Les Disparus De La Photo - Film Documentaire

Chronique DVD

chronique Les Disparus De La Photo - Film Documentaire

Après Temps Plein, je vais vous parler d'un autre documentaire, qui n' a pas grand-chose à voir avec le précédemment cité.

Je vais vous parler d'un film qui part semble-t-il non pas d'un a priori, mais d'un vécu, somme toute négatif. L'auteur-réalisateur Jean-Philippe lâche la musique à l'aube des années 2000, comme écœuré de ne plus retrouver l'état d'esprit qu'il avait connu au milieu des années 90. Constat qui d'emblée m'avait fait sauter (ou tomber) de ma chaise, je dois bien le dire...

 

Ça commence par une p'tite musique funèbre digne d'un générique de Walking Dead, avec des pierres tombales en décor. Paie ton ambiance !

Ensuite, direct, on situe le milieu d'époque, autour de Montbéliard dans le Doubs : travailleurs à la chaîne, usines, ambiance « métallique », climat dur, glacial l'hiver, brûlant l'été (ça c'est moi qui le rajoute), barres d'HLM construites à la hâte, création de bourgs ouvriers dortoirs. Introduction intéressante qui pose bien le décor et qui explique certaines choses. Notamment le désir fou de se sauver la life par la musique, mec.

Ensuite Jean Philippe balaie de sa lumière de nombreux acteurs de l'époque et quelques lieux, avec en tête l'incroyable video club d'Audincourt, Le Cube en salle de concert subversive et le Saint Pinky Bar, toujours actif aujourd'hui (Gigi représente!). Et une dose d'accents locaux savoureux, les parigots apprécieront !

Petit à petit on semble quand-même basculer dans une critique du monde actuel, ce qui est intéressant, oui, mais aussi un peu agaçant. Notamment cette touche de mauvaise foi parfois. J'y reviendrai dans l'interview pour en savoir un peu plus. Car pour ma part, je ne pense pas que le Rock ou le Punk soient spécialement morts. Qu'il y ait un phénomène cyclique, possible, mais il serait bien dommage d'être définitif sur la question... Sûr que l'époque n'est pas brillante, mais c'est complètement global, pas seulement au niveau du Rock...

Et comme mon parcours l'explique peut-être, je ne céderai pas un pouce à la résignation. Il ne faudrait surtout pas se laisser aller... bordel de merde !

 

Aussi, ce qui est marrant avec ce documentaire, c'est que c'est tout le contraire de Temps Plein chroniqué ici. Là, a contrario, il s'agit d'interviews exclusivement, de tranches de paroles d'acteurs passés et/ou présents. Peu de mise en scène donc, et quand il y en a, c'est essentiellement une mise en scène pratique. Quelqu'un parle et il est filmé. Point. Parfois au Pinky Bar, parfois dans une galerie d'art, un atelier de sérigraphie ou chez l'habitant. J'y vois donc beaucoup moins quelque chose d'artistique (y'a pas d'mal à ça non plus) que le relais d'une parole multiple, la parole de ceux que Jean Philippe a côtoyés, celles et ceux qui l'ont marqué. Il s'en explique très bien et cette façon de faire, ça me va aussi. Il n'interrogera presque personne d'autre. Faut dire que potentiellement, il y en a du monde, c'est un petit coin mais ce fut et c'est toujours – j'insisterai – riche, et c'est une façon de sélectionner tout à fait honorable.

 

J'ai aussi apprécié le fait qu'il élargisse la discussion avec des gens travaillant justement au sein de ce petit monde un peu beaucoup antipunk (eheheheh !) des Musiques Actuelles Institutionnalisées si critiqué. L'ironie étant que beaucoup d'acteurs de la scène D.I.Y. de l'époque se retrouvent désormais dans les différentes équipes de ces SMAC ou de ces festivals qui paraissent si éloignés du code de conduite Punk. Oh, attention, je ne les juge pas du tout, au moins ils essaient de FAIRE quelque chose et ça n'a rien de surprenant de les retrouver là quelques années plus tard. Mais on est tout de même aussi en droit de se demander si certains n'auraient pas contribué involontairement à tuer la scène... D'ailleurs, plusieurs se lancent un peu dans leur auto-critique ou relativisent l'importance de certaines actions de ces « Pôles des Musiques Actuelles ». Merci, mais on s'en doutait un peu, en fait... Mais c'est toujours bon de le reconnaître !

Nan mais, tu fais un groupe de Rock et t'attends que... l'Etat t'aide ?!? Y'a pas comme un problème ?

Ça me fait penser à la Suisse, ha !, où un groupe Punk peut voir sa tournée financée par l'Etat. Oui, une tournée Punk subventionnée. A se tordre de rire !

Mais oui, c'est très sain d'être critique à ce niveau, que les musiciens en devenir perdent à jamais tout espoir grandiloquent de « devenir une star », de vivre de sa musique en France, et se concentrent sur l'essentiel : doivent-ils réellement faire de la musique ? Ahahah ! L'essentiel est ailleurs : faire de la musique personnelle, n'est-ce pas déjà se mettre d'une certaine manière en dehors de tout système, n'est-ce pas déjà à la base une démarche « Punk », ou libertaire si tu préfères ? Pourquoi faudrait-il appliquer une vision de la vie capitaliste à quelque chose d'immatériel, de totalement subjectif et, quelque part... gratuit ?

Faire de la musique c'est pour la beauté du geste, pour l'expression libre, pour... j'y reviens toujours, niquer la mort !

Tout ce dont a besoin, c'est d'un défraiement pour l'essence, un coin pour dormir au chaud et au sec et juste à manger et à boire dans les restos, les restos des rockeueueueueeurs !

Et ne te demande pas trop ce que la scène pourrait faire pour toi, mais ce que toi tu peux faire pour la scène, que diable !

 

Hem. Tout de même, je me demande bien pourquoi – et surtout à quel niveau – Jean Philippe a eu l'impression de ne plus retrouver « l'esprit » qui animait la scène et qui lui plaisait tant. Je me le demande et je vais pas me faire prier pour lui demander dans l'interview qui accompagne cette chronique chaotique ! Sans dèc', et je ne dois pas être le seul, j'ai pour ma part connu de bien belles choses chez les Punks depuis 2001 ! Et je n'arrive pas à trouver la réponse précise à cette question dans le documentaire, je suis p't'être con comme un balais à chiottes, hein, mais je me demande toujours... Le monde n'est quand-même pas régi par les SMACS et Facefoutre, non ?

Ah bon.

 

Ouais... Je me demande si Jean-Philippe ne nous fait pas un enterrement, là, avec les honneurs et les fleurs... Pierres tombales, décors dignes de musées parfois, et le DVD bonus* avec les concerts de l'ancien monde. Serait-ce l'enterrement d'une époque, l'enterrement de ses propres rêves et illusions, plus que l'enterrement d'une scène et de musiques qui me paraissent tout de même toujours bien actuelles ? J'écoutais encore Cocaine Piss l'autre jour. Serais curieux d'savoir ce qu'ils en pensent, eux...

Oui, bon, d'accord, le vieillissement du public... C'est vrai, je me fais la remarque parfois... Mais tiens, par exemple, je me souviens d'une soirée pas si lointaine dans une cave à Bourges bourrée d'étudiantes et d'étudiants bourrés et transpirants au son des Pauwels. Moyenne d'âge plutôt basse !

Dans le genre soirée de vieux cons, on a fait mieux...

Après, oui, vous qui venez sans doute d'ailleurs n'en aurez peut-être rien à battre, mais c'est vrai que la scène locale d'Audincourt et consorts n'est pas forcément au mieux de sa forme. Surtout niveau endroits pour jouer en fait... Car, tiens, plus du côté de Belfort, ce que je connais le mieux, y'a une émulation pas possible entre différents groupes Rock/Metal au sens large, c'est assez génial !

C'est pour cela que je ne peux pas laisser dire ça sans ouvrir ma gueule, éhéh !

 

Béh... Je comprends pas que personne n'ait jamais monté un squatt de vie ET musical entre Montbéliard et Belfort... (NÜÜÜÜÜT ! Erreur ! L'aut' soir mon pote Philou m'a parlé du squatt/salles de répèt aux Abattoirs, qui a précédé – et quelque part créé – le Rockhatry officialisé, à Belfort)

Je sais ce qu'il me reste à faire ! Je vais lâcher ma famille et mon boulot et monter un squatt avec trois potes ! Et on va se faire virer en 48 heures maxi !

 

En fait, ce qui nous échappe dans le Rock/Punk/Hardcore, c'est ce qui nous échappe partout ailleurs. Les endroits où se rencontrer, discuter, vivre. Sérieux, les bars crèvent ! Où est-ce qu'on se retrouve, les gens ?

Cela dit, on sent petit à petit dans le fond de la rumeur une envie de retour au local, à l'entraide... Un petit espoir pour le Punk ?

Mmmmmm...

Sinon, tournez-vous vers la taxidermie. « C'est bien, ça, la taxidermie ! » (LordxGonzo/CxRudler copyright, « La scène du futur »).

 

A un moment, Gigi du Pinky nous dit en substance que tout le monde est le bienvenu au Pinky. Pareil niveau Zik. Les jeunes et leurs premiers groupes pouvaient jouer au Pinky, de même que certaines, hum, « vedettes » de l'underground.

C'est pas beau, ça ?!?

C'est pas ça la CULTURE, merde ?

J'ai rien contre les SMAC, hein, mais je ne veux pas qu'il n'y ait plus que ça. Et c'est bien le problème selon Les Disparus De La Photo.

Tout disparaît et ne restent plus que les machins subventionnés au prix d'entrée cher et aux, hum, « critères de sélection », si je puis dire, implacables. Donner du fric des impôts pour faire des soirées chères dans des endroits désincarnés, c'est bon ça ! Il reste ça (pour l'instant... les subventions baissent...) et comme dit « Le Chef » des Productions de L'impossible, « Disnelyland », les parcs d'attraction (Hellfest, Eurocks et j'en passe...).

For-mi-dable.

Et avec ce nouveau « décret son », on nique encore plus la gueule aux soirées vivantes et bruyantes.

Sérieux, les gens sont-ils trop cons pour penser à s'mettre des bouchons dans les oreilles si c'est trop fort pour eux ? Tant pis pour leurs gueules, bordel !!!

J'ai aussi appris dernièrement qu'un système de subventions (via le dispositif GIP Café Culture) allait être mis en place pour prendre en charge une partie des défraiements pour les musiciens pros (ou les chômeurs en puissance appelés « intermittents du spectacle »), lorsque des caf'conc' verseront des cachetons officiels, bien-sûr.

Allô ? J'entends pas ! Allô ? C'est quoi le sens de tout ça ? Quelqu'un peut m'expliquer ? C'est-y pas complètement niqué de la tête ?!? L'état (vous, moi, tout le monde, quoi, les impôts) qui donne de la thune aux cafés pour les aider à payer des artistes pros ?!? Après avoir tout fait pour tout raser à la Hiroshima styley ?! On ferait pas mieux d'arrêter de mettre des bâtons dans les roues des assos et autres lieux de culture en marge (ou pas) ? Ça serait pas tellement plus simple ?

Je vomis.

De toutes façons, le mal est fait...

 

Ah merde, en fait je me retrouve plus ou moins raccord avec ce qui est raconté dans ce documentaire qui vaut largement le détour.

Faites attention, les différents teasers m'avaient donné une sale impression de « Les Darons de la Scène Réunis vous donnent une Bonne Leçon » qui n'est pas la réalité du documentaire (même si, parfois, un peu quand-même, éhéh!).

Et que vous ne soyez absolument pas du coin n'a aucune espèce d'importance, finalement, voyez comment ça me retourne la tête...

J'y arrive pas à faire cette chronique, à faire ce dossier et à faire cet interview, c'est pas possible, c'est tellement important pour moi tout ça, comment Jean-Philippe a-t-il fait pour en faire un film qui se tient ?!

Moi, j'ai même pas retrouvé certaines choses que j'étais censé avoir écrites alors que, ben non, nul part, c'était juste DANS MA TÊTE BORDEL, tellement j'y ai pensé fort !!! (c'est encore un moment « Prends tes cachets, Gep », à prix libre !)

Mais, mais, c'est que c'est une passion, c'est toute une vie, bordel !

 

Laissez-nous vivre bordel !

On veut pas de vos accompagnements, on veut être libre !

On veut pas de vos subventions, on veut vivre !

 

 

* Au fait important : le DVD Bonus n'est pas un DVD Bonus. Pas vraiment. C'est ben mieux qu'ça: un bout d'histoire.

Et lire le livret ne sera pas inutile. Il y a des chances qu'il y ait des réponses à certaines de mes questions, dans ce livret. Mais je ne les reproduirai pas ici, c'est pas du jeu ! A vous de lire l'interview ici et surtout libre à vous de vous procurer le tout si ça vous intéresse vraiment !

 

photo de El Gep
le 10/07/2019

2 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 10/07/2019 à 13:00:47

Haha cette chro : on dirait une interview de El Gep par Jean-Philippe ! :)

el gep

el gep le 10/07/2019 à 20:30:05

Et encore, z'avez échappé à l'Horreur: j'ai failli écrire mes mémoires, en réponse!

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