rassurant, enfin, l’intelligentsia rock parle de L’Enfance Rouge !

 

Pour les distraits, le trio franco-italien démarre en 1993 avec un farouche besoin d’aventures et de recherches. Insaisissable, au propre comme au figuré, le groupe nomade entreprend un voyage vers la découverte, géographiquement et musicalement parlant. Pour définir les atmosphères de L’Enfance Rouge, il faut parler d’introspection, de communication, d’accélération, de chocs comme de transe, de conscience aussi. En mai 2007, le quotidien Le Parisien disait à propos d’eux : « L'Enfance Rouge, une formation rock franco-italienne énergique, anarchiste et revendicatrice… ». Définition bien plus correcte que l’affable étiquette Avant-Rock dans laquelle on les englue souvent. Energique dans les dérapages noise et les accélérations de pattern, anarchiste dans la liberté de ton et dans les séquences des compositions sans a priori, revendicatrice dans la masse sonore imposante développée… Et je ne parle même pas des textes. La naïveté associée au plomb ?

Ces derniers guerriers de l’utopie défendent bec et ongles, rasoir et Kalachnikov,  toute prise de conscience qui éveille et élève l’individu, toujours dans le partage et la découverte. Généreux, ils le sont encore dans ce dernier effort et si on parle de recréation, on tutoie quand même les sommets dans le genre.  Pour rappel, leur précédent effort a été élaboré sur une période de huit ans. Le trio continuant ses voyages, des concerts et sorties discographiques. Toujours ce dévouement à une vérité dans la force des échanges. A l’heure où l’on parle encore du bout des lèvres de multi culturalité, ça laisse songeur.

 

Bar est une ville portuaire du Monténégro, forte de 14 000 habitants. Pour l’histoire, Le 13 juillet 1941, c'est dans la municipalité de Bar que le premier soulèvement populaire contre l'axe Rome-Berlin-Tokyo a commencé, les premiers tirs ont été tirés dans les districts de Bar et de Cetinje. C'est l'une des raisons pour lesquelles le 13 juillet est la date de la fête nationale du Monténégro. Bari est une agglomération portuaire italienne avec une densité de population très dense, près de 600 000 habitants et est depuis toujours un centre névralgique du commerce et des échanges politico-culturels avec l'Europe et le Moyen-Orient. On parlera de tout à propos des errances de L’Enfance Rouge mais difficilement de hasard.

 

Bar-Bari est un disque cru, essentiel, presque primaire comme pouvaient le faire les Birthday Party ou Jesus Lizard. Et après plusieurs écoutes, on retrouve ces repères du blues-bruit blanc propre à Jeffrey Lee Pierce. Une transe propre au vaudou. La force de la voix de François R. Cambuzat, dans un timbre proche de Franz des Young Gods, est dominante. On retrouve une ressemblance dans ces atmosphères de rouille et de poésie urbaine, propre aux suisses.  Plus loin la sensation de ce rock industriel prend corps lorsque Chiara s’empare du chant. Dans l’épique « Wa ana lastou ouroubyyan », c’est l’ombre portée de  Meira Asher en embuscade qui nous cueille. Les textes puisés dans l’œuvre de Guy Debord, notamment dans le Panégyrique, trouvent donc refuge sous forme de poésie-politique-slogan. Porté par un jeu de batterie mesuré et profond qui s’amuse avec les tonalités des toms et cette caisse claire nue, cette basse sourde, élastique, en contrepoint parfois et les décharges électriques qui habillent des mélodies subtiles, enregistrées de façon live par Fabio Magistrali. Bar-Bari est un brillant disque rock viscéral et sensé.

 

Une première pour L’Enfance Rouge, c’est la sortie en vinyle de Bar-Bari (je ne me lasse pas de ce jeu de mots) sur le label Les disques de Plomb. C’est Igor Hofbauer qui se charge en noir et blanc de décrire un certain point de vue de cette traversée vers la côte Adriatique. Un onirisme au rouge vif propre au trio.

Le refus systématique de la soumission et la soif de liberté emportent une fois de plus le combat contre le misérabilisme sous la forme d’un album de rock bruyant, sauvage emprunt de digressions bruitistes instinctives ou posées.

photo de Eric D-Toorop
le 10/06/2011

0 COMMENTAIRE

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements