Luciferion - Demonication (The Manifest)

Chronique CD album (39:13)

chronique Luciferion - Demonication (The Manifest)

Dans le petit monde du Death metal, la plupart des groupes référentiels se sont fait allègrement piller par une armée de seconds couteaux avides de montrer que leur savoir-faire est à la hauteur de leur ferveur: Morbid Angel, Death, Entombed, At The Gates, Suffocation, Cynic… Peu ont échappé à la razzia. Il en existe cependant quelques-uns qui, bien que dotés d’une identité forte, n’ont pas enfanté de telles quantités de rejetons. Tiens, par exemple: vous en connaissez beaucoup, vous, des clones d’Obituary? Eh bien c’est plus ou moins la même chose avec Deicide. Parmi les rares disciples connus de l’église déchue du Révérend Benton, peu de noms à citer... Deux, en fait, si on gratte un peu: Infestdead, et Luciferion.

 

Bon, l’univers de Deicide, rassurez-moi: vous situez? Cuir et pentagrammes. Blasphèmes et absence absolue de second degré. Riffing sec et massif, façon coups de fouet sans gras ni grumeaux. Doublette vocale growl sombre / protestations fielleuses. Matraquage sévère et attitudes théâtrales de démon qui se rengorge. Brutal, mauvais, cliché, noir. Eh bien malgré la nature des formations dont sont issus ses membres (Lost Horizon, Dark Tranquillity… On ne pouffe pas, manant!), Luciferion baigne lui aussi jusqu’au cou dans ce gros bain evil bouillonnant, qu’il enrichit encore de quelques touches Morbid Angeliennes du meilleur goût. On pense à Vital Remains également. Par contre, froides soirées d’hiver obligent, le groupe laisse parfois percer, tantôt via quelques nappes d’un clavier discret, tantôt via des ambiances blackisantes lorgnant vers Necrophobic, des indices trahissant ses origines suédoises. Et puis bon, c’est pas comme si ce premier album n’avait pas été mis en boîte aux studios Fredman, temple du Melodeath from Göteborg (… soyons honnête: ça ne se devine pas au premier abord).    

 

Alors autant vous le dire tout de suite si vous débarquez: Demonication possède un statut culte que peu de monde remet en question. Il faut dire que de la messe noire du début à la sinistre mais fière outro finale, on est plongé dans un univers infernal aussi brutal que convainquant. S’il reste un peu trop collé aux basques du père Benton (les gimmicks sont un peu violemment copiés-collés!), cela n’empêche pas le groupe d’écrire quelques petites pépites qui pourraient tenir la dragée haute à certaines compos référentielles du Maître. Le fulgurant « Christ Dethroned » est de celles-ci, avec son break atmosphérique grandiose à 1:05. Le plus classique « The Manifest » laisse lui aussi exhaler une bouffée épique transcendante peu après la barre des 3 minutes. Et la grande majorité des titres mériteraient à des degrés divers d’être ajoutés à cette liste.

 

Pourtant j’avoue trouver que pour tout excellent qu’il soit, cet album ne mérite pas d’être mis sur un pied d’égalité avec les 4 premiers opus de Deicide. Parce qu’il pompe l’essentiel de sa personnalité à un tiers plutôt que de l’avoir bricolée lui-même. Parce qu’aucun de ses morceaux n’atteint le statut ultime d’Hymne – que beaucoup de compos des Floridiens méritent. Parce que le final « The Voyager » est trop plat pour prétendre être de plein droit la conclusion d’une œuvre majeure. Et parce que le meilleur morceau de la tracklist est une reprise. Celle de « Blasphemer », de Sodom. C’est sans doute l’une des 10 meilleures cover, tous sous-genres confondus, qui ait jamais été enregistrée dans le Metal (putain ce fiel pure! Cette haine sauvage!). Mais tudieu: quand le meilleur morceau d’un album est une reprise, c’est qu’il y a un problème. Et c’est d’autant plus sensible quand on remarque que « Christ Dethroned » et le plus plat « Satan’s Gift » possèdent des similarités un peu trop voyantes avec ce morceau-phare. D’ailleurs la relative débâcle que constitue, 9 ans plus tard, la sortie de The Apostate – immédiatement suivie du split du groupe – semble confirmer que l’on ne peut pas comparer un petit scarabée, même talentueux, à un grand maître Shaolin.

 

Impitoyable, impressionnant, référentiel, définitif: Demonication mérite de figurer dans toute discographie Metal Extrême qui se respecte. Mais ne mettons pas le char russe avant l’Elbe: assurez-vous quand même d’y avoir ajouté au préalable les 4 premiers Deicide.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La chronique, version courte: avec Demonication, Luciferion s’est érigé comme l’Ambassadeur officiel de Deicide en terres scandinaves. Impressionnant et vindicatif, l’album reste tout de même un peu trop sur les rails posés par son modèle, et il n’atteint son véritable pic que sur une reprise, « Blasphemer », véritable ouragan de violence surpassant de la tête et des épaules la version originale (composée par Sodom). Bref: excellent, mais peut-être pas non plus légendaire.

photo de Cglaume
le 07/01/2018

1 COMMENTAIRE

Xuaterc

Xuaterc le 07/01/2018 à 11:05:11

Pour moins, à l'époque Luciferion, c'était le groupe squatteur de Tributes, Metallica, Slayer, Merciful Fate...

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